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Biens pillés au Togo : "Le seul acte à poser est les rendre"

Noël Tadégnon
23 mars 2022

Kokou Azamede, enseignant-chercheur au département d'études germaniques à l'université de Lomé, revient sur la restitution des biens pillés en Afrique, et notamment au Togo, durant la colonisation allemande.

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Kokou Azamede, enseignant-chercheur au département d'études germaniques à l'université de Lomé, a révélé, ce mardi [23.03.22], qu'il existe des milliers de biens culturels togolais en Allemagne. 

Une annonce faite dans le cadre d'une conférence-débat sur le thème : "La question de la restitution des biens culturels du Togo en Allemagne : bilan à mi-parcours d'un projet de recherche scientifique".

Kokou Amzamede revient sur la question de savoir à qui les biens spoliés durant la colonisation doivent être rendus à l'Etat ou aux communautés. Il est interrogé par Noël Tadégnon, notre correspondant au Togo.

Bonjour, vous êtes enseignant chercheur à l'université de Lomé et qu'est-ce qui ressort des recherches que vous avez effectuées autour de la question de la restitution des biens togolais en Allemagne?

Je pense que, à mi parcours des recherches que nous sommes en train de faire, il faut retenir qu'il existe effectivement des biens culturels du Togo dans les musées allemands en quantité. Un grand nombre mène à la question de la restitution commence à se poser parce qu'elle ne peut se poser qu'à partir du moment ou il est prouvé qu'il existe des biens culturels du Togo dans ces musées.

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Qu'est-ce qui est à l'origine de ce débat autour de la restitution des œuvres?

La question de la restitution des œuvres relève d'un problème d'éthique dans les musées dits ethnologique en Allemagne.

Je crois que depuis plusieurs années, la dénomination de musée ethnologique pose problème au sein de la communauté allemande. En soi, un musée ethnologique, c'est un musée qui ne comporte, en Allemagne particulièrement, que des objets appelés des objets "exotiques", c'est-à-dire provenant des sociétés non-européennes.

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Or, au fur et à mesure de l'évolution du temps, compte tenu des rapports interculturels, je crois qu'il faut se départir des stéréotypes. Il faut se départir d'un certain nombre de choses en même temps, il faut changer la terminologie. Et c'est à partir de tout ça que la question de la propriété de ces biens se pose. Et surtout, l'évolution de la recherche aussi montre que tous ces biens-là étaient des biens spoliés, ou, comme on le dit en allemand, du Raubkunst : des biens qui n'appartiennent pas à ceux qui s'en servent aujourd'hui.

Et dans vos recherches, vous les avez classées en trois catégories?

Oui, il y a des artefacts, c'est-à-dire des objets matériels comme les objets culturels, religieux, il y a des archives, qu'elles soient photographiques ou cinématographiques, et puis il y a finalement un lot de catégories qui est constitué des restes humains, des ossements humains.

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Il est prouvé que ces objets n'ont pas leur place là où ils se retrouvent aujourd'hui. Donc c'est tout à fait normal qu'on parle de rapatriement de ces objets et de toute la question de la restitution. Si c'est l'Etat qui détient ces objets aujourd'hui, il est prouvé que ces objets ne lui appartiennent pas. Donc le seul acte qu'il faut poser, c'est de les rendre, c'est à dire de les restituer.

Quelle procédure pour aboutir à la restitution?

La procédure pour la restitution est un processus et il faut être d'abord sûr, à la suite des recherches de provenance, que ces objets appartiennent à telle ou telle communauté du Togo, à tel ou tel individu du Togo, avant que le processus ne soit enclenché.

Ça veut dire tout simplement que ce sont les communautés qui prennent attache, à travers l'Etat, avec les institutions détentrices de ces objets, les musées. Et à partir de ça, ça devient des négociations d'Etat à Etat ou de communauté à communauté.

A qui les biens pourront-ils être restitués, à l'Etat ou aux communautés?

[...] Il y a des objets sacrés dont la communauté a encore besoin aujourd'hui. Donc, il n'y a aucune raison que cela soit en dehors de la communauté. Et il y a des objets qui peuvent servir maintenant d'objets d'art, d'objets culturels qui peuvent être valorisés, qui peuvent constituer le patrimoine de la société, de l'Etat. Je crois qu'il faut prendre les choses plutôt par cas par cas.

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L'un des défis de tout ce processus est la conservation des biens. Dans vos recommandations, vous insistez sur la mise en place de dispositifs pour pouvoir accueillir comme il faut, dans les meilleures conditions, les biens...

Il est vrai que dans tous les cas, il faut des infrastructures pour abriter ces centaines ou milliers de biens dont il est question.

Alors, nous serons aussi heureux de constater que les infrastructures soient en place et ça, cela ne relève pas nécessairement du devoir du chercheur. Le chercheur a pour devoir d'informer la société de ce qui existe et d'avoir accès aux sources pour trouver la propriété de la communauté.

Nous espérons qu'au fur et à mesure, ces infrastructures seront mises en place.