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"Un glissement risque de s'imposer" (Adolphe Muzito, RDC)

Paul Lorgerie
5 juillet 2023

Adolphe Muzito, l'ancien Premier ministre congolais, craint que les élections ne puissent pas se tenir le 20 décembre prochain. Interview.

https://p.dw.com/p/4TQoD

C’était lundi, à Kinshasa, en République démocratique du Congo. L’ancien Premier ministre Adolphe Muzito rencontrait le président de la Commission électorale nationale indépendante, la Céni.

Au terme de cette rencontre, le membre du parti lumumbiste unifié, président du Nouvel Elan, s’est dit inquiet, notamment au sujet du respect du délai électoral et donc sur un potentiel risque de glissement. Il s’en explique au micro de notre correspondant, Paul Lorgerie :

DW : Vous avez évoqué, lundi, vos doutes quant au respect du délai constitutionnel, notamment concernant le décaissement des fonds qui ne serait pas fait à temps. Que pensez-vous de cela ?

Je pense que, par rapport à la suite du processus électoral, à savoir le parachèvement de l’enrôlement pour les trois territoires qui posent dans problèmes de sécurité, donc à Kwamouth [dans le Mai Ndombe, ndlr], ainsi qu’à l’est du pays à Masisi et à Rutshuru [dans le Nord-Kivu, ndlr], j’ai dit qu’il fallait que le gouvernement puisse mobiliser suffisamment d’argent à mettre à disposition de la Céni pour la poursuite des opérations d’identification et d’enrôlement.

Nous constatons que, à ce jour, la Céni se plaint de ne pas avoir l’ensemble des ressources. Un montant de plus ou moins de 500 millions de dollars. Et puisqu’il y a une perspective d’un décaissement de 100 millions de dollars, nous avons dit que la pression doit être maintenue pour que le gouvernement donne un peu plus que cela.

Les difficultés de la Céni à financer les élections en RDC

Il y a des difficultés de trésorerie dans le pays. Et je rappelle au passage que le gouvernement, en avril, n’a pas mobilisé l’ensemble des ressources prévues au budget. Plus ou moins un milliard et demi de dollars étaient prévus, alors qu’ils n’ont mobilisé que moins de 600 millions. Il y a alors un gap de 900 millions qui correspond aux entrées qui n’ont pas eu lieu, et je présume que c’est ce qui est à la base des difficultés pour le gouvernement à décaisser le reste nécessaire pour le parachèvement du processus.

Mais le gouvernement a tout de même obtenu un soutien budgétaire de la part du FMI. Et nous pensions que la Céni pouvait obtenir du gouvernement le reste du montant dont ils ont besoin en plus des 100 millions qui leurs sont promis. Donc les 400 millions restants auraient pu venir de cette enveloppe.

Mais en même temps, nous sommes bien conscients qu’on ne peut pas affecter l’ensemble de ce montant aux élections, car le pays a des urgences sécuritaires à l’est. Mais la moitié de cette enveloppe, plus ou moins 250 millions de dollars, aurait pu être décaissée pour les élections.

Dans cette hypothèse, en revanche, nous serions dans le scénario où un glissement pourrait s’imposer pour que la suite des opérations soit couverte par le montant additionnel qui pourrait venir du budget de l’année prochaine. Donc le glissement s’imposerait.

Ce n’est pas un souhait que j’exprime, mais c’est la réalité, notamment au regard des contraintes sécuritaires. Nous avons donc émis le voeu que la Céni assume avec nous et que pour cela elle implique la société civile ainsi que les partis de l’opposition pour que nous dégagions un consensus ensemble.

 

Vous avez également émis des doutes sur la fiabilité du fichier électoral ?

Non, je n’ai pas d’éléments assez précis pour dire que le fichier électoral est bon ou mauvais. La Céni nous a dit qu’elle a fait l’audit.

De mon côté, je dis que le fichier est incomplet, du fait que trois territoires n’ont pas fait l’objet d’un enrôlement effectif. On leur a imputé des sièges déduits des autres provinces, pour considérer qu’on pouvait organiser des élections à ce niveau. Mais il y a eu une réduction du quotient électoral.

Je ne suis pas contre que les élections aient lieu dans ces provinces, dans ces territoires, mais avec leurs sièges. Il faut qu’on retourne dans ces territoires pour que chaque circonscription retrouve son intégrité et son électorat.

 

Et qu’elle sera votre réaction face aux élections si l’enrôlement de ces trois territoires ne se fait pas ?

C’est pourquoi je suis en train de dire que je n’ai pas à anticiper sur ce que sera le pays. Je préfère prévoir et faire pression sur la Céni et à travers la Céni le pouvoir en place, afin de corriger cette situation et qu’ensemble on aille aux élections pour que le peuple arbitre.

 

Vous étiez dans la coalition Lamuka, pourquoi ne pas avoir rejoint le groupe des quatre opposants ?

Nous n’avons pas la même vision, nous n’avons pas le même programme, bien qu’il est vrai que nous n’ayons pas encore défendu nos programmes dans l’opinion.

De mon côté, je finalise mon programme, mon projet politique. Mais je n’ai pas les mêmes revendications qu’eux sur l’ensemble des questions qui concernent notre pays. Donc je n’ai pas à les rejoindre et ce n’est pas nécessaire pour que l’on pose les problèmes du pays.