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Trump choisit un lieu tragique pour repartir en campagne

Marco Wolter | Avec agences
19 juin 2020

Le président américain va participer le 20 juin à un grand meeting à Tulsa, une ville marquée par le pire massacre racial de l'histoire des Etats-Unis.

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Le président américain entretient l'ambiguïté lors de ses prises de position sur le racisme aux Etats-Unis
Le président américain entretient l'ambiguïté lors de ses prises de position sur le racisme aux Etats-UnisImage : Getty Images/AFP/N. Kamm

30 mai 1921 : ce jour-là, une simple altercation va provoquer à Tulsa, dans le sud des Etats-Unis, le pire massacre racial de l'histoire du pays. Pour se rendre aux toilettes réservées aux noirs, Dick Rowland, un jeune afro-américain cireur de chaussures, entre dans un ascenseur. Il marche alors involontairement sur le pied d'une jeune femme blanche, qui pousse un cri.

Malgré la banalité de l'incident, l'homme finit par se retrouver arrêté et accusé d'agression.

A cette époque, les tensions raciales sont déjà vives depuis que des gisements de pétrole ont été découverts à Tulsa, attirant des entrepreneurs afro-américains fortunés, au point de donner à Greenwood, qui est l'un des quartiers aisés de la ville, le surnom de "Black Wall Street of America".

Appels au lynchage

La concurrence économique devient encore plus importante avec le retour des vétérans américains de la Première guerre mondiale et attise un sentiment anti-noir. Dans le même temps, le Ku Klux Klan ouvre une antenne dans la ville.

L'arrestation de Dick Rowland provoque ainsi des menaces de mort et des appels au lynchage, fréquents à cette époque, circulent dans la ville.

Alors que la communauté noire s'organise pour protéger le jeune homme en organisant des patrouilles autour du Palais de justice, des habitants blancs se munissent d'armes à leur tour.

Un premier coup de feu retentit alors que les deux groupes se font face. Au cours de la nuit du 31 mai au 1er juin, les affrontements entre blancs et noirs sont nombreux et des habitants afro-américains finissent par se retrancher dans le quartier de Greenwood. Mais celui-ci est incendié et rasé par la foule blanche en colère.

Des décennies de déni

Jusqu'en 2001, le bilan officiel de ces émeutes sera de 45 morts, dont 36 noirs. Il faudra attendre 2001 et les excuses officielles de l'Etat de l'Oklahoma, pour qu'une commission d'enquête constate la réalité de ce bain de sang.

Selon cette commission, le massacre de Tulsa aurait fait entre 100 et 300 victimes, en majorité des noirs.

"En tant que ville, nous peinons à parler de cette histoire. Ce n’est que l’an dernier que l’Etat d’Oklahoma a décidé de rendre obligatoire l’enseignement de cet événement dans les écoles", explique Michelle Brown, responsables des programmes éducatifs au centre culturel de Greenwood.

Après des années de refus de la ville, le nouveau maire de Tulsa a aussi accepté de financer des fouilles à la recherche de fosses communes où pourraient encore se trouver des victimes de 1921.

Enfin, la municipalité vient d’embaucher en février son premier chef de la police noir de son histoire.

Donald Trump fait marche arrière

C'est donc à Tulsa que Donald Trump a décidé de relancer sa campagne électorale, interrompue par la pandémie de coronavirus. L'annonce du lieu avait été faite au lendemain des manifestations anti-racisme et contre les violences policières suite à la mort de George Floyd.

"Une grande majorité des gens, sinon tous, ont ressenti la venue de Donald Trump comme une gifle en pleine figure et un manque de respect", assure à l’AFP le révérend Mareo Johnson, leader du mouvement Black Lives Matter à Tulsa.

De plus, le meeting devait d'abord se tenir ce vendredi 19 juin, appelé "Juneteenth", qui est le jour de commémoration de la fin de l'esclavage aux Etats-Unis.

Sous la pression des réactions outragées, fait rare, Donald Trump a fini par revoir sa décision et a consenti à décaler son meeting d'un jour, jusqu’au samedi 20 juin “par respect pour la date” du 19 juin.

La campagne reprend son droit

Si le contexte historique et les tensions raciales actuelles auraient pu pousser le président américain à ne pas porter son choix sur Tulsa, c'est aussi l'idée même d'une reprise des meetings de campagne en pleine crise sanitaire qui est controversée. Selon l'Université Johns Hopkins, le nombre de contaminés aux Etats-Unis approche les 2,2 millions et le nombre de morts liées à la Covid-19 dépasse les 118.000.

A Tulsa, le nombre d'infections quotidiennes est actuellement à son plus haut niveau depuis le début de la pandémie.

Néanmoins, quelque 19.000 personnes sont attendues dans un stade fermé pour applaudir Donald Trump. Les détenteurs de billets ont dû déclarer formellement qu'ils ne poursuivraient pas le président s'ils venaient à tomber malade lors de l'événement.

De son côté, le responsable du département Santé de Tulsa a mis en garde contre des contaminations en chaîne lors de l'événement.

La leader démocrate Nancy Pelosi a qualifié ce meeting de "flatterie d'égo" mettant en danger ses participants.

Dans le camp du président, on rétorque en dénonçant un deux poids deux mesures et le silence des démocrates quand des foules compactes se sont mobilisées pour manifester à l'appel du mouvement Black Lives Matter.

Symbolbild I Journalismus
Marco Wolter Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_francais