1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW
HistoireMoyen-Orient

Israël-Liban, 76 ans de relations conflictuelles

2 octobre 2024

Depuis la création d'Israël en 1948, ses relations avec le Liban sont émaillées de tensions et de violences. Un aperçu chronologique.

https://p.dw.com/p/4lL8s
Des bâtiments détruits, à Beyrouth, après des bombardements israéliens (photo du 2 octobre 2024)
Des bâtiments détruits, à Beyrouth, après des bombardements israéliens Image : Anwar Anwar/AFP/Getty Images

Ce matin [02.10.24], l'armée libanaise a confirmé une "brève incursion" de l'armée israélienne dans le sud du territoire libanais. Le Hezbollah affirme combattre ces forces israéliennes qu'il qualifie d'"infiltrées". Israël avait annoncé des incursions terrestres "limitées" au Liban, où l'armée israélienne cherche à détruire le Hezbollah et ses tunnels.

En réalité, les relations entre le Liban et Israël sont compliquées depuis la création de l'Etat hébreu, en 1948. Des relations émaillées de tensions et de violences dont voici un aperçu chronologique.  

 

Avant 1948

Le Liban devient indépendant de l'administration coloniale française en 1943. 

Le gouvernement libanais représente un large éventail de groupes religieux et ethniques, et certains plaident pour un alignement sur les sionistes qui réclament la création d'un Etat juif. Cependant, d'autres pensent qu'il serait impossible d'avoir de bonnes relations avec Israël et avec les Etats arabes voisins.

Yad Vashem : se souvenir des victimes de la Shoah

1948-1949

Le 14 mai, la création de l'Etat d'Israël est déclarée. Ce jour-là même, l'Egypte, la Syrie, la Jordanie, l'Irak et le Liban déclarent la guerre au nouvel Etat.

Des incidents violents ont déjà eu lieu dans ce qui était la Palestine mandataire, contrôlée par le Royaume-Uni. 

Les Nations unies décident de diviser la Palestine mandataire en deux Etats, l'un juif et l'autre arabe, ou palestinien, mais de nombreux Etats arabes ne sont pas d'accord et refusent d'accepter ce plan.

La guerre se poursuit jusqu'au début de 1949, date à laquelle Israël et certains Etats arabes, dont le Liban, s'accordent sur des lignes d'armistice officielles. Cet accord aboutit à ce que l'on appelle la Ligne verte, ou frontière d'armistice de 1949. La plupart des Etats arabes insistent sur le fait que ces frontières sont temporaires, ce qui n'est pas le cas du Liban.

A la fin de la guerre, Israël détient environ 40 % de la zone initialement prévue pour les Palestiniens par le plan de partage des Nations unies de 1947.

A cette date, environ 100.000 réfugiés palestiniens, qui ont été chassés de chez eux, se sont réfugiés au Liban. 

En 1949, l'UNRWA - l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient - est créé pour venir en aide à ces réfugiés palestiniens.

Tel Aviv: un homme brandit un drapeau israélien au passage d'un avion pour l'anniversaire de la création d'Israël, le 14 mai 2024
L'Etat d'Israël existe depuis 1948Image : Alexi J. Rosenfeld/Getty Images

1965

Jusqu'en 1965, la frontière israélo-libanaise reste relativement paisible.

Puis un nouveau groupe nationaliste palestinien, le Fatah, commence à lancer des attaques contre Israël depuis l'autre côté de la frontière. D'autres nouveaux groupes militants palestiniens lancent également des attaques à partir de la Syrie et de la Jordanie. 

L'opinion publique libanaise continue d'être divisée sur le conflit.

1967

Les tensions entre Israël et ses voisins arabes augmentent, et l'Egypte, la Syrie et la Jordanie se mobilisent contre Israël. 

A la suite d'une attaque préventive d'Israël contre l'armée de l'air égyptienne en réaction à cette mobilisation, Israël bat les nations arabes liguées contre lui dans ce qui est désormais connu sous le nom de "guerre des Six Jours".

Le Liban n'est pas impliqué dans les combats, mais des milliers de réfugiés palestiniens traversent la frontière pour se réfugier dans ce pays.

1969

Le Liban accepte que l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), nouvellement créée, gère 16 camps de réfugiés palestiniens au Liban sous le nom de Commandement de la lutte armée palestinienne. L'OLP finit par devenir une sorte de force de police dans les camps.

1970

Après l'échec d'un soulèvement contre la famille royale jordanienne, l'OLP transfère son siège principal de Jordanie à Beyrouth, la capitale du Liban. Elle déplace son quartier général militaire dans le sud du Liban. Cela entraîne une augmentation des conflits transfrontaliers entre le Liban et Israël.

1973 

Les forces spéciales israéliennes débarquent sur la côte libanaise et, dans le cadre de l'opération israélienne "Colère de Dieu", assassinent trois dirigeants de l'OLP. Ces assassinats sont commis en représailles à la prise d'otages d'athlètes israéliens par l'organisation palestinienne militante Septembre noir, durant les Jeux olympiques de Munich, en 1972. 

1978

Israël envahit le Sud-Liban, poursuivant les militants palestiniens qui ont continué à mener des raids transfrontaliers. Il s'agit notamment de combattants qui ont tué plus de 30 civils israéliens dans un bus détourné.

L'armée israélienne progresse jusqu'au fleuve Litani, à environ 29 kilomètres de la frontière, en territoire libanais. Le Conseil de sécurité des Nations unies demande son retrait immédiat dans la résolution 425.

Dans le cadre de cette résolution, l'Onu crée une "force intérimaire pour le Sud-Liban afin de confirmer le retrait des forces israéliennes, d'établir la paix et la sécurité internationales" et de veiller à ce que le gouvernement libanais reprenne le contrôle de la région.

La Force intérimaire des Nations unies au Liban, la Finul, opère toujours dans cette région aujourd'hui.

1982

En juin, Israël envahit le Liban. L'armée israélienne poursuit les combattants de l'OLP qui lancent des raids transfrontaliers. L'Etat d'Israël commence également à financer et à entraîner une milice chrétienne libanaise, l'Armée du Liban Sud (ALS), qui s'oppose à l'OLP.

La tension monte au Liban, ce qui déclenche la guerre civile libanaise de 1975 à 1990. Israël soutient l'ALS contre les autres forces en présence, soutenues, elles par la Syrie.

Des chrétiens nationalistes de droite et d'autres forces politico-militaires tuent des centaines de civils dans les camps de réfugiés palestiniens dans de ce qui sera appelé le massacre de Sabra et Chatila. 

Plus tard, plusieurs commissions d'enquête concluent que si les forces israéliennes stationnées sur place n'étaient pas directement responsables du massacre, elles l'avaient rendu possible. Les sources divergent sur le nombre de morts, mais certains experts estiment que jusqu'à 3.000 civils ont été tués.

L'invasion israélienne du Liban aboutit à la création du Hezbollah : un groupe de religieux musulmans chiites du Liban décide de prendre les armes contre les Israéliens. Le nouveau gouvernement théocratique iranien issu de la révolution de 1979 – un gouvernement également musulman chiite - leur fournit des fonds et un entraînement militaire.

Des manifestants pro-Hezbollah à Téhéran suite à l'élimination de Hassan Nasrallah par l'armée israélienne (photo du 1er octobre 2024)
Des manifestants pro-Hezbollah à Téhéran, après l'annonce de tirs de roquettes iraniens sur Israël, suite à l'élimination de Hassan Nasrallah par l'armée israélienneImage : Atta Kenare/AFP

1985

Au bout de trois ans, les troupes israéliennes finissent par se retirer de la région de Beyrouth pour se replier vers le fleuve Litani, où elles occupent officiellement une zone d'environ 850 kilomètres carrés entre le fleuve et la frontière israélienne.

Israël soutient qu'il a besoin d'une zone tampon de sécurité pour protéger les civils israéliens dans les villes frontalières. Il le fait avec l'aide de l'ALS.

Au cours des années suivantes, les Israéliens de la zone de sécurité sont pris pour cibles par des militants de groupes armés libanais. 

Ce n'est qu'en 2000 qu'Israël se retirera du territoire libanais conformément à la résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations unies de 1978.

1993

En juillet, Israël lance ce qu'il appelle l'opération "Responsabilité". C'est ce qu'on appelle la guerre des sept jours, au Liban. 

Les combats commencent après une série d'attaques menées par Israël et par des membres du Hezbollah près de la frontière, qui tuent des civils et des combattants des deux côtés. Des centaines de milliers de personnes sont déplacées. Au bout d'une semaine, les Etats-Unis négocient un cessez-le-feu.

1996

En avril, Israël lance l'opération baptisée "Raisins de la colère", dans une tentative manifeste de déplacer des civils vers Beyrouth, afin de faire pression sur le gouvernement libanais pour qu'il désarme le Hezbollah. Israël conseille aux habitants des villages du sud du Liban de fuir et commence à bombarder la région à l'arme lourde.

Pendant les 17 jours que dure l'opération, Israël effectue environ 600 raids aériens, bombarde l'aéroport et les centrales électriques de Beyrouth et bloque plusieurs ports libanais. Le Hezbollah répond par des tirs de roquettes. Des centaines de milliers de civils sont déplacés des deux côtés de la frontière.

Le bombardement israélien d'un complexe de l'Onu près du village libanais de Cana tue plus de 100 personnes qui s'y abritaient, dont 37 enfants. Des centaines d'autres sont blessées, y compris des casques bleus de l'Onu. Israël affirme que le bombardement est accidentel. L'incident suscite une condamnation internationale et, plus tard, des membres d'Al-Qaïda affirmeront que le massacre de Cana les a incités à attaquer les Etats-Unis.

L'opération dure 17 jours et se termine par un accord mutuel, négocié par les Etats-Unis, qui stipule que les civils ne sont pas des cibles légitimes.

Les hôpitaux de Gaza débordés face à l’afflux de blessés

2000

Israël se retire du Sud-Liban jusqu'à la Ligne bleue, démarcation établie par les Nations unies comme frontière temporaire afin que la Finul puisse surveiller le retrait israélien.

2006

Le Hezbollah capture deux soldats israéliens lors d'un raid transfrontalier et en tue plusieurs autres. Il exige la libération des détenus palestiniens en échange des soldats pris en otage. Israël refuse et lance une campagne militaire de cinq semaines, qui sera connue sous le nom de "guerre de juillet".

Ce conflit provoque le déplacement d'un million de Libanais et d'un demi-million d'Israéliens. 

Environ 1.200 Libanais sont tués, ainsi que 158 Israéliens, presque tous des soldats. Les infrastructures libanaises sont lourdement endommagées.

Les combats se terminent par la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations uniesqui demande au Hezbollah de désarmer et à l'armée israélienne de se retirer, et qui élargit le mandat de la Finul, forte de plus de 10.000 hommes, afin qu'elle puisse recourir à la force pour mettre fin aux activités hostiles dans la zone frontalière qu'elle supervise.

Israël et le Hezbollah considèrent cela comme une victoire. En octobre, Israël s'est en grande partie retiré. 

Décryptage : pourquoi l’Afrique du Sud poursuit Israël devant la CIJ

2023

À partir de 2006, la frontière sud du Liban est régulièrement le théâtre d'attaques réciproques. Tout change après l'attaque terroriste du 7 octobre 2023 du Hamas, un groupe militant islamiste qui dirige Gaza, contre Israël. Cette attaque provoque une riposte militaire d'envergure de l'armée israélienne dans la bande de Gaza.

La branche armée du Hezbollah, classée comme organisation terroriste par les Etats-Unis, l'Union européenne et l'Arabie saoudite, entre autres, commence à multiplier les tirs de roquettes sur le nord d'Israël en solidarité avec le Hamas. Les forces de défense israéliennes réagissent.

Israël et le Hezbollah, ainsi que d'autres groupes armés au Liban, conduisent plus de 10.000 attaques entre le 7 octobre 2023 et la fin septembre 2024, Israël menant beaucoup plus d'offensives, selon l'Armed Conflict Location and Event Data (Acled), une organisation de suivi des conflits. Les communautés de part et d'autre de la frontière sont dévastées et les civils fuient les combats.

Au Liban, sur une plage de Beyrouth, des tentes où vivent des personnes qui ont fui les violences entre le Hezbollah et l'armée israélienne (photo du 1er octobre 2024)
Au Liban, sur une plage de Beyrouth, des tentes où vivent des personnes qui ont fui les violences entre le Hezbollah et l'armée israélienne Image : Louisa Gouliamaki/REUTERS

2024

Après près d'un an de "combats contenus" visant principalement les infrastructures militaires, la situation s'aggrave encore.

Au cours du mois de septembre, Israël élimine plusieurs membres importants du Hezbollah, dont Hassan Nasrallah, le chef du mouvement. Des milliers de personnes, dont des civils, sont également blessées par l'explosion de "bipeurs" et de talkies-walkies lors d'un attentat que le Liban et le Hezbollah imputent aux services de renseignement israéliens.

Fin septembre et début octobre, Israël lance des raids aériens sur des quartiers du sud de Beyrouth et sur des villes du sud du Liban. Ces raids tuent des centaines de personnes en quelques jours. L'escalade entraîne également le déplacement de près d'un million de civils au Liban.

Israël déclare qu'il a l'intention de commencer des incursions terrestres "limitées" au Liban. 

Le 2 octobre au matin, l'armée libanaise a confirmé une "brève incursion" de l'armée israélienne dans le sud du territoire libanais. Le Hezbollah affirme combattre ces forces israéliennes "infiltrées".