Procès arbitraires pour les Ouïghours des camps chinois
8 juin 2020C’est une femme sous le choc qui raconte. Entre deux sanglots et de longues minutes de silence. Une femme qui a perdu "l’envie de vivre", dit-elle, mais parle pour dénoncer ce qu’elle a vécu: l’enfermement et la justice totalement arbitraire.
L’histoire se déroule dans les "camps de rééducation", le nom donné par les autorités chinoises, où sont enfermés des prisonniers ouïghours. Les Ouïghours sont une minorité en Chine, de confession musulmane, turcophone. Près de dix millions d’entre eux vivent dans la région du Xinjiang. Une vie sous la pression des autorités chinoises, au motif de la lutte contre le terrorisme.
Près d’un million de personnes de cette minorité seraient ainsi enfermés dans des camps dont l’existence avait été révélée par la DW et le Consortium international des journalistes il y a quelques mois.
Procès fictifs
C’est dans ces bâtiments que sont enfermés près d’un million d’hommes et des femmes ouïghours. Un motif qui, comme l’assurent des organisations de défense des droits de l’Homme depuis longtemps, semble n’être qu’un prétexte à des persécutions.
Des mois durant des journalistes de la DW ont échangé avec plusieurs personnes qui s’en sont sorties. Elles racontent les arrestations arbitraires et surtout les simulacres de justice lors des procès. "Un jour on m’a donné une liste de 75 délits présumés et on m’a demandé de choisir l’un d’entre eux", confie une femme.
Une liste qui en plus fait référence à de nombreux "délits" de nature religieuse. Ce qui pourrait donner raison aux organisations de défense des droits de l’Homme qui dénoncent la présumée volonté du gouvernement chinois "d’éradiquer la culture et la religion du peuple ouïgour".
Autorités chinoises discrètes
Le gouvernement chinois ne nie pas l’existence de ces camps mais parle de lieux "de formation, de perfectionnement professionnel (…) pour aider les personnes séduites par des idées terroristes et extrémistes qui ne sont pas encore passées à l’acte".
Mais, lors de l’enquête de la DW, les questions précises restent sans réponse. Que sont par exemple devenues les personnes disparues aujourd’hui et dont les familles sont sans aucune nouvelle? Aucune explication, malgré les demandes répétées aux autorités en Chine et à l’ambassade en Allemagne. Des témoins parlent d’allers et retours en prison, voire de travail forcé. Les autorités chinoises nient.
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Ce qui est certain c’est que des milliers de famille sont sans aucune nouvelle de leurs proches. En préparant cette enquête, une journaliste est entrée dans une mosquée en Turquie, pays refuge pour de nombreux Ouïghours. Elle a alors demandé aux hommes de se manifester s’ils avaient des membres de leur famille dans les camps. Des dizaines de main se sont alors levées.