L'état d'urgence en Égypte
28 janvier 2013Dans un discours à la nation dimanche soir, le chef de l'Etat a convié les représentants des forces politiques, de l'opposition comme de partis le soutenant, à discuter à 18H00 locales, 16H00 TU, au palais présidentiel au Caire. Voici comment le président Mohamed Morsi a annoncé la mise en place de l'état d'urgence:
« Afin d'éviter un bain de sang, pour assurer la sécurité publique contre les vandales et les criminels et pour protéger les citoyens, j'ai décidé d'instaurer l'état d'urgence pour une durée de 30 jours dans les provinces de Port-Saïd, Suez et Ismailiyya. »
Des milliers de personnes assistaient dimanche en début d'après-midi aux funérailles des personnes tuées la veille à Port-Saïd lors d'émeutes déclenchées par la condamnation à mort de 21 supporters du club de foot local.
Les condamnés à la peine capitale avaient déclenché des violences en février 2012, à Port Saïd, à l'issue d'un match de football qui avait vu la défaite du grand club cairote Al-Alhy. Salué par les familles des victimes, le verdict a déclenché la fureur des proches des accusés. Samedi, des habitants de Port-Saïd ont attaqué deux postes de police dans la ville. La prison où sont détenus les condamnés a également été prise d'assaut. Des heurts ont en outre été signalés dans la nuit à Suez, à l'entrée sud du canal, où quatre commissariats ont été attaqués.
Si le bilan officiel fait état de plus de 30 morts samedi, le nombre exact des victimes inhumées dimanche n'est pas encore connu. Lors des funérailles, de nouvelles violences ont éclaté faisant trois morts et plus de 400 blessés.
Port-Saïd est située à l'entrée nord du canal de Suez, mais l'organisme de gestion de cette voie stratégique pour le commerce mondial a indiqué que le trafic n'était « pas affecté ». L'armée a toutefois annoncé le renforcement de la sécurité du canal. Elle a également pris position dans la ville pour protéger les bâtiments publics et les sites sensibles. Au Caire, des accrochages sporadiques opposaient dimanche de petits groupes de jeunes manifestants à des policiers près de la place Tahrir, où les forces de l'ordre répliquaient aux jets de pierres par des gaz lacrymogènes.
Au-delà de ces violences, la tension reste vive dans le pays. L'opposition aux islamistes, regroupée au sein du Front du salut national, réclame une « solution globale » à la crise politique et la formation d'un « gouvernement de salut national ». Elle menace également de boycotter les législatives prévues en principe en mars ou avril.
L'opposition laïque et le pouvoir sont à couteaux tirés depuis novembre 2012, date à laquelle le président Mohamed Morsi s'est doté temporairement de pouvoirs exceptionnels afin d'accélérer le projet de Constitution rédigé par une commission dominée par les islamistes. Les opposants accusent M. Morsi, et les Frères musulmans dont il est issu, de trahir la révolution qui leur a permis d'accéder au pouvoir grâce à une élection présidentielle démocratique. M. Morsi a participé samedi à une réunion du Conseil national de défense, qui a appelé au calme et au dialogue national pour sortir de la crise.
La représentante de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, a exprimé sa « grande inquiétude » après les heurts dans la ville de Port-Saïd. Elle « exhorte les autorités égyptiennes à restaurer le calme et l'ordre et appelle toutes les parties à la retenue, pour le meilleur intérêt du pays en cette période délicate de sa transition démocratique », conclut son communiqué.