A Kinshasa, des jeunes protestent contre certains pays
28 janvier 2025Un appel à manifester avait d’abord été lancé par le ministre de la Justice, Constant Mutamba, pour dénoncer l’agression rwandaise dans l'est de la RDC quelques jours après la prise de Goma. Mais la marche, qui était initialement prévue pour le 27 janvier, a été reportée.
Entre-temps, l’ONG "Urgences panafricanistes", fondée par Kémi Seba, condamné en France pour des déclarations antisémites, a lancé un autre appel à manifester dans le cadre d’une opération baptisée "Opération Lumumba". Celle-ci avait pour ambition de dénoncer tout Etat occidental qui a, depuis 1994, soutenu le Rwanda.
Des pays qui soutiennent ouvertement le Rwanda ?
Pour Urgences panafricanistes, les Etats occidentaux qui soutiennent le Rwanda sont considérés comme hostiles aux intérêts du peuple congolais. Fortifi Lushima, coordinateur national de l’ONG, nous explique les raisons pour lesquelles ils étaient dans la rue ce mardi.
"Aujourd’hui, l’armée rwandaise est un proxy des Etats-Unis et de l’Union européenne et donc, nous autres Congolais, nous avons décidé de mettre fin à cette alliance sur notre sol", assure-t-il au micro de la DW.
"Le but est de faire pression sur toutes les chancelleries occidentales qui sont sur le territoire congolais, parce que si vous avez décidé d’être proches du Rwanda, de soutenir le Rwanda, de fermer les yeux face aux crimes et à l’exploitation effectuée par le Rwanda, cela veut simplement dire que vous n’êtes plus l’ami des Congolais et que vous devez quitter le sol congolais."
La Ligue des jeunes de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti au pouvoir, a elle aussi appelé à la mobilisation pour soutenir les FARDC, l’armée congolaise, et protester contre l’humiliation de la RDC, explique Christian Lumu, vice-président de la Ligue des jeunes UDPS et l’un des initiateurs de la marche.
"Au moment où la partie est de notre pays traverse son moment le plus difficile, il y avait nécessité pour nous, qui sommes citoyens, les civils, d’organiser des marches de soutien pour réarmer le moral de ceux qui sont au front. Mais nous désapprouvons les actes de violence incontrôlés qui sont commis par des jeunes qui sont révoltés, qui sont devenus hystériques face à ce que nous qualifions de silence complice de la communauté internationale", confie Christian Lumu à la DW.
Manifestations anti-occident
Ce n’est toutefois pas la première fois que des jeunes initient des marches anti-occidentales pour dénoncer ce qu’ils qualifient d’inaction de la part de la communauté internationale face au conflit dans l’est de la RDC.
Une manifestation similaire avait été organisée à Goma, dans le Nord-Kivu, en février dernier. Cependant, Stewart Muhindo, qui est militant au sein du mouvement citoyen la Lucha, dénonce les violences qui ont accompagné cette manifestation dans les rues de Kinshasa et notamment les attaques contre les ambassades étrangères. Selon lui, le premier responsable est l’Etat congolais.
"Les violences enregistrées contre différentes ambassades et chancelleries à Kinshasa sont incompréhensibles parce que le devoir de sécuriser les Congolais incombe en premier lieu aux autorités congolaises", affirme-t-il.
"Ces autorités congolaises sont établies à Kinshasa, donc il est incompréhensible qu’une manifestation visant à dénoncer le fait que des Congolais ne soient pas sécurisés cible des chancelleries occidentales en premier, et non les autorités congolaises. Deuxièmement, cela est déplorable parce que les personnes qui se sont livrées aux pillages, vols et incendies ne sont pas venues se battre pour nous qui vivons dans l’insécurité. "
Appel aux sanctions
Les ambassades de Belgique, France, Etats-Unis, Rwanda, Ouganda et Kenya ont été prises pour cible par les manifestants. Pour le politologue Christian Moleka, ceci peut être perçu comme une forme de ras-le-bol vis-à-vis d’une communauté internationale qui se refuse à sanctionner le Rwanda.
"Dans la perception de l’opinion, tous ces pays de l’Est, l’Ouganda, le Rwanda, le Kenya, sont considérés comme des pays anti-RDC qui soutiennent, d’une certaine manière, la balkanisation du Congo. Après, la France est particulièrement épinglée, alors qu’au Conseil de sécurité, elle s’est positionnée du côté du Congo", remarque-t-il.
"Les Etats Unis, un acteur important du changement souhaité dans la sous-région, sont également mis à l’index parce que pour beaucoup de Congolais, les Etats-Unis ont une capacité d’action qui peut faire que la guerre s’arrête, mais, à ce stade, on se limite à des communiqués. "
En fin de journée, la situation semble s’être stabilisée à Kinshasa. Une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies à propos de la situation dans l’est de la RDC est prévue ce 28 janvier à 16h, heure de New York.