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PolitiqueAllemagne

Migrants dans l'est de l'Allemagne - partir ou rester ? // Le rêve américain des jeunes Africains (2ème partie)

Anne Le Touzé | Oliver Pieper | Jean Claude Abalo
27 septembre 2024

En Allemagne, les succès de l'extrême droite aux élections régionales dans l'est ont de quoi décourager les travailleurs étrangers qualifiés dont l'Allemagne a pourtant besoin. // Deuxième partie de notre reportage auprès de jeunes migrants africains à New York : le rêve américain à l'épreuve de la réalité.

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La catastrophe a été évitée lors des élections de dimanche dernier dans le Brandebourg, l'Etat régional qui entoure Berlin : le parti social-démocrate a remporté le scrutin avec 30,9% des suffrages, mais il est talonné par le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne, AfD, qui a obtenu 29,2% des voix. 

Dietmar Woidke et son équipe le soir de l'annonce des résultats des élections dans le Brandebourg
Le SPD mené par le président de la région sortant, Dietmar Woidke, a remporté de justesse les élections dans le BrandebourgImage : Fabrizio Bensch/REUTERS

C'est cinq points de moins qu'en Saxe et en Thuringe, où les électeurs étaient appelés aux urnes le 1er septembre, mais environ un électeur sur trois a donc voté dans ces trois régions pour l'AfD, un parti anti-immigration.

L'étude annuelle "Thüringen-Monitor", qui analyse depuis plus de 20 ans la culture politique du Land, révèle par ailleurs qu'un tiers des personnes interrogées sont contre l'immigration de travailleurs qualifiés venant de l'étranger. Une personne sur cinq aurait aussi des opinions d'extrême droite.

Les personnes issues de l'immigration confrontées à une hostilité ouverte

Des opinions qui se manifestent aussi de plus en plus dans la rue, se désole Bulganchimeg Nyamaa. Elle est chargée de mission pour des projets de démocratie au sein de l'organisation MigraNetz Thuringe.

Elisa Calzolari, directrice générale de MigraNetz Thuringe
Le MigraNetz reproche aux partis démocratiques de suivre les narratifs de l'extrême droiteImage : Privat

"Depuis le 1er septembre, les personnes qui s'inspirent de l'extrême droite ou du populisme affirment plus ouvertement leur haine. Dès le lendemain, on a dit aux gens : l'AfD arrive, bientôt vous serez tous partis. Ce matin même, une personne m'a dit à l'arrêt du tram : 'Bientôt tu rentreras chez toi'. Ce genre de choses arrive déjà. Les gens sont devenus plus agressifs et des fois tu es juste là, debout, et les gens te regardent avec une attitude agressive."

Le réseau régional, qui regroupe plus de 60 organisations de migrants en Thuringe, plaide pour un renforcement de la formation et de l'information politique, ainsi que pour un soutien accru aux étudiants étrangers dans la jungle bureaucratique allemande.

La directrice de MigraNetz, Elisa Calzolari, redoute un gouvernement régional dirigé par l'AfD et même par les conservateurs de la CDU, qui signifierait des coupes massives dans les subventions.

"Il est dangereux de voir comment les partis démocratiques suivent ce récit xénophobe de l'AfD et participent à sa normalisation en le répétant et en le reproduisant. En réalité, ils devraient s'associer à des groupes, des initiatives et des associations marginalisés dans la société civile et créer un nouveau narratif positif de dignité humaine, de respect et de participation. Mais ce n'est pas ce qui se passe actuellement."

Les employés étrangers contribuent au succès des entreprises internationales

Stefan Landes entouré de ses employés, tous étrangers qualifiés
Stefan Landes ne peut pas imaginer son entreprise sans travailleurs de l'étrangerImage : Elke Siedhoff-Müller/N3

Les dirigeants d'entreprises implantées en Thuringe s'inquiètent eux aussi de la tournure des événements. Dans la petite ville d'Arnstadt, l'entreprise N3 Engine Overhaul Services résume à elle seule le paradoxe de la Thuringe.

La filiale de Lufthansa et Rolls Royce, qui répare les moteurs d'avion pour plus de 50 compagnies aériennes, emploie 1100 personnes de 25 nationalités différentes. Elle veut investir 150 millions d'euros pour s'agrandir et s'occuper de la maintenance de 250 moteurs par an. 

D'un côté, on a donc une entreprise en plein essor, ouverte sur le monde et sur l'avenir. De l'autre, un parti dont le chef de file Björn Höcke veut revenir au passé, s'imagine une Allemagne "sans immigrés". Et promet "de graves turbulences économiques" aux entreprises qui ont participé à la campagne "Made in Germany - made by Vielfalt" - ce qui veut dire "Fabriqué en Allemagne - fabriqué avec la diversité".

Stefan Landes est directeur commercial de N3: "Nous sommes tributaires de la main-d'œuvre qualifiée que nous faisons venir de l'extérieur de l'Europe, par exemple, d'Asie. Avec une politique qui dresse des murs ici et qui mise sur l'isolement, nous n'aurions pas ce succès. Quelqu'un comme Björn Höcke, qui souhaite que les entreprises ouvertes sur le monde subissent de graves turbulences, montre que son parti a relativement peu d'idées sur la politique économique."

Une réunion d'équipe chez N3 à Arnstadt
"Nous apportons notre contribution à l'entreprise, mais aussi à toute l'Allemagne" - Yuth, employé thaïlandais de N3Image : Elke Siedhoff-Müller/N3

Yuth, Thaïlandais, travaille au service clientèle. Quand on lui demande s'il est inquiet de la victoire de l'AfD aux élections régionales, un parti classé par l'Office de protection de la constitution comme étant avéré d'extrême droite, il répond:

"Je suis déjà un peu inquiet, mais je n'ai pas peur. Les partis ne devraient pas utiliser de stéréotypes et mettre tous les immigrés dans le même sac. Nous venons ici dans une entreprise en plein essor, nous apportons notre contribution et faisons ainsi quelque chose de bien non seulement pour l'entreprise, mais aussi pour toute l'Allemagne."

Selon un sondage de l'Institut économique Ifo, 42 % des petites et moyennes entreprises est-allemandes estiment que leurs affaires sont déjà affectées par le manque de personnel qualifié. Mais cette pénurie ne touche pas que l'économie. Le secteur de la santé est également concerné. 

Partir ou rester, une question aussi pour les médecins étrangers

En Thuringe, qui compte le moins de médecins par habitant pour l'Allemagne, un médecin hospitalier sur quatre vient désormais de l'étranger. La plupart des 1.700 praticiens étrangers sont originaires de Syrie, de Roumanie ou d'Ukraine. 

Deutschland | der interventioneller Kardiologe  Dr. Anas Jano
Image : Privar

Anas Jano, cardiologue syrien, travaille depuis 2023 comme chef de clinique à l'hôpital universitaire d'Iéna. Selon lui, beaucoup de ses collègues étrangers s'inquiètent de l'évolution de la situation depuis la victoire de l'AfD aux élections.

"Les médecins s'efforcent la plupart du temps de s'intégrer ici dans le système de santé. Mais on a parfois le sentiment que cela ne suffit pas pour être traité de la même manière, que l'origine et la couleur de peau jouent toujours un rôle.  Et quand on échange avec d'autres collègues et qu'on entend ces histoires, on réfléchit bien sûr à deux fois avant de venir en Thuringe, par exemple."

Plus de la moitié des médecins étrangers sont restés moins de deux ans en Thuringe.

Partir ou rester... Une question qui devient de plus en plus présente chez les étrangers, et pas seulement dans l'est de l'Allemagne. Une enquête récente du Centre allemand de recherche sur l'intégration et la migration (DEZIM) révèle qu'une personne issue de l'immigration sur quatre a déjà pensé à quitter le pays. Le cardiologue Samer Matar, membre fondateur de la Société syrienne des médecins et des pharmaciens en Allemagne :

"Les collègues regardent les résultats avec inquiétude. Ils regardent tous les jours les informations et veulent savoir dans quelle direction cela va évoluer. Beaucoup disent que si un Monsieur Höcke arrive au pouvoir, ils ne laisseront pas leurs enfants être éduqués ici. Un collègue cadre et chef de clinique a aussi déménagé cette année précisément pour cette raison. De nombreux collègues se demandent s'ils vont rester."

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Le rêve américain des jeunes Africains à l'épreuve de la réalité

L'imam Omar Niass soutient les migrants africains
A New York, la maison de l'imam Omar Niass est un point de rendez-vous pour de nombreux nouveaux arrivantsImage : Jean-Claude Abalo/DW

La migration, c'est également le thème du grand reportage de Vu d'Allemagne... La semaine dernière, vous avez pu entendre le récit de voyage de jeunes originaires d'Afrique subsaharienne, arrivés aux Etats-Unis par la dangereuse route d'Amérique centrale. Voici maintenant la deuxième partie du reportage de notre correspondant à New York Jean-Claude Abalo. 

Car une fois débarqués dans la métropole américaine, beaucoup des jeunes migrants se retrouvent dans une grande précarité, à affronter de multiples défis : trouver un logement, un emploi, éviter l'expulsion et s'intégrer dans un pays qu'ils ne connaissent que par les films... Dans ce quotidien difficile, les réseaux communautaires sont précieux, comme vous allez l'entendre dans ce reportage qui démarre chez l'imam sénégalais Omar Niass...
 

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