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"Le Congo a besoin de tous les talents congolais"

El Dorado Mude
14 décembre 2022

Interview de la directrice régionale de l'Unicef en Afrique centrale et de l'Ouest, Marie-Pierre Poirier, lors de sa visite dans la province du Sud-Kivu, en RDC.

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Marie-Pierre Poirier, directrice régionale de l'Unicef pour l'Afrique centrale et de l'Ouest, en interview avec la DW
Marie-Pierre Poirier, directrice régionale de l'Unicef pour l'Afrique centrale et de l'Ouest, en interview avec la DWImage : Mude el Dorado/DW

La directrice régionale de l'Unicef en Afrique centrale et de l'Ouest, Marie-Pierre Poirier, a visité récemment la province du Sud-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo, afin de faire le point sur les projets conduits sur place pour aider les enfants sans diplôme à se former à un métier artisanal. Celle-ci s'est notamment rendue dans les groupements d'Izege et Kaniola, en territoire de Walungu. 

Interview avec Marie-Pierre Poirier de l'Unicef

Ecoutez l'entretien ci-contre ou lisez sa transcription ci-dessous.

 

DW : Madame Poirier, quel est l'objet de votre mission à Bukavu ?

Marie-Pierre Poirier : A l'Unicef nous croyons beaucoup à la présence de notre organisation au niveau sous-national et nous avons un bureau à Bukavu. C'est une partie du pays où les défis sont nombreux. Il y a quelques années, il y avait beaucoup des déplacés, les gens ont souffert des conflits, la malnutrition des enfants était très élevée. 

L'idée était de voir si les efforts de l'Unicef aux cotés des partenaires comme le PAM, la FAO, les partenaires du gouvernement, ont permis de faire la différence et de faire évoluer les indicateurs dans le bon sens.

 

DW : La crise qui a sévi ici dans le passé a eu des impacts sur les communautés. Le système éducatif n'a pas été en reste. Mais il y a eu quand même une initiative du gouvernement avec l'appui de l'Unicef pour résorber ces cas des enfants qui n'ont pas pu évoluer dans le système scolaire. Qu'est-ce qui a été fait concrètement pour aider ces enfants ?

Marie-Pierre Poirier : La première chose qu'il faut faire, c'est célébrer la décision de Son excellence, monsieur le président de la République, qui a fait l'école primaire gratuite. J'ai pu voir que ça a eu un impact formidable parce que même dans les communautés défavorisées, tout le monde dit que cette gratuité du primaire a aidé les familles à envoyer les enfants à l'école, même les filles.

Mais les difficultés sont nombreuses et les moyens faibles. Et donc certains enfants ne continuent pas au-delà du primaire et même, de temps en temps, n'y arrivent pas. Alors l'idée était de leur donner d'autres outils.

Nous avons visité deux centres de formation : un pour la menuiserie et l'autre est un atelier de couture. Dans l'atelier de menuiserie, il y avait trois élèves qui étaient en formation dont deux filles qui, en quatre mois, nous ont montré qu'elles étaient capables de faire un banc de grande qualité, même très joli esthétiquement.

 

DW : Et ces personnes qui n'avaient plus d'avenir hier, aujourd'hui, elles retrouvent de l'espoir car elles ont une occupation à faire. Qu'est-ce que cela vous a fait de les rencontrer ?

Marie-Pierre Poirier : Bon, on est très fier. On est très fier parce que notre cœur saigne quand on voit les difficultés, notre cœur saigne quand on voit les enfants mal nourris, quand on sait qu’ils ne peuvent pas aller à l'école alors qu'ils sont plein d'intelligence, plein de vivacité.

C'est comme si ce sont des vies qui ne peuvent pas se réaliser à leurs pleins potentiels alors que le Congo a besoin de tous les talents congolais pour aller de l'avant. Et là de voir que somme toute, avec un temps relativement court, des initiatives sont mises en place avec le soutien du gouvernement, avec l'engagement des autorités, au niveau sous-national pour que cela ne soit pas un projet mais vraiment une politique publique de donner des chances aux enfants.

Nous sommes allés dans un village de proximité où un autre jeune homme qui a fait la formation a déjà pu ouvrir son propre atelier et a déjà reçu une commande, au moins d'une trentaine de chaises. Vous voyez qu'il était déjà à même de subvenir à ses besoins et de contribuer aux besoins de sa famille. C'est un témoignage fort parce qu'une famille qui était défavorisée, un jeune qui peut-être ne voyait pas d'opportunités pour son avenir, en très peu de temps il a repris le contrôle de sa destinée et est capable de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Il a même commencé à faire la formation d'un ou deux plus jeunes de sa communauté pour leurs donner des outils.

C'est très important parce que par résilience, nous Unicef, nous entendons donner aux individus la capacité de se prendre en charge de façon à pouvoir être des citoyens productifs et aussi mieux préparés quand il y a des chocs, pour diminuer leur vulnérabilité. Et je vois que l'expérience que nous avons ici au Sud-Kivu nous donne des clés qu'il faudra bien documenter, bien continuer d'affiner avec nos différents partenaires et puis après, passer à l'échelle supérieure parce que comme vous l'avez, dit les besoins sont énormes.

Nous Unicef, nous voulons qu'il n'y ait aucun enfant laissé de côté et que tant que les familles défavorisées n'auront pas les moyens de donner à leurs enfants la santé, la nutrition, l'éducation qui leur permettra d'aller de l'avant et d'être des citoyens productifs, nous n'allons pas baisser les bras et nous continuerons aux cotés de nos partenaires.

Il se trouve que les projets que je visite sont financés par le BMZ, un partenaire allemand [ministère de la Coopération, ndlr] que nous remercions chaleureusement, toutes les ONGS locales, c'est vraiment un grand message de remerciement, un message de félicitation, pour le chemin parcouru et un message d'encouragement à faire plus.

A l'Unicef, nous pouvons simplement dire à toutes les bonnes volontés, les bailleurs, ceux qui s'intéressent à l'avenir de la RDC, que nous avons des solutions, des solutions qui sont efficaces, des solutions qui sont bon marché, qui ont des résultats tangibles, concrets et durables dans un temps remarquablement court. Il s'agit d'investir encore plus. Les jeunes sont prêts à faire leur partie, il faut que nous puissions leur amener des moyens d'aller de l'avant.