L'Allemagne veut rester un partenaire pour les Etats-Unis
6 novembre 2024Les messages de félicitations à Donald Trump pour son élection à la présidence américaine sont par ailleurs déjà nombreux : la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le président turc, le Premier ministre israélien, le président égyptien, l'émir du Qatar et bien d'autres dirigeants.
Vladimir Poutine, lui, a indiqué qu'il ne comptait pas féliciter Donald Trump pour sa réélection. Le Kremlin indique qu'il jugera le futur président américain "sur ses actes".
En Allemagne aussi, la classe politique réagit à la victoire annoncée de Donald Trump, entre incertitude et inquiétude.
"Un partenaire fiable"
Donald Trump n'était pas le candidat favori de Berlin, mais l'Allemagne respecte le résultat des urnes. "Les Américains et les Américaines ont voté. Donald Trump a nettement remporté l'élection. Je l'en félicite.", a ainsi déclaré Olaf Scholz. Le chancelier allemand assure sur X vouloir œuvrer aux côtés des Etats-Unis "pour promouvoir la prospérité et la liberté des deux côtés de l'Atlantique". Il assure que l'Allemagne va user de "ses canaux de communication" avec Washington pour définir "leur relation de travail". L'Allemagne, ajoute le chancelier, "reste un partenaire transatlantique fiable".
Olaf Scholz qui a aussi déclaré : "Le président Trump va commencer son mandat dans une période de grand défis et de crises. Pour les surmonter, les Etats-Unis et leur président joueront un rôle crucial. C'est pourquoi les élections américaines ont un retentissement qui dépasse les Etats-unis."
Sa ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, assure elle aussi que l'Allemagne va rester un "allié proche et fiable pour la future administration américaine", au nom des liens étroits existants qui unissent, depuis 1945, les deux pays.
"Comme dans tout bon partenariat, là où il y a sans aucun doute des divergences politiques, un échange honnête et surtout intense est plus important que jamais", a estimé la cheffe de la diplomatie allemande avant de poursuivre : "Ces derniers jours en Ukraine, j'ai ressenti plus clairement que jamais à quel point beaucoup dépendait de notre engagement commun, à nous Européens et Américains, en faveur de la liberté, du droit international et de la démocratie".
Hésitations sur le rôle futur de l'Allemagne
L'Union européenne, l'Allemagne et l'Ukraine craignent que le retour de Donald Trump à la présidence ne signifie un arrêt du soutien américain à Kiev et qu'il n'oblige l'Ukraine à négocier avec la Russie. Durant la campagne, Donald Trump a affirmé à maintes reprises pouvoir imposer une paix en Ukraine en "24 heures", sans jamais expliquer comment.
L'Allemagne se demande quel rôle elle devra jouer au sein de l'UE et de l'Otan, alors que sa situation budgétaire n'est pas brillante et que les trois partis de la coalition au pouvoir ont tendance à s'entredéchirer.
Michael Werz, membre du groupe de réflexion Center for American Progress et conseiller pour la Conférence sur la sécurité de Munich, est d'avis que "l'équipe Trump a déjà élaboré des stratégies pour faire ployer les gouverneurs des Etats démocrates en leur coupant certaines subventions fédérales".
Sur les ondes de Deutschlandfunk, il analyse ainsi la nouvelle donne à Washington: "Nous pouvons partir du principe que la société américaine elle-même va être traversée par des courants antagonistes. Beaucoup ne seront pas d'accord avec l'issue du scrutin, parce que cela les touche personnellement de façon extrême. Cela risque d'entraîner un retrait des Etats-Unis de la scène internationale. Or, lorsqu'un vide apparaît, il est très difficile de le combler."
Réactions de la classe politique allemande
Rolf Mützenich, qui préside le groupe social-démocrate (SPD) au Bundestag, prévoit une relation plus difficile avec Washington. Il craint qu'avec Donald Trump, la politique américaine soit "moins prévisible" pour l'Allemagne.
Toujours en Allemagne, chez les écologistes, Agnieszka Brugger, vice-présidente groupe Bündnis90/Die Grünen au Bundestag, espère que l'Union européenne parviendra à parler d'une voix plus unanime pour pouvoir mieux agir. Un autre responsable de ce parti estime même que les Etats-Unis ne pourront plus, sous la présidence Trump, rester le même partenaire pour l'Allemagne.
A l'extrême-gauche, Amira Mohamed Ali, du parti BSW, appelle l'Allemagne à renforcer son indépendance, notamment économique, étant donné que Donald Trump va mettre les intérêts américains en avant au nom de sa doctrine du "America first". Les responsables de Die Linke parlent d'une "journée noire pour le monde".
Chez les conservateurs bavarois de la CSU, Markus Söder appelle le gouvernement à investir massivement dans la Bundeswehr "réactualiser complètement" l'économie allemande, en instaurant des taxes et des prix de l'énergie comparables à ceux des Etats-Unis.
A l'extrême-droite, Alice Seidel, la co-présidente de l'AfD, félicite en Trump la victoire de la "population laborieuse" face au "Hollywood woke".
Dans l'opposition chrétienne-démocrate, Friedrich Merz (CDU) reproche aux sociaux-démocrates d'avoir été obnubilés par la candidature de Kamala Harris et de ne pas avoir anticipé, de ce fait, ce qui arriverait avec Donald Trump.
"Confrontation et transaction"
Parmi les domaines les plus flous, citons les taxes douanières, la politique de défense ou encore l'économie. Michael Werz estime que "si le programme Trump est effectivement appliqué, les Etats-Unis n'auront plus pour objectif de maintenir une relation de partenariat, de coopération, avec l'Europe, mais plutôt une relation basée sur la confrontation et la transaction."
Ce qui suppose, selon Michael Werz, d'examiner chaque accord bilatéral pour déterminer quel gain commercial que chaque partie peut en tirer. Cela mettra à mal les institutions internationales, la lutte contre le changement climatique, la réduction de leur financement.
Et l'élection de Donald Trump ouvre aussi la voie, selon lui, d'un rapprochement diplomatique des Etats-Unis avec des régimes autocratiques tels que celui de Vladimir Poutine en Russie.