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Les victimes oubliées de la guerre au Soudan

19 juin 2024

La guerre au Soudan a provoqué la pire crise humanitaire au monde. Et pourtant, les fonds manquent pour aider les Soudanais.

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Des ruines à el-Fasher, au Darfour-Nord (photo de septembre 2023)
La ville d'el Fasher, au Darfour-Nord, a été réduite quasiment en cendresImage : AFP

Au Soudan, une équipe de l'Onu enquête sur des accusations d'esclavage sexuel et des attaques de civils sur des bases ethniques. "Les femmes et les jeunes filles ont été et continuent d'être victimes de viols et de viols collectifs, d'enlèvements et de mariages forcés", a déclaré le chef de cette équipe devant le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies à Genève. Mohammed Chande Othman s'inquiète aussi d'informations évoquant un recrutement généralisé d'enfants, notamment pour participer à des "combats directs et commettre des crimes violents".

En un peu plus d'une année de guerre, environ 16.000 personnes ont été tuées au Soudan.

Alors pourquoi la communauté internationale semble-t-elle s'en désintéresser ? 

Des millions de Soudanais ont besoin d’une aide urgente

Des atrocités sans nom

La liste des atrocités commises au Soudan n'en finit pas de s'allonger.

Une maternité est bombardée, son toit s'effondre et écrase des nouveau-nés. Des camps de réfugiés sont attaqués, des exécutions arbitraires perpétrées en masses. Les rues sont jonchées de cadavres par endroit, l'aide humanitaire bloquée. Les crimes sexuels ne sont qu'une partie des crimes de guerre commis.

La guerre qui a commencé en avril 2023 au Soudan a provoqué la plus grande crise humanitaire au monde. Près de 10 millions de personnes ont été obligées de fuir pour se mettre en sécurité. 70% de ces personnes essaient maintenant de survivre et sont menacées de famine, selon les Nations unies. 

Alertes de l'Onu et de la part d'ONG

En mars dernier, Djaounsede Madjiangar, un porte-parole du Programme alimentaire mondial, qui s'occupe des réfugiés soudanais au Tchad et des déplacés du Darfour, appelait à un soutien financier plus massif des bailleurs : "Depuis plusieurs mois déjà, on a dû réduire les rations dans les camps de réfugiés, laissant de côté les anciens réfugiés pour nous concentrer sur les besoins les plus aigus – par exemple les nouvelles personnes réfugiées."

En plus de l'Onu, de nombreuses organisations humanitaires et de défense des droits humains dénoncent le silence du reste du monde.

Les crises à Gaza et en Ukraine accaparent l'attention, comme le constate l'International Crisis Group.

La lutte contre la malnutrition des enfants, un défi à Paoua

Manque d'attention internationale

À la mi-avril, Melissa Fleming, sous-secrétaire générale à la communication mondiale des Nations unies, a publié une tribune dans laquelle elle se penche sur ce manque d'attention.

Elle évoque un "engourdissement psychique", et explique que "ce terme fait référence à la triste réalité selon laquelle les gens se sentent plus apathiques face à une tragédie à mesure que le nombre de victimes augmente". C'est un peu le même engourdissement que lorsqu'il est question du changement climatique.

Il y a aussi la nature du conflit au Soudan. Des recherches ont déjà montré que les guerres civiles - en particulier celles qui sont considérées comme des affaires internes dans un pays lointain - reçoivent moins d'attention que les conflits dans lesquels un pays en attaque un autre.

La complexité de la situation, qui ne permet pas de tracer de ligne claire entre le bien le mal, ne facilite pas la compréhension du conflit.

Roman Deckert, chercheur indépendant sur le Soudan basé à Genève, dresse le même constat dans tous les conflits qui ont déchiré le pays depuis le début de ses travaux, en 1997.

Toujours selon Roman Deckert, il existe un racisme ou un eurocentrisme latent, qui fait que les Occidentaux perçoivent à tort ces combats comme "non civilisés" ou "typiques" de ces contrées considérées comme lointaines.

Le chercheur se souvient de s'être étonné à l'époque de l'intérêt porté, a contrario, à la guerre en Yougoslavie.

"Une journaliste [allemand] m'a dit que les paysages yougoslaves lui rappelaient ceux de l'Allemagne, raconte-t-il. Que ces gens nous ressemblaient. Que leurs maisons étaient parailles aux nôtres. Et que donc elle se sentait plus proche d'eux, que le lien était plus facile à établir. Un peu comme avec l'Ukraine actuellement." 

Plus d'attention permettrait pourtant de mobiliser davantage de fonds pour aider les Soudanais en détresse. Les Nations Unies n'ont reçu que 16% des sommes promises cette année pour le Soudan.