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A Minova, l'hôpital de référence manque de moyens

Paul Lorgerie
28 mai 2024

Alors que les assauts rebelles s'intensifient sur la ville, des cas de traumatisme ne sont pas pris en charge au plus grand hôpital de Minova, faute de moyens.

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Un médecin avec des patients à Minova
Image : ALEXIS HUGUET/AFP

La cité portuaire de Minova est menacée depuis le début du mois de mai par les rebelles du M23. Alors que les combats se poursuivent dans le Masisi, à la lisière du Sud-Kivu, dont Minova représente la porte d'entrée, les blessés affluent dans l'hôpital de référence de la ville.

L'insécurité qui touche les populations civiles n'épargne pas les familles des militaires envoyés au front pour combattre les rebelles. Raphaël et Daniel, deux soldats de l'armée régulière étaient encore sur la ligne de front il y a peu, alors que leurs conjointes, regroupées sous le même toit, se sont fait tirer dessus. A leur surprise, les assaillants sont pourtant des présumés wazalendo, des miliciens supplétifs de l'armée congolaise.

Des femmes de militaires blessées

Photo de personnes déplacées à Minova, majoritairement des mères et des jeunes filles (Archives : Minova, 09.3.2024)
Début février, les rebelles du M23 soutenus par l'armée rwandaise ont pris le contrôle de l'axe routier conduisant vers la ville de Goma dans le Nord-Kivu.Image : ALEXIS HUGUET/AFP

"Cette histoire nous étonne beaucoup !", s'exclame Daniel, la vingtaine, qui n'en revient toujours pas. "Imaginez-vous : vous êtes sur la première ligne de front et quelqu'un vient vous dire que ceux que vous avez laissés dans votre maison viennent d'être attaqués par des personnes supposées être les amis de la République. Ca me dépasse tout simplement", ajoute le militaire.

Sa femme, Grâce, a été touchée par plusieurs balles, tout comme son amie, Esther, étendue sur le lit d'à côté.

"Nous venions de partager le repas du soir quand, soudain, nous avons entendu des bruits à notre porte. Prises de peur, nous sommes allées nous cacher dans la chambre, sous le lit, quand les wazalendo ont commencé à tirer sur la maison en nous ordonnant de sortir si nous étions des civils. C'est dans ces conditions que nous avons perdu une de nos proches, elle aussi femme de militaire, et qu'Esther et moi avons été blessées", témoigne la mjeune dame.

Dans la pièce voisine, un soldat blessé au front se tord de douleurs dans son lit en racontant la violence des combats.

"Quand nous étions sur la ligne de front, l'assaut de l'ennemi a été brusque. J'ai vu les autres combattants en face alors qu'ils étaient a moins de 25 mètres de notre position. L'homme qui m'a blessé a tiré trois balles sur moi et m'a laissé pour mort. Durant la nuit, sous une forte pluie, les collègues sont venus en renfort pour extirper les corps sans vie et les blessés, en repoussant l'ennemi. J'ai repris connaissance quand j'étais sur une moto en direction de cet hôpital des religieuses catholiques, où vous me trouvez", raconte-t-il.

Dr Lavie Kasidika : "Il y a des traumatisés graves qu'on ne sait pas prendre en charge"

L'hôpital de référence débordé

Depuis février, le principal hôpital de Minova a accueilli plus de 300 personnes ayant subi des blessures de ce type et parfois plus graves encore. Mais l'établissement n'a pas les équipements nécessaires pour soigner tous les traumatismes, comme l'explique le docteur Lavie Kasidika, médecin-chef des lieux.

"Il y a des difficultés, surtout en termes de capacité de notre plateau technique. Et puis il y a la sévérité des blessures. Il y a des traumatisés graves qu'on ne sait pas prendre en charge comme les traumatisés crâniens ou thoraciques qui demandent de la chirurgie et des investigations spécialisées", détaille le médecin.

L'hôpital bénéficie d'un appui minime, notamment de la part de l'ONG Médecins sans Frontières.