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PolitiqueFrance

Mort de Jean-Marie Le Pen, les réactions en Afrique

Fréjus Quenum | Sandrine Blanchard | Avec agences | Robert Adé | Mahamadou Kane
7 janvier 2025

Jean-Marie Le Pen est décédé ce mardi à l'âge de 96 ans. Il a été près de 40 ans à la tête du parti Front national, entre-temps renommé Rassemblement national.

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Photo de Jean-Marie Le Pen devant un microphone lors d'un meeting du Rassemblement national en mai 2019
En 2002, Jean-Marie Le Pen réussit l'exploit de se qualifier au second tour de la présidentielle en FranceImage : Pauletto Francois/Avenir Pictures/ABACA/picture alliance

L'annonce de la mort de Jean-Marie Le Pen a été faite ce mardi (07.01.2025) par sa famille. Celui qui est surnommé "le diable de la République" est décédé à l'âge de 96 ans. Il était hospitalisé en région parisienne depuis la mi-novembre 2024 et vivait retiré de la vie publique depuis son éviction de la tête du parti qu’il avait fondé, le Front national (FN), en 2011. 

Avant d’être écarté par sa propre fille, Marine, il a incarné l’extrême-droite sur l’échiquier politique et a polarisé la société française. Marine Le Pen a repris et transformé le FN en Rassemblement national (RN).

Le président actuel du RN, Jordan Bardella, a rendu hommage sur X à Jean-Marie Le Pen en ces termes :  "Engagé sous l'uniforme de l'armée française en Indochine et en Algérie, tribun du peuple à l'Assemblée nationale et au Parlement européen, il a toujours servi la France, défendu son identité et sa souveraineté".

Duel Le Pen-Chirac en 2002

Photo de Jean-Marie Le Pen assis à côté de sa fille Marine Le Pen lors d'un congrès des jeunes du Front national en septembre 2014
En 2018, le Front national a été rebaptisé "Rassemblement national"Image : Valery Hache/AFP/Getty Images

Jean-Marie Le Pen a été finaliste de la présidentielle de 2002 face à Jacques Chirac.

Le juriste malien Mahamadou Dianka se souvient : "C'était une grosse surprise à l'époque, parce que les gens s'attendaient plutôt à un duel entre le PS avec Lionel Jospin, bien entendu, et le le RPR de Jacques Chirac, qui était président sortant pour son deuxième et dernier mandat. Mais à la surprise générale, l'électorat français s'est reporté sur Jean-Marie Le Pen, qui est arrivé second et qui est allé et qui était finaliste face à Jacques Chirac. Je pense qu'à cette époque aussi, il y a eu le fameux front républicain, en France, contre Monsieur Le Pen qui était totalement diabolisé à l'époque. Mais l'eau a coulé sous les ponts de la Seine et aujourd'hui sa fille héritière, avec le parti qu'ils ont reformé aujourd'hui. Ils ont dépassé cette étape de la diabolisation et voter Front National aujourd'hui, qui est d'ailleurs le premier parti de France, est devenu une chose banale dans la politique française."

Cette présence au second tour mobilise alors des millions de personnes qui manifestent en France contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie qu’il incarne. Jean-Marie Le Pen s’est rendu célèbre par ses provocations médiatisées : contre les immigrés, les musulmans, les juifs, contre ses adversaires politiques aussi, ou en contestant l’importance historique des chambres à gaz utilisées par les nazis durant la Seconde guerre mondiale, entre autres déclarations.

Plusieurs fois, ses propos lui ont valu d’être condamné en justice, pour injure publique et contestation de crime contre l’humanité notamment.

Des soutiens en Afrique

Bien qu’il se soit opposé à la décolonisation en Afrique (notamment lors de la guerre d’Algérie), le leader d’extrême-droite avait trouvé des soutiens auprès de certains dirigeants du continent. Des Patriotes ivoiriens, fidèles à Laurent Gbagbo, avaient ainsi pris l’habitude de défiler à Paris aux côtés du FN le 1er Mai, pour célébrer Jeanne d’Arc. 

En 1987, Jean-Marie Le Pen avait projeté un voyage en Afrique. Il s’est rendu à Libreville pour rencontrer le président gabonais d’alors, Oma Bongo Odimba, puis en Côte d’Ivoire où il a été reçu par Félix Houphouët-Boigny que le leader frontiste a proposé comme lauréat du prix Nobel de la paix. En revanche, les protestations contre la venue de Jean-Marie Le Pen à Dakar et Kinshasa l’ont contraint à écourter sa tournée.

"On ne pleurera pas Jean-Marie Le Pen"

Au Sénégal, selon le politologue Mamadou Seck, "Jean-Marie Le Pen a quand même marqué l'histoire politique de la France et par ricochet également celle de l'Afrique. Pour qui connaît un peu les liens qui ont toujours existé entre la France et l'Afrique, surtout l'Afrique francophone. Son vécu est intrinsèque à l'histoire politique de l'Afrique francophone. Pour porter un certain nombre de discours dans les années 70-80, un discours xénophobe, raciste, etc., pour l'assumer, il fallait avoir du bagout.. Ce n'est pas une personne anodine de l'histoire politique française. Le Sénégal n'a pas eu une histoire personnelle directe avec Jean-Marie Le Pen, même si on se rappelle bien évidemment que Marine Le Pen est passée ici au Sénégal. On ne pleurera pas Jean-Marie Le Pen."

Plus tard, Jean-Marie Le Pen est invité en Guinée équatoriale par Teodoro Obiang Nguema. D’anciens membres du Front national deviennent même conseiller de Moïse Tschombe, conseiller de François Tombalbaye (ancien président tchadien) et même ministre de Jean-Bedel Bokassa, en République centrafricaine.

Une extrême-droite toujours plus forte  

Selon Thomas Borrel, de l'association Survie, "Jean-Marie Le Pen incarne l'impunité des crimes coloniaux puisque lui même, en tant que tortionnaire pendant la guerre d'Algérie, n'a jamais été inquiété pour ces crimes là. Et puis, il incarne la transition finalement entre le colonialisme dans sa forme la plus brutale, la plus assumée, à une forme de néo colonialisme qui s'inspire finalement des mêmes idées et avec la même matrice idéologique profondément raciste, puisque Jean-Marie Le Pen, en tant que politicien français, a considérablement ancré dans le débat politique des thèses xénophobes, racistes. Le risque, avec sa disparition, est qu'on se dise que tout cela appartient à un passé révolu et que, aujourd'hui, ces questions là ne se posent plus. Alors que, évidemment, on a des propos de plus en plus ouvertement racistes et xénophobes au sein même du gouvernement. On a des politiques migratoires absolument criminelles et on a une politique africaine qui reste une politique de domination et de conquête".

Photo de Fréjus Quenum, en interview dans le studio de la Deutsche Welle à Kinshasa en RDC (05.12.2024)
Fréjus Quenum Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@frejusquenum
Sandrine Blanchard Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_afrique
Vue aérienne de Dakar depuis un avion
Robert Adé Correspondant au Sénégal pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais