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Quelles lois pour protéger les lanceurs d'alerte africains ?

Paula Kersten
24 avril 2018

Alors que la commission europénne vient de présenter une loi pour protéger les lanceurs d'alerte, la DW fait le point sur les textes qui existent déjà en Afrique. Ils sont rarement appliqués.

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Image : picture-alliance/dpa/S. Gollnow

Reportage de Paula Kersten

La Commission européenne a présenté une proposition de loi visant à mieux protéger les lanceurs d'alerte ce 23 avril. Son but est de placer à l'abri de licenciements ou de sanctions les personnes qui rendent publiques des infractions au sein de leur entreprise ou leur organisation. Car aujourd'hui les lanceurs d'alertes risquent beaucoup pour dénoncer la corruption ou la fraude fiscale.

Licenciement et problèmes avec la justice

En Afrique, des lois pour protéger les lanceurs d'alerte existent déjà dans certains pays, mais elles sont rarement mises en application. Tounsi Noureddine, 50 ans, en sait d'ailleurs quelque-chose. "J'étais employé auparavant à l'entreprise portuaire d'Oran en tant que chef du département commercial. Jusqu'à mon licenciement après que j'aie lancé une alerte." Lui qui vit à Oran, la deuxième plus grande ville d'Algérie, a dénoncé la corruption au sein de son entreprise qui détournait des millions de dinars.

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Julian Assange, lanceur d'alerte le plus connu à travers le monde. Image : Reuters/P. Nicholls

Il a d'abord débuté de manière anonyme avec des lettres adressées aux responsables et aux médias, mais ces courriers sont restés sans suite. "Il est toujours plus facile d'étouffer une affaire de corruption quand elle est anonyme. Quand on envoie des lettres anonymes, les choses ne bougent pas", explique-t-il. "Je suis donc sorti de l'anonymat et j'ai lancé l'alerte tout en espérant trouver un écho favorable auprès de la justice algérienne. La suite a été catastrophique, malgré que la loi me protège. La loi existe, mais hélas, l'application sur le terrain n'existe pas." 

Noureddine Tounsi a été inculpé pour divulgations de secrets d'entreprise et pour diffamation alors que la loi était sensée le protéger. Cela fait 20 mois qu'il est sans travail. Lui et ses quatre enfants vivent de la retraite de son père. Noureddine a beaucoup risqué - et beaucoup perdu. Mais si c'était à refaire, il agirait à l'identique, assure-t-il. 

Menaces de mort

Le courage des lanceurs d'alerte comme Noureddine Tounsi est essentiel pour le renforcement de la démocratie dans des pays ou la corruption et le clientélisme sont au cœur du système. Mais leur protection est cruciale. Car les conséquences personnelles se traduisent très vite par la perte d'un emploi, le harcèlement - et même des menaces de mort. 

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Image : picture alliance/dpa/F.Kästle

"Une des difficultés est que les lois qui ont été votées n'étaient pas vraiment substantielles, c'est-à-dire qu'elle manquaient  de profondeur", estime Charles Sanchez, coordinateur de la plateforme pour la protection des lanceurs d'alerte en Afrique (PPLAAF) basée au Sénégal. Celle-ci soutient les lanceurs d'alerte et fait du lobbying auprès des gouvernements pour qu'ils proposent des lois qui protègent les lanceurs d'alerte. "On a l'impression que ce sont des lois que l'Etat va faire valoir pour dire qu'il a effectivement prévu un texte sur la protection des lanceurs d'alerte, mais dans le fond il manque de la substance en terme de protection." 

Des lois qui existent donc sur le papier mais n'ont pas de réel impact au niveau de leur mise en œuvre. C'est du moins l'expérience de Noureddine Tounsi. Désormais, celui-ci s'organise avec d'autres lanceurs d'alerte en Algérie : ils ont créé un réseau pour encourager et soutenir d'autres personnes qui veulent dénoncer les injustices.