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Biya en 2025, "ce serait pour moi la candidature de trop"

10 septembre 2024

Entretien avec Michèle Ndoki, fondatrice du Mouvement des bâtisseurs de la nation. Une organisation de la société civile qui entend remettre la politique au cœur de la vie des Camerounais.

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Retranscription de l'interview :

DW : Michèle Ndoki Bonjour.

Michèle Ndoki : Bonjour

DW : Vous êtes avocate, activiste, femme politique, ancienne membre du MRC de Maurice Kamto. Vous êtes aujourd'hui à la tête de votre propre mouvement, le Mouvement des bâtisseurs de la nation. Quelles sont actuellement vos objectifs avec ce mouvement ?

Michèle Ndoki : Occuper un espace qui est pour nous un espace vacant au sein de la politique camerounaise. Nous sommes quatre co-fondateurs du Mouvement des bâtisseurs de la nation et ça, déjà en soi, c'est une une différence dans le paysage politique. Nous tenons à ce que cette organisation de la société civile soit gérée par un organe collégial, avec chacun ses responsabilités. Mais oui, ce n'est pas un parti politique, c'est une organisation de la société civile. L'objectif premier est de remettre la politique au cœur de la vie des Camerounais et des citoyens lambda, en faisant en sorte que le pouvoir soit exercé du bas vers le haut plutôt que l'inverse. 

DW : Alors le Cameroun se prépare à aller aux élections en 2025. L'instance électorale camerounaise (Elecam) a annoncé récemment l'inscription de plus de 755.000 nouveaux votants sur les listes électorales en 2024, dont 64,88 % sont des jeunes. Quel regard vous portez sur ces chiffres ?

Michèle Ndoki : Deux choses. Premièrement, ils montrent bien que les Camerounais sont désireux de prendre une part plus importante dans le débat politique, dans la décision politique et notamment la décision sur qui sont les leaders. La deuxième chose, c'est qu'il faut dire que leur inscription intervient dans un contexte difficile. On ne le dit pas assez, mais beaucoup d'efforts sont fournis pour empêcher les inscriptions sur les listes électorales. 

Michèle Ndoki appelle Paul Biya à renoncer à un autre mandat

DW : Pour le moment en tout cas, le président Paul Biya, au pouvoir depuis plus de 41 ans, ne s'est pas encore prononcé sur une future candidature pour la présidentielle de 2025. Est-ce que ce serait pour vous la candidature de trop s'il décide de se présenter ?

Michèle Ndoki : Ce serait pour moi l'une des candidatures de trop. Il y a longtemps qu'en tant que personne, et je pense que je traduis là l'opinion de milliers de Camerounais, je me suis exprimée publiquement sur la nécessité pour le président actuel de la République de renoncer à des fonctions qu'il ne peut manifestement pas exercer. C'est de plus en plus visible au fur et à mesure que les années passent. Ça m'a d'ailleurs valu de devoir à un moment quitter le Cameroun et m'exiler parce que lorsque je me suis exprimée en sortant de prison en fin 2019, en demandant, en appelant le président de la République à démissionner, quelques jours après, le ministre de l'Administration territoriale, Monsieur Atanga Nji m'a fait convoquer pour reprendre avec des méthodes connues d'intimidation. 

Et je continue d'espérer que le président de la République prendra ses responsabilités à un moment ou à un autre et mettra fin à ce qu'on ne peut pas appeler autrement que l'agonie des Camerounais. 

La situation sécuritaire, économique, de santé, éducative est catastrophique. Le chef de l'État en est le premier responsable. Nous sommes dans un État non seulement autoritaire, mais hyper-centralisé. Donc il doit prendre l'entière responsabilité de cette situation. Mais aujourd'hui, il peut faire quelque chose pour nous effectivement et c'est si ce n'est démissionner à tout le moins ne pas se représenter aux prochaines élections.

DW : Est-ce que l'opposition, la société civile n'ont pas aussi une part de responsabilité puisque vous avez du mal à vous entendre, à parler d'une seule voix.

Michèle Ndoki : Effectivement, c'est l'une des raisons pour lesquelles, après réflexion, nous avons opté pour une organisation de la société civile plutôt que pour un parti politique. Le Cameroun n'a pas besoin d'un parti politique supplémentaire et l'observation du fonctionnement de tous les partis politiques, donc le parti au pouvoir n'a pas ce privilège, c'est que les leaders ont tendance à considérer qu'ils sont inamovibles et que la démocratie dont on parle tant à l'extérieur, qu'on appelle de ses vœux quand ce sont d'autres acteurs qui doivent la mettre en œuvre, on ne sait pas la faire vivre à l'intérieur de sa formation politique. Il faut donc que le peuple exerce son pouvoir. Il y a ce moment où il faut que la société civile s'organise, se structure mais surtout prenne sa place dans le débat politique. C'est indispensable.

DW : Et qu'est-ce qui l'empêche justement aujourd'hui de faire ce travail ?

Michèle Ndoki : Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose qui l'empêche. Je crois qu'il y a un temps pour la proposition et la mise en œuvre de ce programme. Un défi que je pourrais citer, c'est le peu d'espace d'expression qui est laissé. Si vous voulez vous déployer concrètement, c'est extrêmement difficile, on interdit les réunions, on bloque les communications, etc. Donc, effectivement, ça, c'est un défi. Mais aujourd'hui, nous, les bâtisseurs de la nation, nous entendons nous appesantir sur les possibilités et les opportunités et cesser de nous apitoyer sur un sort, aussi difficile soit-il.