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Le Tchad interdit une marche contre les troupes françaises

Reliou Koubakin
10 juin 2024

La marche qui devait avoir lieu ce lundi a été interdite pour risques de trouble à l’ordre public. Des observateurs déplorent une mesure contre-productive.

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Mahamat Idriss Deby Itno à l’occasion de son investiture en tant que président de la République (06.05.2024)
Depuis son arrivée au pouvoir, le président tchadien a interdit de nombreuses manifestations Image : MOUTA/dpa/picture alliance

Au Tchad, la manifestation contre la présence des troupes françaises n’a pas eu lieu lundi (10.06). Déjà, en fin de semaine dernière, le pouvoir tchadien avait interdit la manifestation en arguant de risques de trouble à l’ordre public.

A l’initiative de cette marche pacifique, on trouve le Mouvement révolutionnaire pour la démocratie et la paix (MRDP), hostile à la présence des troupes étrangères au Tchad

Remadji Hoinathy est chercheur principal pour l’Institut d’études de sécurité pour l’Afrique centrale et le bassin du Lac Tchad. Il explique d’abord que cette interdiction est un énième durcissement du contexte politique tchadien depuis l’arrivée au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno.  

Entretien avec Remadji Hoinathy

Le gouvernement utilise plutôt ces arguments, en fait, pour interdire toute manifestation qui ne serait pas sur l'agenda des gouvernants, c'est-à-dire [qui ne serait pas une] manifestation de soutien à leur politique, etc. Et ceci est pour moi relativement préoccupant.

Donc pour vous, ça ne s'inscrit pas forcément dans une volonté de soutien du pouvoir tchadien à la présence française ?

Ceci n'est pas à exclure. Actuellement, malgré la diversification des partenariats et des collaborations au niveau international par le Tchad, notamment avec la Russie etc, la France reste et demeure en fait le partenaire majeur de l'Etat tchadien.

La France reste et demeure aussi le soutien majeur du président actuel.

Durant toute la transition, malgré le fait qu'il ait été contesté, la France a été à ses côtés. Donc je pense que c'est important pour Mahamat Idriss Deby de maintenir une certaine  quiétude dans ses rapports avec la France.

Ecoutez l’interview de Remadji Hoinathy, chercheur à l’ISS

Est-ce que ne n'est pas contre-productif, en somme, d'interdire la manifestation ?

Le Tchad n'est pas isolé de la tendance qu'il  y a dans l'ensemble du Sahel d'une certaine réprobation de la coopération entre ces pays et la France.

Je pense que, pour le gouvernement, interdire ces manifestations plutôt que de simplement les encadrer fait grandir les frustrations et pourrait desservir sur le long terme la cause ou bien l'image de la France au Tchad.

Et justement, comment réagissent les Tchadiens à cette interdiction ?

Je pense que toutes ces interdictions répétitives de manifestations est quelque chose qui est bien gênant pour les Tchadiens.

C'est aussi la preuve en fait que le régime, au-delà des déclarations officielles de démocratie, d'ouverture etc, c'est simplement un régime qui ne respecte pas la liberté d'opinion, la liberté de manifestation.

Des partisans brandissent des drapeaux tchadiens et russes en attendant l'arrivée du ministre russe des Affaires étrangères Sergey Lavrov à l'aéroport international de N'Djamena, le 5 juin 2024.
Sur les réseaux sociaux, des Tchadiens demandent une coopération accrue de leur pays avec la RussieImage : Denis Sassou Gueipeur/AFP

Est-ce qu'on en sait un peu plus sur ce mouvement ? Ou bien vous pensez qu'il se fait le relais en fait de ces Tchadiens qui, sur les réseaux sociaux, sont contre la présence française ?

Son agenda s'inscrit plus ou moins clairement sur l'agenda qu'on voit un peu partout au Sahel en ce moment, qui est un mouvement qui réclame la souveraineté et qui s'oppose à la présence des forces étrangères.

Malheureusement, on a l'impression que ce mouvement, comme tant d'autres mouvements néo-panafricanistes, réclame le départ de la France tandis qu'ils  accepteraient volontiers la présence d'autres forces étrangères.