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La junte du Mali aura du mal à pacifier le nord du pays

21 août 2020

Le journaliste Paul Mben estime que les militaires derrière Assimi Goïta, qui ont renversé le pouvoir IBK, vont peiner à lutter contre les mouvements djihadistes.

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Mali: Des combattants d'Ansar Dine en 2012, à Kidal
Des combattants d'Ansar Dine en 2012, à KidalImage : Getty Images/AFP/R. Hien

Les trois colonels qui se présentent comme la tête du Comité national pour le Salut du Peuple au Mali - les putschistes emmenés par Assimi Goïta qui ont renversé le régime d'Ibrahim Boubacar Keïta - ont promis d'administrer la transition jusqu'aux prochaines élections. Mais ils vont devoir gérer aussi les conflits armés et les relations avec à la fois les mouvements signataires des accords de paix d'Alger... (des représentants de la Plateforme et de la CMA se disent prêts à coopérer avec le nouveau pouvoir qui va se mettre en place)... mais le CNSP va aussi devoir tenter de venir à bout des groupes djihadistes qui sont toujours actifs dans le nord du pays.

Et c'est là que les choses risquent de se compliquer, de l'avis du journaliste Paul Mben, qui suit de près l'évolution des conflitsau Mali.

Il s'en explique au micro de Sandrine Blanchard, écoutez-le en cliquant ici:

'Les Afghans négocient bien avec les talibans, pourquoi pas les Maliens?' - MP3-Stereo

 

Retranscription de l'entretien:


Paul Mben: A leur première intervention, i[les putschistes] ont appelé les groupes armés signataires de la Charte des mouvements de l'Azawad et la Plateforme du 14 Juin de s’unir à eux pour à mener à bien le processus de désarmement et le processus d'Alger. Mais ils n'ont pas parlé des groupes terroristes.

 

DW : Apparemment la Plateforme et la CMA sont prêtes à éventuellement les soutenir. Mais négocier avec des djihadistes, c'est un peu compliqué si on veut aussi travailler avec la Minusma et Barkhane, non ?

En Afghanistan, les Afghans sont en négociation avec les talibans. Donc pourquoi ne pas essayer, au Mali, d’entrer en pourparlers avec des terroristes maliens ? Il y a, quand même : Iyad Ag Ghali, qui dirige le GSIM [Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans)] Amadou Koufa qui dirige la katiba du Macina… c’est des Maliens. La majorité des combattants de l’EIGS [Etats islamique du Grand Sahara] sont aussi des Maliens. Il faudrait négocier avec eux, si c’est possible. C’est très compliqué parce que ces groupes armés terroristes reçoivent leurs ordres d’ailleurs : Al Qaida, le Groupe Etat islamique… c’est-à-dire ce sont des Algériens, des Pakistanais… ce ne sont des gens qui n’ont pas du tout la fibre patriotique. Ils n’ont pas le souci des Maliens…. Ils ont un intérêt pour le Mali, c’est d’en faire un califat…

 

DW :… un intérêt purement territorial ?

Exactement. C’est très compliqué.

 

DW : Mais qu'est ce qu'on pourrait leur proposer, du point de vue des autorités maliennes, quelles qu'elles soient ? A quelqu’un comme Iyad Ag Ghali, qu’est-ce qu’on peut lui proposer ? Jusqu’où peut-on négocier ?

Il faut d'abord que les revendications d’Iyad Ag Ghali concordent avec la constitution du Mali et le développement du Mali. Jusqu'à preuve du contraire, le Mali a toujours été un Etat laïc. Le Mali ne peut pas devenir un Etat islamique du jour au lendemain. Ce n’est pas du tout en accord avec nos principes. C’est le plus gros point de blocage avec Iyad Ag Ghali, déjà : lui, il veut instaurer la charia, ça ne peut pas passer. Et en plus de cela, beaucoup de Maliens savent comme moi que ces groupes armés terroristes vivent de la prise d'otages – surtout dans le passé, quand ça représentait 90% de leurs activités – mais aussi le trafic de drogue.

 

DW : Trafic de drogue, trafic d'armes…

Oui trafic de drogue, trafics d'armes, de munitions…

 

DW : Et une amnistie, ça pourrait marcher ? Comme en Algérie au nom de la réconciliation nationale ?

Oh non, non, c'est très difficile.
 

DW : On n'en est pas à ce stade-là, de toute façon, pour le moment.

Non, non, non, pas du tout.