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La longue attente des victimes du 28 septembre en Guinée

Bangaly Condé
27 septembre 2019

Alors qu'on attend toujours l'ouverture du procès du massacre du 28 septembre 2009, le ministre guinéen de la Justice, Mohamed Lamine Fofana, répond aux critiques sur le délai de dix ans qui s'est écoulé depuis les faits. Selon lui, aucune "contingence politique" n'a ralenti la procédure.

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DW : Vendredi cela fera dix ans qu'a eu lieu le massacre au stade du 28 septembre où 157 personnes, selon le bilan officiel, ont été tuées. Que répondez vous aux critiques liées à la lenteur de l'ouverture du procès des auteurs présumés

Mohamed Lamine Fofana : Je vous remercie. Comme réponse, c'est aussi simple: vous avez des évènements là où il y a eu cent cinquante et quelques personnes tuées des centaines de femmes violées, des disparus. C'est un évènement important qui a fait l'objet d'une enquête judiciaire. Et cela a pris du temps. Vous avez un pool de juges d'instruction, trois juges d'instruction, qui ont conduit ces enquêtes. Ca a duré le temps qu'il faut et à la clôture de l'enquête judiciaire, il y a eu un pourvoi pour changer de qualifications, pour aller sur le terrain du crime contre l'humanité. La cour suprême a mis trois ans pour en arriver là et nous dire que c'est une qualification normale de droit commun. Maintenant, la voie était ouverte au procès donc on ne peut pas dire que le temps... il y a des enquêtes qui durent vingt-cinq ans dans des cas comme ça. Si ça n'a pris que sept ans, je crois que c'est raisonnable.

DW : En principe, les magistrats chargés du procès devaient suivre une formation que la France s'était proposée de parrainer. Qu'en est-il aujourd'hui?

Mohamed Lamine Fofana : Ce n'est pas une formation, c'est un renforcement de capacités. Ils sont suffisamment mûrs et formés pour ça. Il s'agit de savoir comment gérer le stress. C'est un procès qui va subir de fortes pressions. Et les magistrats qui vont le conduire doit être préparé à ça. Pour résister. Il y a des avocats internationaux qui sont là et qui ont l'art de provoquer. Il faut savoir résister, maîtriser sa colère. Donc ce n'est pas une formation à proprement parler, mais un renforcement de capacités. Et ce ne sont pas seulement les magistrats. Tout le personnel judiciaires, les greffiers, la sécurité, la communication... tout ce monde là doit être préparé à faire face à ce procès.

DW : D'après Cheickh Sako, votre prédécesseur qui occupait le poste de ministre de la Justice jusqu'à sa démission en mai dernier, le démarrage de procès est freiné par des contingences politiques, notamment par la peur que nourrirait le président Condé de voir les membres de l'ex-junte militaire jugés et condamnés. A-t-il raison?

Mohamed Lamine Fofana : Pas du tout. En tout cas à ma connaissance - je suis cette question depuis belle lurette, aucune contingence politique n'a pesé encore sur ce procès. La volonté politique du président, je peux en témoigner, est sans équivoque pour la tenue de son procès. C'était le raisonnement du ministre Sako. Moi j'ai pu être témoin parce que j'ai été conseiller spécial du président de République en matière de justice, je peux témoigner que ça n'a jamais été le cas.

DW : De l'avis de la présidente de l'Association des victimes, parents et amis du 28 septembre, certaines femmes violées n'acceptent pas de venir témoigner devant le juge, de peur qu'on sache qu'elles ont été violées. Qu'avez-vous pris comme dispositions pour mettre ces femmes en confiance?

Mohamed Lamine Fofana : Nous avons pris toutes les dispositions pour protéger ces victimes, les faire comparaître devant la cour, en respectant toutes ces conditions d'intimité, afin qu'elles soient là pour éventuellement demander réparation. Vraiment, tous les témoins et les victimes seront protégés.

DW :  Que peut-on avoir aujourd'hui comme assurance que ce procès peut désormais se tenir, dix ans après?

Mohamed Lamine Fofana : Dans quelques jours, on va commencer à réaliser le bâtiment et on est en train de choisir les magistrats, et le renforcement de capacités comme je l'appelle va se dérouler à partir du mois d'octobre-novembre.