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"Il est important de maintenir le dialogue avec Bangui"

Jean-Fernand Koena
2 mars 2022

Interview avec Jean-Pierre Lacroix, sous-secrétaire général de l'Onu pour les opérations de maintien de la paix.

https://p.dw.com/p/47rFd

DW : Jean-Pierre Lacroix, bonjour! Quelle est la raison des tensions entre la mission de l'ONU et les autorités centrafricaines?

Je crois qu'il peut y avoir ici et là des malentendus ou des incidents. Mais moi, je regarde avant tout ce que nous essayons de faire en termes de soutien aux efforts politiques pour un retour de la stabilité, le soutien aux populations, notre mission.

Les Nations unies ont un dialogue constant avec le président, le Premier ministre, les membres du gouvernement, les autorités civiles et militaires. Effectivement, il peut y avoir des problèmes et nous les soulevons de manière transparente. Mais le plus important, encore une fois, c'est le travail de la mission.

Et j’étais à Bria, dans la préfecture de la Haute-Kotto, rencontrer les populations qui ont exprimé leur reconnaissance du fait qu'elles sont protégées par la Minusca ; elles reçoivent de l'aide humanitaire, notamment les personnes déplacées. Ça nous a réconfortés en même temps. C'est un exemple à transposer à d'autres régions de la Centrafrique, dans la zone de Bria elle-même, la sécurité  a été améliorée. Mais dans le reste de la préfecture, il y a encore des inquiétudes, beaucoup d'insécurité aussi. Des exactions.

 

DW : Votre visite ici à Bangui va-t-elle calmer toutes ces tensions?

Je ne me prête pas un pouvoir aussi important, mais je crois que ce qui est important, c'est d'abord de maintenir le dialogue à tous les niveaux avec les autorités, mais aussi avec la société civile, avec les populations, avec tous les acteurs.

 

DW : Jean-Pierre de la Croix, au Mali, la mission de l'ONU s'est dite inquiète du retrait de la force française Barkhane, qui l'appuie dans ses activités. Pourquoi une telle dépendance et quelles dispositions prenez-vous pour que le retrait français ne soit pas préjudiciable à l'activité de la Minusma?

Il est certain que la Minusma reçoit de la force des forces françaises un certain nombre de contributions ou d'appui lorsque les situations le justifient. Ça peut être des situations d'extrême urgence. Ça peut être aussi des questions d'évacuation médicale. De même d'ailleurs que nous faisons beaucoup d'évacuations médicales au profit des forces armées maliennes. Donc, on parle en fait de services mutuels.

Les Français ont annoncé leur retrait. Nous sommes en train de travailler pour évaluer exactement l'impact sur la Minusma et évaluer exactement les moyens de limiter les conséquences en termes de réorganisation, en termes de nouvelles capacités, etc.

 

DW : Mais c'est quand même une force onusienne. Pourquoi cette dépendance à une mission militaire française?

Je ne parlerais pas de dépendance. Je parlerais de situations précises où nous étions d'accord qu'il y aurait un appui, mais un appui qui pouvait être mutuel.

 

DW : D'ailleurs, vous étiez récemment en République démocratique du Congo pour parler de la mutualisation des forces des pays de la sous-région des Grands Lacs contre les groupes armés. Pensez-vous que c'est vraiment possible?

Alors mutualisation, c'est peut être aller un peu loin, mais que des pays de la région joignent leurs forces pour lutter contre les menaces, notamment les menaces des groupes armés, les menaces transfrontalières comme le terrorisme, notamment les bases arrières des groupes, c'est quelque chose de positif en soi.

Les problèmes de sécurité dans l'est du Congo ont besoin aussi d'une approche régionale. C'était d'ailleurs le sens du sommet du mécanisme de suivi de l'accord d'Addis-Abeba qui s'est tenu il y a quelques jours à Kinshasa. J'avais l'honneur d’y représenter le secrétaire général des Nations unies. Il y a une bonne dynamique politique, une volonté de renforcer cette coordination politique. Effectivement, un travail conjoint qui se matérialise notamment avec la coordination et la coopération entre les forces de la République démocratique du Congo et celles de l'Ouganda, en bonne coordination d'ailleurs avec la Monusco, qui appuie les FARDC.

Donc, tout ça va dans la bonne direction.

Naturellement, il y a encore du travail à faire. Il y a encore des sources d'instabilité, d'insécurité pour la population. Il y a aussi des sources de malentendus entre les différents pays de la région et tout ça requiert donc davantage d'efforts.

 

DW : Parlons de l’Ukraine. Qu'est-ce que l'ONU peut faire aujourd'hui pour maintenir la paix dans cette région envahie par la Russie?

Aujourd'hui, malheureusement, nous sommes dans cette phase de guerre. Au niveau des Nations unies, nous souhaitons qu’au plus vite, les affrontements se terminent, comme l'a dit le secrétaire général, que les troupes rentrent chez elles. Nous avons aussi, au niveau des Nations unies, un engagement à renforcer l'aide humanitaire au profit des populations très affectées, évidemment, par cette situation.