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Déchets radioactifs : SOS des populations d'Arlit au Niger

21 avril 2023

Des millions de tonnes de déchets radioactifs ont été accumulés pendant plus de quarante ans par la Cominak, la mine d’uranium d’Akouta, près d’Arlit.

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Au Niger, la société civile s’alarme contre les conséquences de l’accumulation des déchets radioactifs dans la zone d’Arlit, dans le nord du pays. Les acteurs de la société civile redoutent des risques pour la santé des populations environnantes, un risque par exemple de voir l’eau consommée polluée. 

Rhamar Ilatoufegh, défenseur des droits humains et de protection de l’environnement et membre de la coordination de la société civile d’Arlit alerte sur les risques que cela représente pour les populations et dénonce l’absence de l’Etat nigérien dans la protection des populations. Entretien... 

 

Rhamar Ilatoufegh : Ces déchets-là, c'est la roche qui contenait de l'uranium. Une fois que cela est rejeté et lorsqu'elle est rejetée, elle est rejetée avec 80 % de la radioactivité. Elle représente, à peu près pour la mine de Cominak, à peu près 20 millions de tonnes.

 

DW : La mine de Cominak qui a fermé il y a quelques temps déjà. Mais ces déchets radioactifs sont et à combien de kilomètres des populations ?

Rhamar Ilatoufegh : Ces déchets-là se trouvent à sept kilomètres de la ville. Certains déchets sont même sur les puits qui alimentent la ville d'Arlit. Et ils ont cette faculté de laisser infiltrer les résidus miniers jusqu'à la nappe souterraine.

 

Donc un impact alors sur l'eau consommée par les populations ?

Probablement oui. En tout cas, il y a ce risque-là. Bien que l'exploitant évite de dire que ça risque de contaminer la nappe. C'est évident que la nappe va être contaminée, d'abord par ces déchets radioactifs, ensuite par la mine elle-même qui a été fermée. Parce que la mine elle-même qui a été fermée, est une mine d'uranium. Elle fait à peu près, en galeries, à peu près 640 kilomètres à l'intérieur et bientôt ses 640 kilomètres seront remplis d'eau. Et cette eau-la vient des nappes souterraines qui sont dans les environs. Donc, ça veut dire qu'il y a un risque évident de contamination des eaux dans la zone.

 

Vous parlez de risque, ça veut dire que pour l'instant le constat n'est pas encore fait ?

Le constat n'est encore pas fait. Mais je dis que ce sont des risques évidents. Et donc lorsque les risques sont évidents, comme ça, il n'y a aucune solution pour éviter ça.

 

Quel impact justement ces déchets-là pourraient avoir sur la population environnante, en dehors de l'eau qui pourrait être polluée ?

Ces déchets-là, ils ont la faculté de contenir 80 % de la radioactivité. Ce sont des radons. Les radons sont un gaz radioactif qui se dégage permanemment de ces 20 millions de tonnes-là. Et ils s'éparpillent l'air. Ce qui fait que, selon la position des vents, certaines populations, qu'elles soient du nord, du sud, de l'ouest ou de l'est sontau contact de la radioactivité ; ce qui risque de porter préjudice à leur santé.

 

Donc pour l'instant, des populations n'ont pas encore fait cas de maladies, par exemple respiratoires qui seraient liées à cela ?En avez-vous des échos ?

Bien avant, pendant l'exploitation, nous, avons fait état de maladies respiratoires, de maladies suspectes liées aux rayonnements ionisants, dues à ces radons-là. Donc, nous avons fait savoir cela depuis longtemps ; ce sont des maladies pulmonaires et c'est très fréquent à Arlit. C'est très fréquent.

 

A propos de doses de radiations, l'entreprise Orano qui sous-traite via la Cominak parle de doses de radiations qui sont inférieures.

Orano a sa filiale Algade qui fait les analyses, c'est à peu près une filiale de Orano. C'est le seul résultat qui existe. Donc, ils font ce qu'ils veulent, ils manipulent les résultats au sens ils veulent, il font ce qu'ils veulent, donc aucun contrôle. Même l'Etat n'a pas la capacité de contrôler les résultats qui lui sont donnés par les sociétés minières. C'est ça le problème. Il n'y a pas de contre expertise, ni indépendante, ni de l'Etat.

 

J'allais justement vous demander que fait l'Etat.

Justement, je vous dis quel'Etat n'a aucun moyen, il n'a pas le moyens. Il n'a pas la volonté politique de contrôler Orano parce peut-être, Orano est un peu plus fort que l'Etat. Donc, le ministère des Mines a approuvé ce que Orano lui a proposé sans aucune expertise. Aucune expertise n'a été faite par le Niger, tout a été fait par Orano et ils ont approuvé ça tel quel.

 

Est-ce que l'Etat est conscient de ce risque-là pour les populations ? Est-ce que vous sentez que l'Etat prend à cœur la protection des populations environnantes ?

Non, pas du tout. L'Etat ne s'en occupe pas, il ne met même pas les moyens de s'en occuper. Il n'a pas envie de s'en occuper.

 

Mais le site a fermé, on l'a dit il y a quelques minutes. Mais comment expliquer que ces déchets-là n'ont pas été détruits ? On parle d'un réaménagement qui doit durer dix ans. comment vous expliquez que ça n'a pas été détruit, ces déchets-là ?

Je vous explique, ces déchets-là, il n'y a aucune méthode, aucune méthode scientifique qui a prouvé qu'on peut détruire ces déchets-là. La vie contenue dans ces déchets, elle est de milliards d'années et il n'existe aucune méthode scientifique pour les détruire. Ils n'ont même pas cherché. Ils ont utilisé des méthodes superficielles, ils vont les couvrir de terre et voilà, c'est tout, pour que la radioactivité ne s'échappe pas. Mais quand ils sont couverts de terre, avec le soleil, avec les vents, avec les changements climatiques, ça ne tiendra pas le long des années. C'est parce que la radioactivité qu'il y a dedans, c'est des milliards d'années. Vous voyez donc le problème.

 

Pourtant la société Cominak dit qu'elle va livrer à la fin du réaménagement de dix ans un site non polluant. Vous n'y croyez pas ?

Je fais partie des gens qui vont en contrôle suivi-évaluation. Cominak va tout vous dire en bien. Mais venez voir vous-même, venez écouter les gens, venez écouter ceux qui savent quelque chose là-dedans, ils vous diront que Cominak ne dit pas la vérité.