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Arts

"Partir, c'était une façon de laisser ma vie derrière moi"

Nadir Djennad
8 décembre 2021

L'auteure sénégalaise Diary Sow parle de son roman "Je pars" et de sa disparition volontaire.

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L'étudiante et auteure sénégalaise Diary Sow publie son deuxième roman, "Je pars", aux éditions Robert Laffont. Ce roman relate la tentative d'une jeune femme, Coura, de prendre sa liberté, il est inspiré de l'histoire de son auteure.

En effet, étudiante en classe préparatoire au lycée parisien Louis-le-Grand, Diary Sow avait provoqué la surprise en France et au Sénégal en ne se présentant pas à la reprise des cours, en janvier dernier.

Une enquête ouverte pour "disparition inquiétante" avait finalement été refermée quand la jeune femme était réapparue au Sénégal en février, après plus d'un mois de mystère et de spéculations. Nadir Djennad a pu la rencontrer à Paris. Elle parle de son livre et de sa disparition... dont les raisons restent encore mystérieuses.

Diary Sow est notre invitée de la semaine.

***

DW : Diary Sow bonjour.

Diary Sow : Bonjour.


DW: Merci beaucoup de répondre à nos questions. Vous publiez "Je pars" aux Editions Robert Laffont. Ce livre raconte l'histoire de Coura, d'origine sénégalaise, qui décide de quitter Paris sans prévenir personne, puis revient des semaines plus tard, changée à jamais. Est-ce que Coura, c'est vous un petit peu, d'une certaine façon, Diary Sow ?

Non, Cora, ce n'est pas moi. Elle est complètement indépendante de moi avec son histoire, sa propre vie, sa propre façon de penser. Il est vrai que je me suis inspirée de moi, de ce que j'ai pu vivre, de ce que j'ai pu penser, de mes sentiments et surtout de mon expérience.


DW : Dans le livre, Coura décide de partir pour Amsterdam. Vous dites, pour parler des personnes qui vont s'apercevoir de sa disparition très rapidement, "Ils s'étonneront, chercheront, jugeront, condamneront". Est-ce que vous, Diary Sow, vous estimez qu'on vous a jugée sévèrement après votre éloignement?

Certains m'ont jugée, d'autres non. Et les jugements ont été plus ou moins sévères selon les personnes. C'était dur, c'était dur.


DW : Vous l'avez mal vécu à un moment donné?

Oui, c'était dur, forcément, pour quelqu'un qui avait toujours été en accord avec la société, en harmonie avec ses compatriotes. Recevoir d’un coup des injures, des menaces, des propos très déplacés, ce n'était pas facile à vivre. Mais après, je me suis rendu compte d'une chose : il ne fallait pas le prendre personnellement.

Forcément, des gens se sont identifiés à la situation. Des gens se sont inquiétés et ce n'est pas forcément négatif pour moi.

D'abord parce que ça m'a permis de m'ouvrir à plein de choses, de voir le monde tel qu'il est et surtout, de me réveiller. Ça a vraiment été une sorte de baffe terrible qui m'a réveillée et qui m'a montré que le monde n'est pas tout rose comme je le pensais.

Il y a vraiment des gens qui ne te comprendront pas. Il y a des gens qui vont juger, peut-être sans savoir. C'est tout-à-fait normal et maintenant, je le sais.


DW : Pendant votre éloignement, vous avez certainement suivi l'actualité. Vous saviez qu'ici, à Paris, de nombreux étudiants sénégalais étaient à votre recherche, que le président Macky Sall, lui-même avait donné des instructions pour qu'on vous retrouve. Qu'avez-vous ressenti à ce moment-là?

Vous savez, partir, c'était une façon de laisser ma vie derrière moi. C'est une façon d'aller vers autre chose. Et du coup, j'aurais raté mon départ.

Si je m'étais retournée en arrière, si je m'étais intéressée à ce qui se disait, à ce qui se faisait par rapport à mon départ, j'ai tout fait, en tout cas pour oublier ce que je laissais derrière moi et je me suis concentrée sur moi.


DW : Vous avez été couronnée deux fois meilleure élève du Sénégal, en 2018 et 2019. Est-ce que cette distinction, cette pression de la société, pas seulement la société sénégalaise était trop lourde à porter pour vous?

Non, en vrai, je n'y avais jamais réfléchi. Ça faisait partie de mon histoire que d'avoir été couronnée meilleure élève.


DW : Justement, est ce que la pression n'était pas trop forte pour vous? Vous êtes jeune. Est-ce qu'à un moment, vous vous êtes dit : "C'est trop lourd, je craque" ?

S'il est arrivé que je me sois dit ce genre de choses, ce n'est pas la raison pour laquelle je suis partie et il faut être très, très claire là-dessus.


DW : Quelle est la raison pour laquelle vous êtes partie?

Ce sont mes raisons. Ce sont mes raisons personnelles et je ne vois pas pourquoi je devrais en parler plus tard. Mais pour le moment, ça m'appartient et je tiens à ce que ça m'appartiennent.


DW : Coura est revenue changée à jamais. Vous, quelle expérience avez-vous tiré de votre éloignement?

Avant, j'avais une vision un peu édulcorée des choses. Je lisais, je n'arrêtais pas de voir la vie en rose, de chercher à magnifier et sublimer. Et maintenant, je suis un peu plus réaliste, parce que je me suis assagie.

 J'ai gagné en maturité, comme Coura, et donc j'apprends à prendre les choses telles qu'elles sont et à ne pas chercher à aller les représenter selon un mode ou je ne sais quoi. En tout cas, c'est ce que je faisais avant. Maintenant, je ne le fais plus.

Mon avenir, personne ne le veut plus que moi.

Je n'ai jamais été en contradiction avec moi-même et j'ai toujours été dans cette logique d'avancer et de me battre, de faire ce qu'il faut pour mon bien. Et partir, c'était pour mon bien. C'était pour moi.


DW : Merci beaucoup, Diary Sow, de nous avoir accordé cet entretien.

Je vous en prie, c'était un plaisir.