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SociétéAllemagne

Un couple germano-sénégalais séparé par un test d'allemand // Les jeunes Palestiniens de Jérusalem entre désespoir et rébellion

Anne Le Touzé | Andrea Grunau | Hélène Machline
29 mars 2023

Ils sont mariés mais contraints de vivre séparés : Moro, Sénégalais, doit valider un test d'allemand avant de pouvoir rejoindre son épouse Linda en Allemagne. Un vrai parcours du combattant. // A Jérusalem-Est, des Palestiniens de plus en plus jeunes prennent les armes contre les autorités israéliennes... Reportage à Silwan où un adolescent a récemment tiré sur deux Israéliens.

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C'est une histoire qui commence comme dans un roman d'amour. Linda Wendt est une étudiante allemande. Elle rencontre Moro Diop lors de vacances au Sénégal.

Ils tombent éperdument amoureux, se marient quelques temps plus tard et envisagent de vivre ensemble, en Allemagne où Linda doit terminer ses études. Et c'est là que les ennuis commencent.

Moro Diop et Linda Wendt le jour de leur mariage religieux
Linda Wendt et Moro Diop se sont mariés religieusement au Sénégal, avant de se marier civilement en 2022Image : privat

Un test de langue obligatoire depuis 2007

Depuis 2007, l'obtention d'un visa de regroupement de conjoints est en effet liée à des "connaissances linguistiques simples". Il faut passer un test d'allemand de niveau A1. Depuis 14 mois, Moro Diop apprend donc l'allemand. Mais il a déjà tenté ce test trois fois, et trois fois il a échoué.

"La fois passée, les deux tests que je faisais, je savais que je ne vais pas réussir, parce que je n'avais pas le bon niveau. Mais pour le troisième test, au moment où on m'a donné mes résultats, j'ai pleuré." 

Âgé de 37 ans, Moro Diop parle le français et le wolof. Mais pour ce maçon de profession, apprendre l'allemand n'est pas une chose facile. La dernière fois, il lui a manqué environ 20 points sur 60.

"Quand on fait les cours, c'est comme à l'école. Mais avec les examens, c'est comme si tu passais une épreuve de baccalauréat. Ceux qui ont le niveau des études, on peut dire que c'est facile pour eux. Mais comme moi j'ai laissé l'école il y a plus de quinze ans, c'est un peu difficile pour que je m'adapte à ce niveau."

Photo d'une page d'exercice du livre d'allemand de Moro
Le test consiste à comprendre des conversations simples et à décrire des objets et situations de la vie quotidienne... mais en Allemagne que Moro ne connaît pasImage : privat

Des cours qui coûtent cher

Début 2022, Moro Diop déménage de Mbour à Dakar, la capitale, pour suivre des cours d'allemand à l'institut Goethe. Après les échecs successifs, il prend aussi des cours privés deux fois par semaine chez un professeur. Des cours que finance Linda Wendt depuis l'Allemagne.

"Le cours à Dakar coûte presque 450 €, mais il faut aussi payer 60 € pour faire l'examen. Moro a déménagé l'année passée. Une fois là bas, je devais payer la caution, presque 400 €. Et le logement aussi. On a aussi déposé plusieurs milliers d'euros pour le document. Et pour l'enseignement privé, je paye presque 300 € chaque mois, juste pour les deux jours de cours."

Au total, le couple a déjà dépensé plus de 6.000 euros. Et les jeunes époux vivent difficilement cette situation stressante, à près de 5000 kilomètres de distance.

La mère de Linda Wendt devant un ordinateur, reliée par un appel vidéo avec Moro au Sénégal
La mère de Linda aide parfois son gendre Moro à réviser ses cours d'allemand, à distanceImage : privat

Stress et pression familiale

Moro a dû abandonner son travail et ne peut plus soutenir sa famille à Mbour. Un oncle fait pression sur lui pour qu'il divorce.

"Il n'aimait pas que je me marie avec une toubab, une blanche. Il dit que la femme avec laquelle que je vis, elle me laisse là. Elle vient quand elle veut. Elle baise avec moi. Après, elle retourne. C'est comme si elle m'utilise."

Linda Wendt, quant à elle, est en colère contre les autorités allemandes.

"Ma maman me disait toujours que ce serait difficile, mais je ne le croyais pas. J'ai pensé qu'apprendre l'allemand ne serait pas si difficile. Et je ne connaissais pas tous les règlements, ni le fait que l'ambassade est si dure avec des choses comme ça. Je me disais, je suis allemande, j'ai des droits."

Linda Wendt et Moro Diop devant des œufs de Pâques
Linda et Moro rêvent d'une vie commune, avec une maison et des enfants. En attendant, ils proitent de chaque moment commun quand Linda vient au Sénégal pendant les vacances.Image : privat

Un taux d'échec très élevé

En 2022, plus de 12.000 personnes - soit plus d'un tiers des candidats de 30 pays - ont échoué au test d'allemand. Selon le ministère allemand des Affaires étrangères, entre 8.000 et 10.000 demandes de regroupement de conjoints ont été rejetées ou abandonnées sur la même période. 

Linda et Moro n'ont pas encore déposé leur demande, mais ils comptent le faire quel que soit le résultat de la quatrième tentative.

"Dans la loi, ils ont dit que s'il a essayé pendant une année, que ça ne marche pas, mais qu'il a fait l'effort, parfois, ils vont accepter qu'il vienne sans avoir l'examen. C'est ça qu'on essaye maintenant."

Vers un assouplissement de la loi... ou pas

Linda Wendt a écrit à une vingtaine de députés pour plaider sa cause. Mais rien n'y a fait, constate-t-elle avec dépit. L'assouplissement de la loi est pourtant prévu dans le contrat de coalition entre sociaux-démocrates, Verts et FDP.

Depuis décembre 2022, il est d'ailleurs étendu au personnel qualifié. A la tribune du Bundestag, la députée sociale-démocrate Gülistan Yüksel plaide pour une généralisation de l'assouplissement.

"Depuis des années, je reçois des lettres de personnes qui sont contraintes de vivre séparées parce que leur conjoint ne peut pas fournir de certificat de langue. Je pense que personne dans cette salle ne souhaiterait vivre une telle chose. C'est pourquoi, mesdames et messieurs, dans le prochain paquet législatif, nous simplifierons l'obtention de l'attestation linguistique pour le regroupement des conjoints."

Une deuxième réforme du droit de séjour est envisagée pour le deuxième semestre 2023. Mais le projet se heurte à la réticence du parti libéral qui évoque ouvertement sa crainte des "mariages arrangés".  

Linda et Moro, le jour de leur mariage, chacun porte une écharpe aux couleurs du pays de l'autre
Moro Diop n'aurait jamais voulu aller en Europe s'il n'avait pas rencontré LindaImage : privat

La loi ne concerne pas tout le monde

Mais ce règlement ne concerne pas tout le monde. Les ressortissants des États membres de l'Union européenne et de certains pays tiers vivant en Allemagne peuvent par exemple faire venir leur partenaire sans test de langue. Cela ne vaut pas pour le Sénégal.

"Je trouve que c'est une discrimination envers les Africains et les citoyens allemands. Si il était [originaire] d'Australie ou du Japon, cela ne serait pas comme ça. Donc je ne comprends pas vraiment."

Moro Diop, lui, n'a pas l'intention de dépendre de Linda Wendt une fois qu'ils vivront ensemble en Allemagne.

"Je ne veux pas dépendre de ma femme, je vais travailler et l'aider parce qu'elle m'a aidé, elle m'a soutenu. Je n'ai jamais eu l'esprit pour aller en Europe. Si je vais en Allemagne, c'est parce que je ne veux pas me séparer d'elle."

Des couples qui rêvent d'une vie normale

Il existe 174 centres de visas dans le monde. Mais dans 67 pays, il n'est pas possible de passer de test certifié. L'Association allemande des familles binationales a rassemblé des témoignages de couples concernés. Comme Moro et Linda, ils décrivent des cours d'allemands coûteux, des échecs successifs et des obstacles bureaucratiques dans les ambassades. 

Un Allemand, qui essaie de faire venir sa femme du Koweït, raconte son impuissance à aider son épouse à distance. Un autre, cubain, doit parcourir 900 kilomètres pour passer l'examen d'allemand. Une psychologue, dont le mari égyptien s'est vu refuser le visa, envisage désormais de quitter l'Allemagne. 

Les jeunes époux comptent bien être réunis tôt ou tard, au besoin ils iront vivre ailleurs qu'en Allemagne. Tous les deux rêvent d'avoir des enfants et une maison. Une vie normale en somme.

En attendant, Moro Diop se prépare intensivement à son quatrième test de langue, qui doit avoir lieu le 7 avril. Et preuve qu'il maîtrise déjà un peu l'allemand, il conclut dans la langue de Goethe : "Ich möchte endlich mit meiner Frau zusammenleben. Das ist mein Traum. (Je souhaiterais enfin vivre avec ma femme. C'est mon rêve.)"

Pour plus de détails sur l'histoire de Linda Wendt et de Moro Diop, rendez-vous sur le site Infomigrants.net

Les noms de famille de Linda et de Moro ont été modifiés à leur demande. 

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Les jeunes Palestiniens de Jérusalem-Est entre désespoir et rebellion

Vu sur la vieille ville de Jérusalem et le quartier Silwan
Silwan, un quartier de Jérusalem-Est morcelé par les maisons de colons et les fouilles archéologiquesImage : Imago/UPI Photo

Le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est, est situé à deux pas de la mosquée Al Aqsa et du Mur des Lamentations. Ici, les colons israéliens achètent des terrains à prix d'or pour faire des fouilles archéologiques ou y installer des familles israéliennes religieuses. 

Dans ce quartier palestinien annexé par Israël en 1967, on vit donc sous contrôle israélien, mais sans avoir la citoyenneté israélienne. Pas de droit de vote, et des maisons bien souvent menacées de destruction fautes d’actes de propriété en règle à présenter aux autorités israéliennes. 

Fin janvier, Mohamed Aliouat, âgé de seulement 13 ans, a ouvert le feu à bout pourtant sur un père et son fils israéliens, au milieu de la rue, avant d'être immobilisé par un soldat israélien. Notre correspondante Hélène Machline est allée à la rencontre des habitants du quartier pour tenter de comprendre ce qui s'est passé. Un reportage à écouter en deuxième partie du magazine.
 

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