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Le personnel du BAMF trop peu formé

30 mai 2018

Le scandale de Brême a révélé de nombreuses défaillances de fonctionnement au sein de l'office chargé des migrations, qui a été débordé par l'arrivée massive de réfugiés entre 2014 et 2016.

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Deutschland - Bundesamt für Migration und Flüchtlinge BAMF in Berlin
Image : Reuters/F. Bensch

Outre l'attribution de cours de langue et d'intégration pour les réfugiés, le BAMF est responsable du traitement des demandes d'asile. L'organisation du rapatriement des demandeurs refoulés est également de son ressort.

Infografik Anzahl der Asylanträge in Deutschland 1990 - 2017 FR

Une étape obligatoire pour les demandes d'asile

Tous les candidats au statut de réfugié en Allemagne passent donc un jour ou l'autre par les bureaux du BAMF. Pour un contrôle médical et la vérification de leur identité... et aussi pour être auditionnés sur les raisons de leur demande d'asile. C'est du moins ce que prévoit la loi.

Le demandeur d'asile doit se présenter personnellement et exposer de manière plausible les raisons de sa fuite pour justifier sa demande d'asile.

C'est là, notamment, que les choses ne se sont pas passées comme elles l'auraient dû à l'antenne locale de l'office à Brême, dans le nord-ouest de l'Allemagne. Au moins 1200 demandes ont apparemment été approuvées sans audition, ni même de vérification formelle de l'identité. C'est ce qu'a admis la directrice actuelle de l'Office, Jutta Cordt, lors d'une conférence de presse.

Jutta Cordt est en mauvaise posture, même si elle n'était pas à la tête du BAMF au moment des faits
Jutta Cordt est en mauvaise posture, même si elle n'était pas à la tête du BAMF au moment des faitsImage : picture-alliance/dpa/K. Nietfeld

"Nous continuons à vérifier toutes les décisions positives prises par l'antenne de Brême. Il y a environ 18.000 dossiers, ce qui inclut tous les dossiers depuis l'année 2000."

Le cas de Brême n'est pas unique. Il y a tout juste un an, un soldat de la Bundeswehr, Franco A., avait réussi se faire passer pour un réfugié syrien auprès d'une autre antenne régionale.

Aucune des informations qu'il avait fournies, notamment une soi-disante blessure lors d'un attentat, n'avaient été vérifées. Les auditions demandent du temps. Et c'est justement ce qui manque aux employés de l'Office.

Trop de demandes et pas assez de personnel

Les difficultés se font sentir dès 2014, lorsque le nombre de demandes d'asile commence à augmenter fortement. L'année suivante, à l'été 2015, l'Allemagne voit arriver une vague de réfugiés, environ 890.000 personnes. Le BAMF est alors critiqué pour sa lenteur.

L'ancien chef de l'Agence fédérale pour l'Emploi, Frank-Jürgen Weise, est nommé à la tête de l'organisme. Réputé pour être un excellent gestionnaire, il doit rendre le travail de l'office plus efficace... Et faire en sorte que la pile de dossiers en attente se réduise.

Infografik Asylanträge pro BAMF-Mitarbeiter DE

1600 fonctionnaires de la poste, des chemins de fer, de l'Agence pour l'Emploi et même de la Bundeswehr sont affectés provisoirement au BAMF. Le gouvernement embauche égalemente des vacataires, des novices formés à toute vitesse au traitement des demandes d'asile.

Environ 1500 décideurs sont ainsi recrutés temporairement, et des centaines d'autres contractuels chargés d'enregistrer les informations de base des demandeurs.

Des vacataires à peine formés pour traiter les demandes d'asile

Un ex-employé a accepté de témoigner à notre micro sous couvert d'anonymat. Embauché en août 2016 pour deux ans, Thomas* a tenu à peine trois mois dans une antenne régionale du sud de l'Allemagne. 

Les demandeurs d'asile ne sont pas traités dignement, estime un ex-employé du BAMF
Les demandeurs d'asile ne sont pas traités dignement, estime un ex-employé du BAMFImage : picture-alliance/dpa/arifoto UG/M. Reichel

"On leur demandait de quels pays ils venaient, quand ils étaient partis, quel était leur niveau scolaire, s'ils avaient des maladies, s'ils étaient déjà venus en Allemagne… On était donc chargé des formalités et ensuite, le dossier était transmis à un décideur qui identifiait exactement les causes de la fuite. Le problème, c'est qu'il n'y avait même pas de formation de base garantie, des documents qui auraient pu servir d'orientation. On avait des informations contradictoires de la part des gens d'un même bureau... C'était la misère, la manière dont c'était organisé."

Thomas a reçu des demandeurs d'asile accompagnés d'interprètes parlant à peine l'allemand. Il est certain que ses questions n'ont souvent pas été correctement traduites. Ce qui a pu avoir des conséquences sur le traitement ultérieur des dossiers.

Des conditions indignes

Et surtout, il n'a pas supporté les conditions dans lesquelles les demandeurs d'asile étaient accueillis.

"C'était en haut d'une colline, il n'y avait rien à proximité, pas de magasins à l'horizon… Les gens étaient amenés le matin et restaient huit, neuf, parfois douze heures. Il n'y avait pas même un distributeur d'eau! Un jour, il a fait très chaud, les secours sont venus deux fois parce qu'un enfant et un vieil homme avaient fait des malaises. Donc les conditions générales là-bas, le ton et la manière de traiter les demandeurs d'asile… j'ai trouvé cela affreux. Si ça avait été une entreprise privée, elle aurait vite mis la clé sous la porte!"

Le bureau du BAMF à Brême a validé un nombre anormalement élevé de demandes d'asile
Le bureau du BAMF à Brême a validé un nombre anormalement élevé de demandes d'asileImage : picture-alliance/dpa/C. Jaspersen

D'autres témoignages, recueillis par la chaîne publique ARD, évoquent eux aussi des défaillances énormes dans la formation du personnel temporaire, à peine sensibilisé aux lois et aux procédures d'asile en vigueur mais devant, après quelques semaines seulement, décider du sort des réfugiés.

Le ministère de l'Intérieur sous la critique

Ces conditions jettent une lumière peu flatteuse sur l'autorité de tutelle du BAMF, le ministère fédéral de l'Intérieur. En 2013, ce dernier avait relevé le BAMF de son obligation d'envoyer régulièrement les statistiques locales sur les demandes d'asile acceptées ou refoulées.

C'est ainsi que le nombre anormalement élevé de réponses positives à Brême, Bingen ou dans d'autres antennes est passé inaperçu.

Horst Seehofer a présenté des excuses, mardi 29 mai, lors de son audition par une commission parlementaire
Horst Seehofer a présenté des excuses, mardi 29 mai, lors de son audition par une commission parlementaireImage : picture-alliance/dpa/W. Kumm

Depuis que le scandale a éclaté, l'obligation a été rétablie. Et l'antenne de Brême n'a plus le droit de prendre des décisions jusqu'à nouvel ordre. Le secrétaire d'État parlementaire au ministère de l'Intérieur, Stefan Mayer, réclame d'autres mesures:

"Nous demandons au moins 1200 postes de plus au BAMF, surtout pour améliorer la qualité des services. C'est un souhait qui nous tient à cœur. Il faut qu'on s'améliore maintenant, il faut tirer les enseignements de Brême."

L'opposition, elle, réclame davantage. Une audition du ministre de l'Intérieur Horst Seehofer a eu lieu cette semaine à la demande du parti écologiste qui estime que l'affaire de Brême met en doute la crédibilité de l'administration et des procédures d'asile en général.

"Un État de droit ne peut pas se le permettre", a déclaré Luise Amtsberg, porte-parole des Verts sur les questions de migration.

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Retrouvez la version sonore du sujet dans le magazine Vu d'Allemagne du 30 mai 2018, disponible dans la médiathèque.

*Le nom a été modifié.

Deutsche Welle Anne Le Touzé
Anne Le Touzé Journaliste au programme francophone de la DWnanetouz