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Burkina Faso : des avocats disent non aux enrôlements forcés

Charles Bako
9 novembre 2023

Suite à la décision des autorités d'enrôler de force certains acteurs de la vie publique, un collectif d'avocats a décidé de déposer un recours en justice.

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Des soldats de la junte
Le collectif d'avocats avance que le pays, aux mains des militaires, est "une dictature en marche"Image : Kilaye Bationo/AP Photo/picture alliance

Dans un communiqué, le collectif des avocats a relevé des illégalités relatives à l'enrôlement d’une dizaine de personnes, dont des journalistes, des politiques et des responsables de la société civile.

Ce collectif a rappelé les dispositions du code de justice militaire qui punit d’un à dix ans d’emprisonnement  "tout militaire qui exerce une réquisition sans avoir la qualité pour le faire".

Ils sont au total une dizaine de personnes, politiques, journalistes d’investigation, pharmaciens et enseignants-chercheurs à avoir subi cette mobilisation forcée.

Les personnes concernées seront envoyées dans les zones de combat pour aider à lutter contre les djihadistes qui sévissent dans plusieurs régions du pays.

Des personnalitées publiques ciblées par la junte

Parmi ces personnes réquisitionnées, il y a le journaliste d’investigation Ladji Bama (qui a selon nos informations a  refusé de se soumettre à la réquisition), l’homme politique et ancien diplomate Ablassé Ouédraogo, le pharmacien Daouda Diallo (le fondateur et secrétaire général du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés).

Sans oublier Gabin Korbéogo, enseignant-chercheur, ou encore Rasmané Zinaba du mouvement Balai citoyen.

Soldats de l'armée burkinabè
Les personnalités forcées à rejoindre l'armée vont se retrouver dans les zones les plus dangereusesImage : AFP

Comme Ladji Bama, Daouda Diallo s’oppose lui à cet enrôlement forcé.

"Sans surprise, c’est dans la nuit du samedi au dimanche 5 novembre que j’ai appris que je faisais partie d’une liste de personnes réquisitionnées pour le front militaire", a-t-il raconté au micro de la DW.

"Pour ma part, très clairement et sans détour, je marque une ferme opposition à cette façon de faire et à cette perversion du décret portant mise en garde et de mobilisation générale parce que ce décret est désormais dévoyé et perverti de tout son contenu et il est devenu une mesure punitive, voire criminelle, contre des soutiens sincères et honnêtes qui apportent une critique constructive pour une meilleure marche de la nation."

"Une dictature en marche" au Burkina Faso ? 

Les syndicats, organisations de la société civile et leaders d’opinion considèrent de plus en plus ces réquisitions comme une  "dictature en marche" pour imposer une pensée unique au Burkina Faso.

Tous s’inquiètent et estiment que le pouvoir militaire bâillonne le peuple en abusant de son pouvoir. C’est pourquoi, ils réclament l’annulation des réquisitions et la garantie du respect des libertés individuelles et collectives pour tous les citoyens.

Les explications de Charles Bako

Selon Kader Ouattara, secrétaire général du Syndicat national des artistes musiciens du Burkina Faso, "il y a un problème quand dans un pays on dit aux gens : ne contestez plus, ne parlez plus, ne manifestez plus".

"Tous ceux qui veulent parler doivent faire les éloges du chef de l’Etat. Tous ceux qui veulent parler, ils n’ont qu’à dire vive le président. Non... Pour tout ce qui concerne les libertés individuelles et collectives, les gens se sont battus et c’est avec de la sueur et du sang que notre peuple a chèrement acquis des espaces de liberté. Ce n’est pas pour que l’on vienne remettre en cause aujourd’hui ces libertés. Non, ce n’est pas possible", assure-t-il à la DW. 

Issiaka Lingani, journaliste, lui aussi réquisitionné, regrette cette situation.

"Ce qui est vraiment regrettable, c’est que les autorités considèrent que sanctionner les gens, c’est les envoyer au front. Ça c’est vraiment rabaisser le sens noble de la guerre. Se battre aujourd’hui pour son pays ne doit pas être une sanction, mais être volontaire", affirme-t-il.