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Abou Bamba (Cop15) : "Le statu quo n'est pas une option"

11 mai 2022

Entretien avec Abou Bamba, président du Comité d’organisation de la Cop15 qui se tient à Abidjan sur la désertification.

https://p.dw.com/p/4B760

196 Etats sont réunis à Abidjan pour la COP15 des Nations unies sur la désertification.

Les négociateurs ont jusqu’au 20 mai pour s’accorder sur des mesures pour lutter contre la désertification au moment où une dure sécheresse sévit sur le continent africain. C'est pourquoi ce rendez-vous est crucial, de l'avis d'Abou Bamba, le président du Comité d’organisation de la conférence. Notre envoyé spécial à la Cop15, Kossivi Tiassou, l'a rencontré. Ecoutez ou lisez leur entretien : 

 

Monsieur Bamba, bonjour!

Bonjour Monsieur.

C'est la première fois que la Cop sur la désertification et la sécheresse se tient en Afrique. Qu'est-ce qui fait la particularité de cette rencontre d'Abidjan?

La particularité de cette rencontre d'Abidjan tient en plusieurs faits. Le premier fait est que cela se tienne en Afrique, c'est important et c'est particulier. L'autre élément qui fait la particularité de cette manifestation, c'est qu'elle est articulée autour de plusieurs autres événements. Nous avons eu lundi un sommet des chefs d'Etat. C'est le premier sommet des chefs d'Etat tenu en marge d'une Cop, et ça, c'est particulier.

C'est quand même surprenant que les chefs d'Etat aussi constatent le statu quo. Eux qui sont censés agir...

Contrairement aux pays du Sud où ce sont les organisations de la société civile qui font bouger les choses, au niveau des pays africains comme au Levant, le changement vient par le haut. Nous nous réjouissons que les chefs d'Etat aient fait le même constat que le statu quo dans lequel nous sommes aujourd'hui n'était pas une option, n'était pas la solution et que nous sommes dans la précarité et que donc il faut agir.

Et pourquoi ils n'agissent pas?

Ils ont décidé seulement hier d'agir. Maintenant, la question est : comment est-ce qu'ils vont agir? C'est à travers des programmes et des projets. Tout le monde a décidé que les ressources domestiques du gouvernement devaient être en priorité orientées vers la préservation et la gestion durable des sols, afin de produire davantage ce que l'on va manger.

Parce que la crise en Ukraine va nous frapper ici en Afrique, dans 18 mois ou 20 mois à peu près. Tout le monde en est conscient, parce que ce n'est pas que ça fait plaisir à qui que ce soit de restaurer les terres de faire qu'elles soient productives à nouveau. Mais en tant qu'homme politique, personne n'est à l'aise avec l'instabilité et la dégradation des sols.

La sécheresse et la désertification sont une menace pour la paix, sont une menace pour la démocratie. D'autant plus que ça entraîne des troubles sociaux, d'autant que cela entraîne des mécontentements au niveau des populations. Donc, hier, tout le monde a pris conscience du fait qu'il s'agissait d'un problème extrêmement important, en tout cas pour les pays africains. Plus important même que les questions de climat et qu'il fallait agir immédiatement si on ne voulait pas avoir de problèmes par la suite. Parce que les tendances nous montrent qu'on s'achemine discrètement mais directement vers la catastrophe.

Vers la catastrophe. On l'a noté aussi dans le message vidéo du président français Emmanuel Macron, qui a partagé lui aussi ses inquiétudes d'une crise alimentaire dans douze à 18 mois. D'autres chefs d'Etat aussi l'ont évoquée, notamment le président ivoirien Alassane Ouattara. Est-ce que ce n'est pas trop alarmiste?

Non, non, non. Le constat fait par le président Macron n'est pas alarmiste du tout. C'est une réalité qui s'en vient. On le constate déjà sur les marchés que les prix ont augmenté. Même les prix de certains produits qui sont cultivés sur place, mais ça va encore augmenter. Tant que le conflit durera en Europe de l'Est, nous allons voir des impacts.

C'est aussi le prix de l'inaction des gouvernements africains.

Or, je ne sais pas si on peut le dire comme ça. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut reconnaître que les pays africains et les gouvernements africains ont décidé d'agir plutôt que, comme c'est le cas dans beaucoup de pays en ce moment, de subventionner le prix des denrées alimentaires.

Mais ça, ce n'est pas viable, ce n'est pas durable. Il faut produire davantage, soit au niveau national soit au niveau régional ou sous-régional, au moins 85 % de ce que nous mangeons dépend de l'extérieur pour ces produits agricoles. Parce qu'au moins il n'y a pas le prix des transports, il n'y a pas le prix du frêt maritime, il n'y a pas le prix des droits des douanes et taxes, etc.

Donc on peut arriver à un niveau de prix acceptable concernant les denrées alimentaires, que ce soit le maïs, le manioc, l'igname, ce qu'on mange réellement effectivement dans nos pays, ici. Cela doit être à la portée de la majorité des Africains, c'est ce qu'on veut.

L'un des fléaux qui gangrène les terres en Côte d'Ivoire, c'est aussi l'orpaillage. Que faire contre cela?

On a plus de 456 sites d'orpaillage en Côte d'Ivoire. Effectivement, c'est un fléau, vous l'avez mentionné. On dit même que c'est un cancer qui s'est métastasé sur tout le territoire parce qu'on les retrouve effectivement partout.

La Côte d'Ivoire est un pays membre de la Cédéao où les ressortissants des pays de la Cédéao sont libres de partir et de venir. Cependant, ils ne sont pas libres de faire ces activités d'orpaillage clandestin qui sont punies par la loi, en Côte d'Ivoire et dans les autres pays aussi. Donc, les autorités ont pris des mesures pour démanteler et ramener  nos frères à la raison. Mais ce qu'il faut reconnaître aussi, c'est que l'orpaillage a détruit effectivement 5% des sols en Côte d'Ivoire. Et puis tous les jours, ça s'en va crescendo.

On ne peut pas continuer de cette façon à ça, c'est évident. Et comme je disais tantôt le gouvernement, le chef de l'État, ont pris des mesures dans ce sens. Parce que l'orpaillage détruit la terre, l'orpaillage pollue la terre, l'orpaillage détruit la forêt, l'orpaillage pollue les cours d'eau à cause des mines, du mercure. Enfin, c'est un produit toxique donc on ne peut pas laisser perdurer un tel phénomène qui, en plus d'être une catastrophe environnementale, est aussi une catastrophe sociale.

Merci Monsieur Bamba.

Merci à vous.