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"La proposition que la femme apporte, c'est la non-violence"

Elisabeth Asen
1 mars 2023

Yvonne Muna, de la Convention des femmes pour la paix au Cameroun dénonce l'impunité dans la crise anglophone.

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Dans la crise anglophone au Cameroun, trois ans après les massacres de Ngarbuh, la justice n'a toujours pas été rendue aux victimes. Le 14 février 2020, au moins 21 civils dont 13 enfants et une femme enceinte ont été massacrés à Ngarbuh, une localité dans la région du nord-ouest du Cameroun.

Ce drame est venu s’ajouter à d’autres, comme celui de Kumba ou une dizaine d'enfants ont été tués dans une école, ou encore récemment les attaques de la Cameroon Development Corporation à Tiko, où cinq personnes ont été tuées et plus de 40 autres grièvement blessées par les  séparatistes anglophones.

A la suite de ces massacres, le gouvernement avait mis en place des commissions d'enquêtes pour faire la lumière sur les commanditaires. Mais à ce jour, aucun résultat n'a été publié.

Yvonne Muna, membre de la Convention nationale des femmes pour la paix au Cameroun, réunie tout récemment à Yaoundé, s'interroge sur la volonté du gouvernement de mettre un terme au conflit anglophone.

Ecoutez ou lisez ci-dessous l'entretien avec Yvonne Muna

Les femmes du Cameroun simulent la paix


DW: Yvonne Muna, vous êtes une membre influentr de la Convention nationale des femmes pour la paix au Cameroun. Cela fait plus de cinq ans déjà que la guerre fait des victimes dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du pays. Quel est votre ressenti ?

Yvonne Muna:  c'est une douleur profonde. Je suis toujours très émue quand je pense à cette crise qui, si au départ quand les syndicalistes ont posé leurs problèmes, avait été gérée différemment, on n'aurait pas eu autant de morts.

Prenez par exemple la veille du 11 février, les pauvres employés de la CDC ont été assassinés! Voilà six familles qui perdent subitement leur gagne-pain, des personnes sur lesquelles ces familles comptaient.

Et les questions que nous nous posons sont que, quand les Camerounais s'entretuent, comment est-ce que cela affecte le gouvernement de Yaoundé ? La femme camerounaise a toujours prêché la non-violence, la négociation. La proposition que la femme apporte c'est le dialogue sincère pour résoudre cette crise qui a déjà trop durée. Les enfants qui ne vont pas à l'école, quel est leur avenir ?Imaginez cinq ans dans la vie d'une personne, c'est énorme.

DW : On s'est souvenu des massacres de Ngarbuh le 14 février dernier où plus de 20 civils ont été tués. Comment comprendre que trois ans après, on n'a toujours pas les résultats de l'enquête ouverte par le gouvernement ?

Yvonne Muna :  Je me demande si cette enquête est même sincère! Est-ce qu'on veut vraiment traduire ceux qui ont posé ces actes en justice ? Et ce n'est pas seulement cela.

Il y a eu beaucoup de massacres! Prenons l'exemple de la déshumanisation de Florence Ayafor, la façon dont elle a été sauvagement abattue. Les vidéos ont circulé, jusqu'aujourd'hui est-ce qu'on est informé de ce qui s'est passé ?

Donc par rapport à la gouvernance dans ce pays, on a toujours créé des commissions d'enquête, des milliers et des milliers mais jamais de résultats concrets. Ceci m'amène à interpeller le gouvernement vers ces vies, les femmes enceintes, les enfants…qui n'est pas affecté ? Est-ce qu'on peut aller jusqu'au bout ? Dire au Camerounais qui a commandité et posé ces actes ?

Fléau des viols et abus sexuels au Cameroun

Nous avons les cris des massacres des enfants de Kumba, les femmes tirées dans le dos avec les bébés qu'elles portaient. Ce n'est pas l'avenir de ce pays qu'on est en train de détruire? Ce n'est pas comme si on ne peut pas retrouver les responsables de ces meurtres mais c'est comme une volonté cachée de ne pas révéler la vérité aux Camerounais. 

Je reste sur ma soif par rapport à la volonté politique à résoudre ces problèmes. On a arrêté tellement de personnes, jusqu'aujourd'hui personne n'est condamné, ni jugé. C'est une justice à double vitesse ou double variante.

DW : Que comptez-vous faire pour forcer le gouvernement à rendre justice aux victimes ?

Yvonne Muna : le processus de la paix se fera étape par étape. Nous avons déjà fait ce que nous avons fait à Yaoundé, nous les femmes de la convention, nous entendons répliquer en commençant par la base.

Quand on aura déjà cette masse critique, on pourra se dire un jour qu'on se lève pour demander au gouvernement des solutions. Ça ne sera pas mon affaire ou celle de la plateforme mais celle des femmes des 58 départements camerounais.

Ce sont nos enfants, nous en avons assez! Parce qu'à chaque fois qu'on tue un enfant, c'est comme une épée qui transperce le cœur. Nous allons continuer à construire la paix. Quand on dit pièce par pièce, c'est parce que chaque Camerounais est un maillon pour cette construction de la paix,  nous allons y arriver. On ne veut pas des solution extérieure, nous-même, nous pouvons l'apporter.

Nous allons partir de la base, jusqu'à affecter les décideurs.