Il y a un an, le corps de Martinez Zogo était découvert à Yaoundé, au Cameroun. Supplicié. L’instruction judiciaire est toujours en cours pour faire la lumière sur les circonstances exactes de la mort de ce journaliste d’investigation de la radio Amplitude FM, à Yaoundé.
Dénonciation d'un scandal financier
Martinez Zogo n’avait pas la langue dans sa poche, comme nous l’a indiqué l’un de ses proches, le publiciste Aristide Mono :
"Martinez était d’abord un gars extrêmement intelligent. Ce que je retiens de l’homme, c’est sa détermination, c’est sa verve et également son courage. Il était hyper courageux."
Ce que confirme Philippe Nanga, coordinateur de l'ONG Un monde avenir, qui déclare que "Martinez Zogo avait le courage de dénoncer tout haut ce qui se savait sous cape."
Agé d’un peu plus de 50 ans, Martinez Zogo était père de famille mais aussi et surtout un homme de radio très en vue, une célébrité dans la capitale camerounaise.
Le jour de son enlèvement, le 17 janvier 2023, il venait d'annoncer qu'il détenait des documents mettant en cause de hautes personnalités des affaires et du monde politique camerounais, dans un scandale financier qui a des ramifications jusqu'au plus haut sommet de l'Etat.
La famille Zogo espère un procès
Dans le premier épisode, nous avons évoqué le rapport d’autopsie qui détaille les sévices subis par Martinez Zogo, des tortures qui ont causé sa mort. C’est le tribunal militaire de Yaoundé qui est chargé de l’instruction.
Diane Zogo, la veuve de Martinez Zogo, attend de la justice qu’elle établisse les circonstances exactes de la mort de son mari et qu’elle établisse les responsabilités:
"Moi particulièrement, déclare-t-elle au micro de DW Afrique, je ne suis pas pressée de procéder aux obsèques. Parce qu’on a des individus qui sont encore gardés, auditionnés. L’enquête suit son cours. Nous en sommes encore au niveau de l’instruction. Tant que l’enquête est pendante au niveau du tribunal, on ne peut pas parler d’obsèques. Il faudra bien trouver des coupables. Que les présumés coupables soient punis et que justice soit rendue pour [Martinez]."
De premières interpellations ont eu lieu. Celle de l'homme d'affaires Jean-Pierre Amougou Belinga, celle de l'ancien patron du contre-espionnage, Leopold Maxime Eko Eko, celle d'un agent de la DGRE, Justin Danwe, qui a reconnu avoir dirigé le commando contre Martinez Zogo, et même un maire du RDPC, le parti au pouvoir, Stéphane Martin Savom.
Demande de requalification des faits en assassinat
Mais l'enquête n'avance pas assez rapidement de l'avis de l'avocat de la famille Zogo, Me Calvin Job. Et c'est vrai que le dossier est très sensible, comme le confirme Arnaud Froger, responsable du desk investigation de Reporters sans frontières, qui connaît bien l'affaire Zogo :
"C’est extrêmement litigieux dans le sens où il y a une vraie contradiction entre un commando, dont les membres – et Justin Danwe lui-même reconnaît une opération qui visait à molester et passer à tabac ce journaliste – et les concluions des deux rapports d’autopsie effectués qui reconnaissent que Martinez Zogo est mort des suites des sévices qui lui ont été imposés", déclare Arnaud Froger à DW Afrique.
Et il précise que "RSF a eu accès à des déclarations de Justin Danwe qui n’ont pas été rapportées dans la procédure mais postérieures à son arrestation, qui rapporte qu’il aurait reçu l’ordre de "finir le travail". Donc il y a des contradictions dans cette procédure entre des membres du commando qui tentent de limiter leurs responsabilités à un passage à tabac du journalistes, d’autres déclarations qui affirment qu’il y avait une volonté de tuer de journaliste et les rapports d’autopsie qui établissent que Martinez Zogo ne pouvait pas se sortir vivant des sévices qui lui ont été infligés."
Le point sur la procédure et les implications politiques au plus haut sommet de l’Etat camerounais … C’est ce dont nous allons parler dans ce 2è épisode de QuiQuoiComment sur l’affaire Zogo.
Ce podcast a été écrit avec la collaboration du journaliste camerounais Paul Chouta qui, lui aussi, a fréquenté Martinez Zogo.