Derrière le procès Sarkozy, l’ombre de la crise au Sahel
6 janvier 2025Le cinquième procès en cinq ans de l’ancien président français Nicolas Sarkozy s'est ouvert lundi (06.01.25) à Paris. La justice doit se prononcer sur des soupçons de financement illicite, par la Libye, de sa campagne électorale pour la présidentielle de 2007, en France. L'ex-président français est accusé d’avoir signé, quand il n'était encore que ministre de l'Intérieur et appuyé par des proches, un "pacte de corruption" avec l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Comparaissent également à ce procès douze autres prévenus, dont des anciens ministres (Brice Hortefeux, Eric Woerth et Claude Guéant).
Nicolas Sarkozy est jugé pour corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs. Il encourt 10 ans de prison et 375.000 euros d'amende, ainsi qu'une privation des droits civiques pouvant aller jusqu'à cinq ans, ce qui entraînerait une période d'inéligibilité.
Nicolas Sarkozy a déjà été condamné en première instance et en appel pour financement illégal de campagne. Cet autre dossier est lié aux dépenses excessives de sa campagne présidentielle de 2012. Dans cette affaire, l'ancien président s'est pourvu en Cassation.
Prolifération des armes dans le Sahel
Dans le Sahel, ce nouveau procès qui doit durer plusieurs mois, sera sans doute beaucoup commenté.
Le chaos libyen et le terrorisme dans le Sahel sont indissociables. Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, fait partie de ceux qui le martèlent. Un point de vue partagé par Hassane Koné, chercheur principal à l’Institut d’études de sécurité (ISS) basé à Dakar. Selon lui, le renversement de Mouammar Kadhafi, en mars 2011, a aggravé la situation sécuritaire dans la région.
"Quand il y a eu la chute de Kadhafi et qu’il y a eu un désordre total installé en Libye, il y a eu beaucoup d’armes qui sont descendues en direction du Sahel."
"Il faut partir, ajoute le chercheur Hassane Koné sur la DW, du principe aussi que les groupes terroristes étaient déjà plus ou moins installés au nord du Mali. Mais il n’y a pas eu d’occupation du nord du Mali avant la chute de Kadhafi."
Avant sa chute, Mouammar Kadhafi est reçu en grande pompe fin 2007 à Paris par Nicolas Sarkozy, alors fraîchement élu président. Puis leurs relations se détériorent.
Alors que la révolution libyenne gronde, le Conseil de sécurité adopte le 17 mars 2011 la résolution 1973, présentée par la France et le Royaume-Uni. Celle-ci autorise l’usage de la force pour protéger les populations civiles et faire cesser les hostilités. Mouammar Kadhafi meurt en octobre de la même année, lynché par la foule.
Faible présence de l'Etat
Dès lors, la chute de Mouammar Kadhafi expliquerait ce qui se passe actuellement au Sahel ? Certainement en partie, mais pas totalement, répond à la DW Claudia Gazzani, experte de l’International Crisis Group (ICG). Spécialiste de la Lybie, la chercheuse pointe aussi des causes endémiques dans des pays comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
"N'oublions pas que les Etats sont peu présents dans toutes les sociétés rurales sahéliennes. Les localités aujourd’hui en proie au terrorisme ne font pas exception à cette insuffisance en termes d’utilité sociale de l’Etat", précise Aly Tounkara, du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S).
Néanmoins, occulter l'importance de la chute de Kadhafi serait très simpliste, nuance Aly Tounkara. Mais les groupes terroristes ont aussi pu récupérer du matériel militaire lors d’attaques de sites des armées du Sahel, enchérit Hassane Koné de l’ISS qui poursuit : "il ne suffit donc pas, près de quinze ans plus tard, de dire que si cela nous arrive, c’est à cause de la chute de Kadhafi".