Abus sexuels : un nouveau rapport accablant pour l'Eglise catholique allemande // Attaques à répétition contre les journalistes en Grèce
Il y avait eu Munich, Cologne... C'est un nouveau rapport sur les abus sexuels accablant pour l'Eglise catholique qui vient d'être présentée. Il concerne cette fois le diocèse de Münster, dans l'Ouest de l'Allemagne. Un rapport de près de 600 pages, fruit de près trois ans de travail. "Le résultat de notre étude est effrayant", écrivent les cinq historiens et anthropologues, quatre hommes et une femme, auteurs du rapport. A la demande, et financés par le diocèse de Münster, ils ont fouillé les archives, interrogé des témoins... Et arrivent à cette horrible conclusion : au moins six-cent dix enfants ont été victimes d'abus sexuels dans ce diocèse entre 1945 et 2020.
Des milliers de victimes
Il s'agit de garçons et de filles qui servaient aux messes ou fréquentaient des groupes de jeunes organisés par l'Eglise. On estime à près de six-mille les actes d'agressions sexuelles, rien que pour ces victimes. Cela va du commentaire obscène, jusqu'au viol. Un chiffre du nombre de victimes certainement même sous-estimé. "Le nombre de 610 personnes concernées ne représente que le chiffre clair, de cas certains. En tenant compte d'études comparables, nous estimons que ce chiffre est huit à dix fois plus élevé, ce qui correspond à environ cinq à six-ille filles et garçons concernés", explique une des auteurs, Nathalie Powroznik. Près de deux-cents auteurs de violences ont été identifiés, des prêtres dans la grande majorité.
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Un élément que le directeur du rapport et ses collègues ont tenté de comprendre, de décrypter. "L'Église se décrit elle-même comme une institution sacrée, le prêtre est aussi intégré dans ce contexte par le biais de la théologie des sacrements", expliquait Thomas Großbölting en marge de la présentation du rapport sur les ondes de la radio publique allemande Deutschlandfunk.
"Le prêtre est considéré comme un homme saint avec le sacrement. Il se distingue ainsi clairement des laïcs auxquels il est confronté. D'un côté, c'est cette base du pouvoir pastoral qui permet à l'abuseur clérical d'agir de manière agressive sur l'enfant. Et d'un autre côté, l'idéologie, l'image que l'Eglise a d'elle-même motive une grande partie de la dissimulation". Et Thomas Großbölting d'expliquer, que "lorsque l'institution est sacrée, j'ai une motivation encore plus grande que dans d'autres contextes pour protéger cette institution de toute atteinte à sa réputation".
"Etouffement" et "silence gardé"
Ce silence c'est justement le second problème, au-delà de celui des agressions, mis en avant par le rapport. Le nombre de prêtres accusés ne représente, "que 4%" des prêtres ayant exercés sur toute la période. Mais, et c'est ce que les auteurs du rapport mettent en avant : ils ont perpétré leurs crimes souvent à la connaissance d'autres membres de l'Eglise, qui n'ont jamais bougé. Une grande partie des auteurs de violences n'auraient jamais subi de conséquences pénales. Souvent, l'évêché a simplement envoyé les accusés dans une autre paroisse.
Des évêques auraient même ignoré les procédures pénales prescrites par le droit ecclésiastique. Le premier cas signalé correctement date de 2007. Les auteurs du rapport parlent "d'étouffement", de "silence gardé", face à des pratiques décrites comme "généralisées".
Perspective historique et non pas juridique
Ce rapport n'est pas le premier dans l'Eglise catholique. Il est en revanche le premier à être réalisé par des hommes et des femmes historiens de formation. Les autres rapports, à Cologne, à Munich, étaient davantage juridiques, ce qui n'est pas le cas ici. "Nous avons beaucoup profité des rapports juridiques, et cela vaut la peine de se pencher sur les crimes commis dans le passé, en particulier dans le contexte du droit pénal", confie encore le directeur du rapport Thomas Großbölting sur Deutschlandfunk. "Je pense néanmoins qu'en tant qu'historiens nous avons pu mieux éclairer de nombreux points déjà abordés dans des rapports antérieurs, comme les conditions que pose l'Eglise catholique comme le célibat, la structure d'autorité, la morale sexuelle... Parce que nous les avons examinés à partir d'un autre contexte professionnel."
Thomas Großbölting explique que lui et ses collègues se sont efforcés "comment ces faits s'inscrivent dans les grands contextes de la politique, de la société, mais aussi et surtout celui de l'Église catholique. Quelles sont les références spécifiquement pastorales auxquelles il faut penser ? Quelle est l'image que l'Eglise catholique a d'elle-même ?". Il assure que "de ce point de vue, l'Église catholique des années 1950 est très différente de l'Eglise catholique des années 2020. Et avec cette toile de fond, nous avons pu, je crois, déterminer très précisément où l'Église catholique crée des conditions particulières dans lesquelles les abus sont possibles et la dissimulation favorisée".
Des lois à venir ?
"Cette étude n'est qu'une première étape, le travail pour l'Eglise et la société ne fait que commencer", insiste encore Thomas Großbölting. Il appelle désormais les élus à agir, pour contraindre, via la loi, à davantage de travail au sein de l'Eglise, pour éviter de nouveaux abus et travailler sur les anciens. "J'ai l'impression que même dans les églises, certains hauts dignitaires du clergé aspirent désormais secrètement à ce que les instances étatiques, la politique, s'engagent peut-être davantage, parce qu'on y voit qu'on ne peut pas se sortir du bourbier par ses propres moyens", dit-il.
Le gouvernement central à Berlin évoque déjà des pistes pour une loi prochaine. Pour que le droit à l'instruction des cas de violences sexuelles soit inscrit dans la loi. Que cela ne dépende plus seulement de rapports commandé au bon vouloir des diocèses. Mais rien de concret encore pour le moment.
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En Grèce, la liberté de la presse en danger
En seconde partie de Vu d'Allemagne, nous prenons le chemin de la Grèce. Il est question d'assassinat de journaliste non élucidé déclaré affaire classée, de monopole de distribution, de censure répétée, de rétention d'informations, de menaces... Les derniers rapports d'organisations de défense de la liberté d'expression parus sur le pays sont édifiants pour la liberté de la presse. Le gouvernement grec rejette les accusations et accuse par exemple Reporters Sans Frontières de porter atteinte à l'image du pays en le positionnant à la 108ème place de classement de la liberté de la presse dans le monde. Mais les témoignages recueillis par notre correspondant Thomas Jacobi sont accablants.
Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé -avec la coopération cette semaine de Peter Hille pour le sujet sur la chasse- diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast.Vous retrouvez tous les numéros dans la médiathèque, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes de podcasts.