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Economie

Quand le contribuable allemand sauve la Lufthansa

25 mai 2020

L'Etat allemand va verser 9 milliards d'euros à la compagnie aérienne qui ne sera pas renationalisée, mais contre la promesse d'encadrer les rémunérations de ses top-managers et les dividendes aux actionnaires.

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Lufthansa
60% du personnel Lufthansa est en chômage partiel du fait de la suspension des vols due au coronavirusImage : picture-alliance/W. Rothermel

La Lufthansa est ce qu'il est convenu d'appeler « un fleuron » de l'économie allemande.

L'ancienne compagnie aérienne publique a été privatisée mais les avions frappés d'une grue bleue en vol sur fond jaune incarnent toujours l'Allemagne dans le monde entier. Seulement voilà, la suspension des vols à cause du coronavirus a mis à mal l'entreprise qui perdrait un million d'euros toutes les heures.

Le gouvernement et la compagnie se sont mis d'accord mais ces pourparlers sur un sauvetage de la Lufthansa ont relancé le débat sur l'interventionnisme de l'Etat dans le secteur privé, la nécessité ou non d'aider les grands groupes et si oui, sous quelle forme. 

Le coronavirus a cloué au sol la plupart des avions
Le coronavirus a cloué au sol la plupart des avions Image : Reuters/A. Dedert

9 milliards, dont 3 de prêt

Le plan de sauvetage de la Lufthansa prévoit neuf milliards d'euros d'argent public pour l'entreprise.

Un tiers de ces neuf milliards serait accordé sous la forme d'un prêt de la banque publique KfW, avec des taux d'intérêt qui augmenteraient avec le temps.

L'Etat récupèrerait aussi deux sièges au sein du conseil de surveillance et une prise de participation dans l'entreprise à hauteur de 20% - couplée avec des obligations convertibles qui permettraient à l'Etat de prendre 5% de participation supplémentaire le cas échéant.

L'Etat siègerait donc dans les instances dirigeantes mais n'influencerait pas les décisions en renonçant en partie à son droit de vote, sauf par exemple pour empêcher une prise de contrôle de la compagnie allemande par un groupe étranger.

De son côté, la Lufthansa prendrait l'engagement de limiter la rémunération de ses dirigeants et d'encadrer le versement de dividendes aux actionnaires.

Infografik Linien der Lufthansa-Gruppe DE
Les filiales du groupe Lufthansa

Le rôle de l'Etat
Au sein de la coalition gouvernementale, les négociations avec la Lufthansa ont créé des dissensions.

Pas question pour les conservateurs de la CDU/CSU de songer à une renationalisation ne serait-ce que partielle d'une entreprise privatisée depuis plus de vingt ans (1997). Joachim Pfeiffer, chargé des affaires économiques au sein de la CDU, le parti d'Angela Merkel, a résumé son point de vue en ces termes chez nos confrères du Deutschlandfunk :

"Ce dont il retourne, dans la situation absolument exceptionnelle de la crise du coronavirus, c'est que le contribuable doit aider la Lufthansa à reprendre après la crise ses activités avec le même succès qu'avant, donc il s'agit d'une intervention ponctuelle, avec un remboursement à la clef."

Les sociaux-démocrates (SPD) réclamaient une minorité de blocage – une revendication obtenue partiellement, comme nous venons de le voir.

Allemagne une syndicaliste du secteur aérien en grève en 2016 (Ufo)
Les employés de la Lufthansa espèrent profiter aussi de l'accord trouvé avec l'EtatImage : picture-alliance/dpa/O. Berg

Pour l'opposition de gauche et les Verts, les négociations avec la Lufthansa auraient dû être l'occasion d'aller plus loin, comme l'expliquait fin avril Bernd Riexinger, co-président du parti Die Linke :

"Nous pensons que si l'Etat injecte une telle somme pour sauver une entreprise, cela ne peut pas se faire sans poser de condition. Et au niveau international, il n'est pas rare que des entreprises d'une telle importance stratégique que les compagnies aériennes soient entre les mains de l'Etat."

La gauche regrette que la Lufthansa n'ait pas à prendre d'engagements sur la conservation de ses 140.000 emplois dans le monde, sur l'application des accords tarifaires passés avec les syndicats d'employés avant la crise, ni même en vue de réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

La Commission européenne doit encore donner leur aval dans les prochains jours mais déjà, l'annonce a fait bondir l'action du groupe de 4,5%.

Par ailleurs, à titre de comparaison, l'Etat français a promis une aide de sept milliards d'euros à la compagnie Air France.