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PolitiqueAllemagne

Interdiction de la vente de moteurs thermiques en Europe : les raisons du blocage allemand // Semaine contre le racisme : des actions en France

Vu d'Allemagne
23 mars 2023

L'Europe souhaite interdire la vente des voitures neuves à moteurs thermiques dès 2035. Mais l'Allemagne a fait volte-face et bloqué le processus. Vu d'Allemagne revient sur les raisons de ce blocage et les négociations en cours. La partie reportage de ce magazine nous emmène en France, à l'occasion de la semaine contre le racisme.

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Même si les habitudes et mentalités évoluent, l'automobile est toujours sacrée en Allemagne : plus de 48 millions de voiture en circulation au 1er janvier cette année, un record. L'industrie du secteur est l'une des plus importantes du pays : plus de 410 milliards de chiffre d'affaires et près de 800.000 emplois. Mais le secteur est en ébullition en ce moment. 

Qu'est se passe-t-il ?

Face au réchauffement climatique, l'Europe tente de réduire ses émissions polluantes. Pour cela elle veut notamment interdire la vente de voitures neuves à moteurs à combustion : l'essence, le diesel, dès 2035. Un accord sur un texte en ce sens avait été trouvé l'an dernier. Les députés européens ont validé cela officiellement en février cette année. 

Les Etats membres devaient faire de même début mars. Mais, à la suprise générale, le vote a été reporté, parce que Berlin avait annoncé finalement sa volonté de s'abstenir. Il n'y avait plus de majorité. 

"C'est totalement inédit. C'est la première fois qu'un pays revient sur la parole qu'il a donnée et sur sa signature", réagit dans Vu d'Allemagne Pascal Canfin, député européen, président de la Commission de l'environnement du Parlement européen et rapporteur du texte. "C'est le même ministre, la même coalition et la même configuration politique. Si tous les pays européens se mettent à agir de la sorte, il n'y aura plus jamais d'accord européen, parce que cela voudrait dire qu'à aucun moment un accord ne peut être considéré comme stable et définitif", insiste-t-il.

Que veut l'Allemagne ? 

L'Allemagne veut revenir sur le texte et autoriser la vente des voitures à moteurs fonctionnant avec un carburant de synthèse. Il s'agit de carburant produit en divisant de l'eau en carbone et en hydrogène, puis en mélangeant le tout avec du dioxyde de carbone, sans pétrole donc. Cela permettrait de rouler propre, ou de réduire au moins en grande partie les émissions, disent les adeptes de la méthode encore en développement, notamment par le constructeur allemand Porsche. 

Les carburants synthétiques : véritable solution ? 

Des affirmations critiquées par d'autres experts. Ils parlent d'une efficacité énergétique des carburants synthétiques "extrêmement mauvaise", d'une énergie pas si propre et très chère à produire. "Ces carburants ont une efficacité très, très mauvaise", assure Jürgen Resch, directeur de l'association allemande de défense de l'environnement Deutsche Umwelthilfe. "Pour vous citer un chiffre : Porsche fait fièrement référence à sa production au Chili avec une grande éolienne. Le coût du carburant est de 41 euros par litre !", insiste-t-il. "Et avec l'une des plus grandes installations au monde, ils arrivent à produire 350 litres par jour !". 

Publicité de Porsche pour l'essence de synthèse
Porsche a produit les premiers litres d'essence de synthèse au Chili en2022Image : Arnulf Hettrich/IMAGO

Jürgen Resch met en avant le coût élevé de cette énergie, mais insiste aussi : elle doit rester réservée à d'autres secteurs. "Nous en aurons besoin pour les trafics aérien et maritime, difficillement électrifiables pour l'instant.  C'est différent pour les voitures, les Chinois le font déjà. Il est possible de produire des véhicules bon marché et électrique en grande quantité, et ce dès 2023.

Une position partagée par le rapport du texte européen Pascal Canfin. "On parle de technologies qui n'existent pas aujourd'hui. Et le seul constructeur qui s'y intéresse potentiellement, c'est Porsche", insiste le député. "C'est une technologie extrêmement onéreuse et donc seules des voitures très, très haut de gamme, pour ne pas dire des voitures de luxe, pourraient se le payer. Donc on n'est pas du tout sur quelque chose qui concerne le consommateur standard européen"

Pascal Cafin rappelle même que le texte de départ refusé par l'Allemagne prévoit de développer un cadre juridique prochainement pour ce système de carburant de synthèse. 

Pourquoi l'Allemagne bloque ?

L'Allemagne reste accrochée à sa proposition. Les compromis proposés par Bruxelles n'auraient rien donné jusqu'ici. Les patrons des constructeurs de Porsche et BMW se sont même exprimés publiquement, pour soutenir l'opposition allemande au texte de départ, soutenus par le parti FDP en Allemagne, le parti libéral. Un parti qui fait partie de la coalition au pouvoir à Berlin, gère le ministère des Transports et s'était déjà prononcé contre la fin de moteurs thermiques au moment des négociations de coalition pour former un gouvernement. 

Volker Wissing
Le FDP, le parti du ministre fédéral allemand des Transports, Volker Wissing, est opposé à l'interdiction des moteurs thermiques dès 2035Image : Reuhl/Fotostand/IMAGO

Pour éviter une crise politique interne en Allemagne, les autres partis au pouvoir se sont donc alignés sur le FDP aujourd'hui. C'est cela qui a conduit à l'annonce de l'abstention allemande au tout départ, et au report du vote au niveau européen. "Je n'ai pas été surpris. Quel que soit le parti au pouvoir en Allemagne, l'industrie automobile s'impose !", assure le directeur de l'association allemande de défense de l'environnement Deutsche Umwelthilfe. "Le gouvernement allemand, au niveau national comme international, sert de lobby pour son industrie. Et l'industrie automobile a un rôle prépondérant. Et cela quel que soit le parti au pouvoir, on le voit depuis 30 ans !"

Comment évoluent les négociations ?

"Nous sommes en négociation avec l'Europe, cela avance bien, nous cherchons des solutions", glisse-t-on ces jours-ci au ministère des Transports allemand, sans vouloir en dire de trop... Mais en insistant bien : le gouvernement allemand est opposé à l'interdiction. Ainsi la politique interne allemande bloque toute avancée au niveau européen.

Ecouter aussi → L'Allemagne est-elle prête à limiter la vitesse de ses autoroutes ?

"On peut discuter à l'infini sur les E-Fuel, etc... Mais à un moment donné, en politique, on s'engage sur des compromis", s'agace Pascal Canfin. "Il y a là un double compromis : le premier compromis, c'est le contrat de coalition allemand. Et il y a un compromis européen qui est le texte qui a été endossé en premier abord même par l'Allemagne en octobre (2022, ndlr)".

Entre deux réunions, le rapporteur du texte ne cache pas sa colère. "Le FDP nous demande de revenir à la fois sur le contrat de coalition allemande et sur le texte européen agréé en octobre. C'est doublement inacceptable. Donc maintenant, c'est au chancelier Scholz de prendre ses responsabilités et de siffler la fin de la récréation."

Alors que le parti libéral allemand et le ministre des Transports s'accrochent à leur position -le tweet ci-dessous du ministre insiste sur les "solutions pour permettre aux moteurs à combustion de continuer à fonctionner après 2035 en utilisant exclusivement des carburants de synthèse respectueux du climat"-, une coalition des principales associations environnementales allemandes vient de publier une lettre ouverte aux constructeurs allemands, les appelant à renoncer à leur projet de développement des moteurs au carburant de synthèse. "Si l'on autorise maintenant une ouverture pour les moteurs avec du carburant de synthèse, au-delà de 2035, cela signifie que nous prolongeons le moteur à combustion de, je dirais, cinq à sept ans, et que nous ralentissons la protection du climat dans le secteur automobile", insiste Jürgen Resch, signataire de l'appel. 

Les négociations entre l'Europe et l'Allemagne se poursuivent. Difficile de dire où cela mènera... Ce qui est certain, c'est que l'image de l'Allemagne au niveau européen s'est bien abîmée ces dernières semaines. 

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Luttre contre le racisme en France

Deux femmes voilées manifestent à Bordeaux en 2019 avec une pancarte où est inscrit "La France c'est toi et moi"
Pour lutter contre le racisme, le gouvernement français a présenté 80 mesures en janvier dernierImage : Alain Pitton/NurPhoto/picture alliance

Dans la deuxième partie de cette émission, Vu d'Allemagne passe la frontière et est en France à l'occasion de la semaine en cours d'éducation contre le racisme. Une semaine de sensibilisation, de prévention et de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. Des actions ont lieu dans les établissements scolaires, les entreprises ou encore les médias. 

Une semaine qui se déroule alors que le racisme, les préjugés racistes sont loin d’avoir disparu en France. D'après un sondage de février dernier du Conseil représentatif des associations noires de France, 91% des personnes noires disent être victimes de discrimination raciale dans leur vie quotidienne. Des actions sont donc menées dans tout le pays pour tenter de lutter contre cela. Nadir Djennad nous emmène en région parisienne. 

Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Vous retrouvez tous les numéros sur cette page, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes.

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Politique, économie, histoire... Vu d'Allemagne est un podcast hebdomadaire sur l'Allemagne, avec un grand reportage international en seconde partie d'émission.