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Vivre avec un handicap en Allemagne : où en est l'inclusion ? // Le massacre de Thiaroye encore mal reconnu par la France

5 décembre 2024

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"Salut, je suis Johnny Grasser et je mène mes projets surtout pour montrer qu'un handicap ne doit pas être une excuse."

Johannes Grasser sait plonger dans une piscine depuis un plongeoir situé à sept mètres et demi de hauteur - et ce... avec un fauteuil roulant ! Malgré sa tétraspasticité, une forme d'infirmité motrice cérébrale qui affecte ses membres, cet athlète pratique également le surf et le patinage. 

Johnny Grasser, athlète atteint de tétraspasticité
Johnny Grasser s'entraîne plusieurs heures par jour pour réussir ses prouesses sportivesImage : DW

Encore des lieux inaccessibles en fauteuil roulant

S'il ne semble pas avoir de limite pour s'accomplir au niveau sportif, on ne peut pas en dire autant pour la vie de tous les jours : Johnny n'a par exemple pas accès à certains lieux, à Cologne, la ville dans laquelle il vit, dans l'ouest de l'Allemagne.

"On ne peut pas aller dans de nombreux bars et clubs avec un fauteuil roulant, parce qu'ils disent que c'est trop dangereux ou qu'ils n'ont pas d'accès aménagé."

L'Allemagne dispose de nombreuses infrastructures accessibles aux différentes formes de handicap, comme des marquages au sol et des dispositifs sonores dans les rues ou sur les quais de gares, pour alerter les personnes mal-voyantes des éventuels dangers. 

Dans les grandes villes, de nombreuses stations de métro sont également équipées d'ascenseurs et des trottoirs ont été aménagés pour être facilement pratiquables avec un fauteuil roulant. Mais ce n'est pas le cas partout, même dans une grande ville comme Cologne. 

Prof. Dr. Julia Zinsmeister, professeure en droit social à l'université technique de Cologne
Selon Julia Zinsmeister, l'inclusion est dans l'intérêt de toute la populationImage : Privat

Il reste encore beaucoup à faire en matière d'accessibilité, confirme Julia Zinsmeister. Elle est professeure en droit social à l'université technique de Cologne et spécialiste des questions d'inclusion.

"En 2019, une enquête a été menée pour savoir dans quelle mesure il existe des cabinets gynécologiques accessibles aux femmes handicapées, c'est-à-dire où elles peuvent par exemple s'installer sur le fauteuil de soins à partir de leur fauteuil roulant. On a compté qu'il y en avait tout juste, je crois, neuf dans toute l'Allemagne."

Pour les personnes handicapées, cela signifie que le libre choix du médecin n'est souvent pas possible, explique encore Julia Zinsmeister, "parce qu'il y a des marches pour accéder au cabinet médical, ou bien parce que les médecins ne prennent pas le temps ou n'osent pas leur expliquer les choses en langage simple. Cela a pour conséquence que, globalement, l'assistance médicale de nombreuses personnes handicapées est nettement moins bonne que celle des personnes non handicapées."

L'inclusion, un droit inscrit dans la loi allemande

L'Allemagne a pourtant un dispositif légal censé assurer l'inclusion des personnes porteuses de handicap, dont le nombre est estimé à 13 millions en Allemagne. L'article 3 de la Loi fondamentale stipule que "nul ne peut être désavantagé en raison de son handicap". 

La Terre représentée en braille sur une plaque en bronze
Dans la plupart des musées, des informations sont disponibles en braille pour les visiteurs mal-voyantsImage : picture-alliance/JOKER/K. H. Hick

Mais surtout, le pays a ratifié en 2009 la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées, ce qui l'oblige à protéger les personnes porteuses de handicap contre toute forme de discrimination.

Des aménagements ont été faits dans l'espace public pour améliorer l'inclusion. Les informations des services publics et les textes officiels sont par exemple disponibles en langage facile depuis 2018. Et le recours à des interprètes en langue des signes est un droit pour les personnes mal-entendantes dans le cadre de procédures administratives.

Mais les barrières restent nombreuses pour les personnes handicapées, et pas seulement sur le plan physique. Lorsqu'elles cherchent du travail par exemple, comme en témoigne Johnny Grasser...

"Avec les 900 candidatures que j'ai envoyées, ça a été très frustrant car j'avais à ce moment-là trois diplômes universitaires, de l'expérience pratique en Bundesliga et une année d'études à l'étranger, mais je n'ai pas été convié à un seul entretien."

Difficultés d'accès au marché du travail

Julia Zinsmeister confirme : l'accès au marché du travail est souvent un défi pour les personnes porteuses de handicap, qui ont du mal à trouver un emploi correspondant à leur niveau de qualification, et ce malgré les instruments mis en place pour favoriser leur embauche - aussi bien des pénalités pour les employeurs récalcitrants  que des aides financières pour aménager les postes de travail.

"Le rapport sur la participation du gouvernement fédéral montre très clairement que les personnes handicapées sont souvent employées de manière sous-qualifiée et gagnent moins que les personnes non handicapées. Le handicap est souvent assimilé à des personnes qui sont souvent malades ou qui ne peuvent pas travailler correctement. Il y a donc, du côté des employeurs, de nombreux préjugés à surmonter."

Un autre problème, selon l'experte, est que les personnes handicapées ne peuvent pas toujours se repérer dans un système d'aide complexe. Beaucoup ne connaissent pas leurs droits et n'en font pas usage.  

Une réforme nécessaire...

Une manifestation à Berlin contre la loi de participation adoptée en 2016
En 2016, les associations d'entraide réclamaient déjà une application complète de la convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapéesImage : picture-alliance/Zuma Wire/J. Scheunert

Quinze ans après la ratification de la Convention onusienne, les associations d'entraide et de représentation des personnes handicapées réclament toujours une réforme de la Loi générale sur l'égalité des chances (Allgemeines Gleichsstellungsgesetz ou AGG en allemand) pour améliorer l'inclusion dans le domaine privé.

"Une exigence tout à fait centrale, qui n'a pas encore été mise en œuvre, est d'inclure dans cette loi le droit des personnes handicapées à des 'aménagements raisonnables', c'est-à-dire ce dont elles ont besoin pour pouvoir participer sur un pied d'égalité avec les autres. Ce droit leur est conféré par la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Il peut s'agir d'une rampe d'accès devant un magasin, de l'aménagement du poste de travail ou de l'envoi du menu d'un restaurant en PDF à un client aveugle qui souhaite lire lui-même le menu au préalable pour savoir s'il souhaite y manger."

L'inscription du secteur privé dans la loi sur l'égalité de traitement permettrait des plaintes individuelles pour discrimination en cas de non-respect des règles d'inclusion. Et répondrait à l'exigence d'assurer aux personnes handicapées une participation autonome à la vie sociale. Pour Johnny Grasser, tout est question de volonté.

"L'Allemagne est très en retard et l'inclusion n'est pas vraiment voulue à mon avis, parce que si on le souhaitait, on pourrait faire beaucoup de choses en même pas trois semaines, en s'appliquant."

...mais qui tarde !

Après les élections législatives de 2021, la nouvelle coalition gouvernementale menée par Olaf Scholz avait inscrit une révision de la loi dans son contrat.

Le gouvernement devait évaluer l'application du texte, combler les lacunes en matière de protection et élargir son champ d'application. Mais rien n'a été fait et aujourd'hui, le gouvernement a éclaté et l'Allemagne se prépare à de nouvelles élections...

Et pourtant, souligne Julia Zinsmeister, "l'inclusion est une chance pour l'ensemble de la population, car ce qu'elle implique, par exemple des chemins en bon état, sur lesquelles les personnes en fauteuil roulant peuvent circuler, sont également des chemins qui peuvent être utilisés par les familles avec des poussettes. De la même manière, il vaut mieux des ascenseurs au lieu d'escaliers, mais aussi des systèmes scolaires qui tiennent davantage compte des besoins individuels des élèves, plutôt que de toujours partir d'une norme que de nombreux élèves, handicapés ou non, ne peuvent pas remplir."


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80 ans après le massacre de Thiaroye, les familles des tirailleurs réclament toujours justice

 Souleymane Doucouré, tirailleur sénégalais
Souleymane Doucouré n’était pas présent au moment du massacre de Thiaroye, mais il a été traumatisé par les récits de ses camarades survivantsImage : Collection Djibril Doucouré

Le Sénégal vient de marquer le 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye. Le 1er décembre 1944, des dizaines de Tirailleurs sénégalais - 35 soldats, selon la version officielle, plusieurs centaines selon certains historiens - ont été exécutés sur ordre d’officiers de l’armée française au camp de Thiaroye, près de Dakar. 

En France, depuis de nombreuses années, les familles de tirailleurs se battent pour contredire la version officielle : à savoir, que des soldats africains se sont rebellés et que l’armée française n’a fait que réprimer une mutinerie. Des historiens ont prouvé que les tirailleurs demandaient uniquement le paiement de leurs soldes. 

Quelques jours avant le 1er décembre, le président français Emmanuel Macron a reconnu pour la première fois qu'un "massacre" avait été perpétré lors de la "confrontation de militaires et de tirailleurs qui exigeaient que soit versée l’entièreté de leur solde légitime", mais il reste encore à faire pour une reconnaissance entière des événements.

80 ans après le drame, les descendants des tirailleurs de Thiaroye, les associations qui les aident et des historiens réclament justice. Un reportage de Nadir Djennad, notre correspondant à Paris.

 

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