Guillaume Soro : "Ouattara n’a pas respecté sa parole"
29 septembre 2020L'actualité en Côte d'Ivoire reste polarisée par le par le premier tour du scrutin présidentiel du 31 octobre. L'opposition continue de contester la candidature du président sortant, Alassane Ouattara, à un troisième mandat.
C'est aussi le cas de l'ancien premier ministre et ancien président de l'Assemblée nationale, Guillaume Soro. Il soutient l’appel à la désobéissance civile lancé au nom de l’opposition, par l'ex-président ivoirien Henri Konan Bédié, face à la "forfaiture" de la candidature à un troisième mandat du chef de l'Etat Alassane Ouattara.
Au cours d'une interview exclusive qu'il a accordée à la DW, Guillaume Soro, le leader de Générations et Peuples Solidaire (GPS) a abordé plusieurs sujets liés à l’actualité de son pays : le rejet par le Conseil constitutionnel de sa candidature à la présidentielle du 31 octobre, sa condamnation en avril par le tribunal correctionnel d'Abidjan à 20 ans de prison ferme et à payer une amende de 4,5 milliards de FCFA pour "recel de détournement de deniers publics" et "blanchiment de capitaux", ses relations avec l’ex-président Laurent Gbagbo et le président sortant Alassane Ouattara. Sans oublier le projet qu’il nourrit pour la Côte d’Ivoire.
Soro Guillaume à propos de l'appel à la désobéissance civile lancé par l'ancien président Henri Konan Bédié...
DW : Vous avez appelé, il y a quelques jours, les acteurs politiques ivoiriens de l’opposition à l’union et quelques jours après, le président Henri Konan Bédié, qui avait réuni les autres acteurs politiques à Abidjan, a appelé les Ivoiriens à la désobéissance civile. Est-ce que cet appel a réussi un écho favorable en ce moment ?
Soro : Oui, donc le président Henri Konan Bédié a lancé le mot d’ordre de désobéissance civile, l’opposition actuellement est en train d’organiser de façon pratique, méthodique et méticuleusement la réalisation de façon concrète, ce mot d’ordre de désobéissance civile. Parce que, quand on dit mot d’ordre de désobéissance civile, il faut savoir que le contenu du mot d’ordre doit être défini. Ce sera peut-être des villes mortes, ce sera peut-être des manifestations, ce sera peut-être des marches, etc. Donc le comité d'organisation de l'exécution du mot d'ordre Henri Konan Bédié est mis en place. Il est au travail et nous allons bientôt lancer les mots d'ordre qui conviennent.
DW : Oui, le président Alassane Ouattara a tournée à l'intérieur du pays a demandé à ce que l'opposition arrête de faire peur aux Ivoiriens. Qu'est-ce que vous lui répondez?
Soro : Vous savez, Alassane Ouattara devrait être le dernier à tenir de tels propos avec autant d'arrogance. On se souvient tous très bien que son parti, le RDR, a marché à plusieurs reprises. D'ailleurs, le mot d'ordre de désobéissance civile a été hérité de Ouattara. C’est lui qui, en 2010, a lancé le mot d'ordre de désobéissance civile. Donc, notamment dans le droit fil de ce que lui a fait en 2010 étant président de la République.
DW : Et pensez-vous que les Ivoiriens vont accepter de suivre ce mot d'ordre, de respecter, d’observer ce mot d’ordre ?
Soro : Écoutez, le jour où Alassane Ouattara a annoncé qu'il voulait violer la Constitution pour faire un troisième mandat, vous-même, vous êtes journaliste, vous avez constaté que de façon spontanée, rapide, les d’Ivoiriens sont descendus dans les rues.
DW : Il y a eu quinze morts, selon nos informations.
Soro : Il y a eu plus de 30 morts. Donc, ça veut dire que les Ivoiriens, dans leur immense majorité, sont contre le mandat, la violation de la Constitution est le troisième mandat de Ouattara. Donc, Ouattara doit accepter la paix en Côte d'Ivoire en se retirant.
DW : Et si jamais, en dépit des toutes ce protestations de l'opposition, la présidentielle avait lieu sans Guillaume Soro, est-ce que vous allez appeler à soutenir un des candidats en lice ?
Soro : Vous savez très bien que l'élection ne peut pas avoir lieu en Côte d’ Ivoire. Donc, l'élection n'aura pas lieu en Côte d'Ivoire. Monsieur Ouattara ne sera pas le prochain président de la République de Côte d'Ivoire. Nous demandons que cette élection n'ait pas lieu et qu’il y ait une mise à plat que les hommes politiques se retrouvent pour definir et défiler dans le cadre idéal d'une élection démocratique, transparente et inclusive pour permettre la paix durable dans notre pays.
Condamnation à 20 ans de prison pour "recel de détournement de deniers publics"...
DW : Le Tribunal correctionnel d'Abidjan vous avez condamné en avril dernier à vingt ans de prison. D'où le rejet de votre candidature ?
Soro : Evidemment, ne trouvez-vous pas, vous-même, curieux que dans une affaire, dit-on de recel, d'un bien de l'Etat, il y a une parodie de procès ? Et que j’ai été la seule personne qui a été jugée pour ce fait, alors que, dans un dossier de recel, il y a forcément ceux qui ont blanchi les capitaux et celui qui est le receleur. Donc, je suis le seul à avoir été jugé. Aujourd'hui, on peut comprendre que la raison de la précipitation d'un tel procès sans mes avocats, sans me convoquer moi-même, au tribunal n’avait d’autre objectif que de m'écarter de l'élection présidentielle.
DW : Mais est-ce que vous reconnaissez, les faits qui vous sont reprochés ? Est-ce que vous les reconnaissez, les faits?
Soro : Non seulement personnellement, je ne reconnais pas les faits de recel, mais mieux, la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples ne reconnaît pas les faits. La Cour africaine, si vous voulez, m’a rétabli et réhabilité de ma dignité et de ma probité.
DW : La Cour africaine des droits de l'homme a estimé que vous devez être candidat. Mais la Cour constitutionnelle de votre pays n'a pas obtempéré. Quelles sont les autres moyens de recours, les moyens de droit à votre disposition maintenant ?
Soro : Ecoutez, quand vous avez des juges corrompus, comme ils le sont en Côte d'Ivoire, quand c’est le ministre de la justice, qui décide des verdicts à appliquer, on a une situation comme cela. Mais quand vous avez des juges et des magistrats libres et intègres comme à la Cour africaine des droits de l'homme et de peuple, vous voyez le verdict qui a été obtenu. Donc, je répète, je suis éligible à la présidentielle en Côte d'Ivoire. J'ai le droit avec moi et ma force c’est le droit. Vous me demandez, quels sont les moyens de coercition sur l'Etat de Côte d'Ivoire ? Evidemment, quand Alassane Ouattara décide d’être rebelle à la loi, d’être rebelle aux décisions de justice, évidemment, c’est la détermination du peuple de Côte d’Ivoire me remettra sur mon chemin.
Guillaume Soro et son implication dans la rébellion armée de 2002...
Soro : Monsieur Alassane Ouattara sait beaucoup de choses sur la rébellion.
DW : Il en est l'un des parrains alors ?
Soro : Je dis simplement que Monsieur Ouattara sait ce que ça la rébellion ivoirienne et Monsieur Ouattara en a été le plus grand bénéficiaire. La preuve est l'accès au pouvoir, sans cette rébellion Alassane n’aurait même pas pu être député en Côte d'Ivoire.
DW : Guillaume Soro, vous avez donc dirigé la rébellion des Forces nouvelles jusqu'en 2010-2011. Il y a eu beaucoup de victimes pendant la crise postélectorale qui a précédé la chute de Laurent Gbagbo et beaucoup de vos compatriotes estiment que vous en êtes le premier responsable. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
Soro : Il y a eu une crise postélectorale en 2010 qui effectivement a occasionné de nombreux morts. Tous les acteurs politiques ivoiriens ont une responsabilité de ce qui s’est passé dans notre pays.
DW : Il y a également eu beaucoup de morts en 2002, précisément le 19 septembre 2002, après le coup d'Etat manqué contre Laurent Gbagbo, et il y a eu beaucoup de victimes. On estime que ce sont les rebelles que vous dirigez qui sont également à l'origine de ces morts.
Soro : Avant 2002, il y a eu le coup d'Etat de 1999. Avant le coup d'Etat de 1999, il y a eu le boycott actif de 1995. Avant le boycott actif de 1995, il y a eu la sécession à 1970. Pourquoi vous choisissez de vous focaliser sur 2002 ? Cela fait partie de l'histoire d'un pays.
DW : 18 ans après le coup d'Etat du 19 septembre 2002, on ne sait toujours pas qui était derrière ce coup d'Etat et qui a financé la rébellion dont vous étiez le chef Guillaume Soro.
Soro : Ecoutez, la rébellion s’est autofinancée. Donc, on n’est pas ici au procès de la rébellion du 9 septembre 2002. J'aurais aimé que vous ne soyez pas simplement entendez sur le passé. Ceux qui vont voter demain, c’était en 18 ans, ils n’étaient même pas nés quand le 19 septembre 2002 a eu lieu. Ce n’est pas ça, le problème.