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Pourquoi les pays de l'AES restent-ils dans l’Uemoa ?

Rodrigue Guézodjè
30 janvier 2025

Les pays de l’Alliance des Etats du Sahel, (AES), ont quitté la Cédéao tout en restant dans l’Uemoa. Comment comprendre cela ?

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Des billest de francs CFA, la monnaie des pays de l'Uemoa
Les trois pays de l'AES n'ont pas affiché leur prétention de rompre les amarres avec l'UemoaImage : SEYLLOU/AFP

C’est une question qui anime de plus en plus les débats en Afrique de l’Ouest : pourquoi les pays de l’Alliance des Etats du Sahel, l’AES, choisissent-ils de quitter la Cédéao, tout en restant dans l’Uemoa ?

C'est ce mercredi 29 janvier 2025, qu’a pris effet la rupture définitive des relations du Mali, du Niger et du Burkina Faso avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, après un an de tensions politiques.

Le 29 janvier 2024, ces trois pays, dirigés par des régimes militaires, avaient formellement notifié à l'institution sous-régionale leur volonté de retrait "immédiat".

Mais les textes de l'organisation ouest-africaine imposaient un délai d'un an pour qu'elle soit effective. C'est donc fait.

Alors, cette volonté de partir peut-elle s'étendre aussi à un retrait de l’Uemoa?  

En décidant de tourner définitivement le dos à la Cédéao, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont souhaité bâtir une autre coopération régionale centrée sur leurs besoins spécifiques en matière de sécurité et de développement. 

Des besoins auxquels, selon eux, l'organisation ouest-africaine ne les a pas aidés à faire efficacement face. Ils se réjouissent de la concrétisation, ce 29 janvier, de leur départ définitif, mais l'analyste économique, Honoré Mondomobé, fait observer qu'ils ne se sont pas vraiment préparés à ce retrait.

"C'est la coïncidence de ces coups d'Etat et du timing qui les ont poussés à vouloir quitter la Cédéao. Ce ne sont pas des pays qui ont vraiment préparé leur départ de la Cédéao. Donc cette précipitation ne leur a pas laissé le temps de préparer la création d'une monnaie, de préparer la création d'un espace monétaire, d'un marché de libre-échange", estime Honoré Mondomobé.

Le Mali, le Niger et le Burkina Faso restent dans l'Uemoa

"Une décision complexe"

Désormais, officiellement unis dans une autre confédération sans espace monétaire, ces trois pays n'ont pas affiché leur intention de rompre les amarres avec l'Uemoa.

Même si cette organisation, qui repose sur des bases économiques et monétaires, n'a pas la même influence que la Cédéao, l'analyste camerounais estime qu'il leur serait difficile de s'en extraire, surtout pour le Burkina Faso qui abrite le siège de l'Uemoa.

"Ce serait quand même absurde que l'AES quitte un organisme qu'il abrite. Ce serait donc contre-productif pour le Burkina Faso de boycotter une organisation qu'elle héberge, parce que tu ne peux pas verrouiller les portes d'une maison dont tu es propriétaire."

Conférence de presse de la Cédéao à Abuja au Nigeria le 27 février 2023
Selon des experts, si les trois pays de l'AES ont quité la Cédéao, la situation avec l'Uemoa est plus complexeImage : Ben Curtis/AP Photo/picture alliance

Quitter l’Uemoa est donc une décision bien plus complexe. Les pays membres de l’union partagent une monnaie unique, le franc CFA, qui repose sur une garantie de convertibilité par le Trésor français. 

Si un pays quitte l’Uemoa, il devra récupérer ses réserves de change, actuellement réparties entre la Banque centrale de l’Uemoa à Abidjan (50%) et le Trésor français (50%). 

Alors, pour Joel Atayi Guèdègbé, politologue et expert en gouvernance, un retrait de l'Uemoa aurait des conséquences économiques et financières majeures.

"Il n'est pas exclu que ces trois pays émettent leur monnaie, en viennent à quitter la zone CFA. Mais en attendant, ce qu'ils y trouvent me semble intéressant, ne serait-ce que du point de vue des emprunts obligataires. C'est un marché stable qui permet donc d'aller à la pêche aux capitaux avec une certaine fiabilité. Donc on ne peut pas jeter le bébé avec l'eau du bain."

"La facture risque d'être lourde"

Joel Atayi Guèdègbé va plus loin sur les défis significatifs que pourrait présenter une décision de retrait de l'Uemoa.

"On peut claquer la porte, mais je crois que la facture risque d'être lourde inutilement, ça risque d'être une désorganisation à nulle autre pareille des circuits économiques."

Si la rupture avec la Cédéao est motivée par des raisons plutôt politiques, quitter l’Uemoa pose donc des défis techniques et économiques colossaux. Cette décision pourrait évoluer à mesure que les pays de l’AES renforcent leur capacité institutionnelle et leur coopération régionale.