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Tchad: épée de Damoclès sur les médias

Blaise Dariustone
21 juin 2018

Une ordonnance portant attribution des modalités et compétences de la Haute autorité des médias et de l’Audiovisuel (HAMA), signée par le président Deby, le 31 mai, suscite la colère des journalistes.

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Tschad Straßenszene in Ndjamena
Image : DW/F. Quenum

'C'est un processus de muselement de la presse privée'(François Djekombé) - MP3-Stereo

L’ordonnance  dont il est question et qui a engendré autant de réactions comporte 29 articles détaillant notamment les attributions de la HAMA et sa composition. Les dispositions qui irritent particulièrement  les responsables des médias privés sont contenues dans l’article 10.

Celui-ci stipule clairement qu’en cas de violation graves des textes, la HAMA peut prononcer des sanctions telles que la suspension de l’organe, d’une partie de son programme ou de son directeur.

Muselement des médias privés

L’ordonnance autorise la HAMA à infliger également des amendes aux médias, sans préciser le montant et la nature des fautes. C’est une ordonnance "liberticide", déclare François Djekombé, directeur et fondateur de la Radio Oxygène. "C’est un processus de musèlement de la presse privée indépendante qui ne va pas par quatre chemins. Aujourd’hui, cette ordonnance flotte comme une épée de Damoclès sur la tête des médias tchadiens. Ça vous amène à ne pas être libre, parce que vous allez vous dire : si je vais trop loin, la HAMA va me demander de payer telle ou telle amende, c’est du jamais vu. Je crois que cette ordonnance accompagne ce semblant de démocratie que nous sommes en train de vivre," regrette le directeur de Radio Oxygène.

Tschad Straßenszene in Ndjamena
Image : DW/F. Quenum

Atteinte à la liberté d'expression

 Lazare Djékourninga Kaoutar, le directeur de la Radio FM Liberté est du même avis. Selon lui, à travers cette ordonnance, la HAMA se substitue à la justice. "L’ordonnance donne le pouvoir d’un organe judicaire à la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel. Il est dit que si un organe de presse commet une faute, la HAMA est à même d’infliger des amendes à cet organe. Moi je trouve que c’est excessif. Infliger des amendes par rapport à quelle loi pénale ? Et suspendre même son directeur, ce n’est pas la HAMA qui nomme les directeurs des médias privés de communication. La HAMA ne peut que suspendre le média, le mettre en demeure mais pas suspendre son directeur. C’est un abus de pouvoir," insiste-t-il.

Mais pour le président de la HAMA, Dieudonné Djonabaye, cette ordonnance est le résultat des conclusions des états-généraux de la communication tenus par les journalistes eux-mêmes, en mai 2009.

Tschad Straßenszene in Ndjamena
Image : DW/F. Quenum

"Ce sont les journalistes qui ont demandé la révision des textes régissant la liberté d’opinion, d’expression et de la liberté de la presse au Tchad. Ce n’est ni le pouvoir, ni l’actuel bureau de la HAMA. Il est plus facile de dire que la HAMA est aux ordres du pouvoir. Vous ne voulez pas des lois qui régissent la presse ?" interroge Dieudonné Djonabaye.

Mais les journalistes n’entendent pas abdiquer. L’Union des journalistes tchadiens représentée par son président, Laguerre Belngar Larmé, entend attaquer en justice cette ordonnance du président Deby afin d’obtenir son annulation.