1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Briser un tabou ? Grossesse et expulsion en Allemagne

23 novembre 2018

Les femmes enceintes peuvent-elles être expulsées d'Allemagne ? Oui, dans de nombreuses circonstances, même si le cas d'une Iranienne en Allemagne a remis le débat sur la table.

https://p.dw.com/p/38lvq
Symbolbild: Leihmutterschaft
Image : picture-alliance/dpa/F. Heyder

Au beau milieu d'une nuit d'octobre 2018, une Iranienne diabétique enceinte s'est retrouvée à la gare de Hanovre, dans le centre de l'Allemagne, avec 100 euros en poche, vêtue uniquement d'une paire de pantoufles, d'un survêtement et d'une veste légère. C'est l'histoire d'une expulsion ratée.

En vertu de l'accord de Dublin, la femme ainsi que son fils de 18 mois et son mari devaient être renvoyés en Croatie où ils avaient d'abord demandé l'asile après avoir fui l'Iran.

Selon les rapports, ils sont arrivés en Allemagne en mai 2018 et, en juillet, leur demande d'asile en Allemagne a été rejetée. Les autorités de l'immigration ont d'abord essayé de renvoyer la famille en Croatie en septembre, mais la famille a protesté. Après cette tentative, l'homme a été emmené dans un centrre de rétention à Ingelheim. Plus tôt au mois d’octobre, la femme s'était présentée à la clinique universitaire de Mayence avec un diabète gestationnel qui est apparu lors du premier trimestre de sa grossesse.

Selon une lettre ouverte datée du 2 novembre écrite par le Conseil des réfugiés de Rhénanie-Palatinat et signée par une douzaine d'organisations qui travaillent sur les femmes et la politique migratoire dans la région, la femme s'était présentée à la clinique pour y recevoir de l'insuline et on l’avait gardée à la clinique. Le lendemain, une dizaine de policiers sont arrivés dans sa chambre au milieu de la nuit pour l’emmener avec son fils en ambulance à l'aéroport de Hanovre pour les expulser comme prévu.

Abschiebung von Flüchtlingen
Un avion pour expulser des réfugiés et des migrants à MunichImage : picture-alliance/dpa/M.Balk

Protestations

Selon des témoins, la famille aurait protesté jusqu'à ce que le pilote refuse qu’ils montent dans l’avion. A ce moment-là, les autorités ont ramené l'homme à l'unité d'expulsion et ont donné 100 euros à la femme pour qu'elle puisse prendre le train pour rentrer à Mayence. C'est ainsi qu'elle s'est retrouvée à la gare de Hanovre au beau milieu de la nuit en pantoufles.

"Le diabète met une grossesse en danger ", explique le Conseil pour les réfugiés dans sa lettre. "Cela aurait dû la protéger de l’expulsion. C'est la tâche des politiciens et de la profession médicale de s'assurer qu'une femme ait la chance d'avoir une grossesse saine et qui se déroule sans problèmes."

Les autorités affirment qu'elles se sont renseignées auprès de la clinique et que les médecins leur ont donné l'autorisation de procéder à l’expulsion. La clinique elle-même, dans un communiqué de presse, a affirmé qu'elle n'avait jamais été abordée par les autorités et qu’elle n’a jamais fait une telle déclaration.

Deutschland München Demonstration gegen Abschiebung von Flüchtlingen
Une manifestation contre les expulsions à MünichImage : picture-alliance/dpa/M. Balk

Le Conseil pour les réfugiés fait valoir que les autorités d'expulsion ont dépassé les bornes et brisé un tabou dans cette affaire. Mais dans la loi allemande sur l'immigration, il n'est pas fait directement mention de la grossesse comme raison pour stopper l'expulsion.

Les migrantes et les réfugiées enceintes

L'Office fédéral des migrations et des réfugiés (BAMF) fournit des informations sur la grossesse et le congé maternité sur son site Internet. Toutes les questions, de la santé à l'économie en passant par vos droits, sont traitées dans des fichiers téléchargeables et en format audio. Toutefois, il n'est fait mention d'aucune loi relative à l'expulsion qui stipule explicitement que les autorités ne sont pas autorisées à expulser une femme enceinte.

L'article 60 de la loi allemande mentionne les cas dans lesquels l'expulsion est interdite. Selon le paragraphe 7 de cet article, les seuls motifs de santé susceptibles d'empêcher une expulsion sont les cas où le sujet souffre d'une " maladie grave ou potentiellement mortelle, qui serait aggravée par l'expulsion ". Par ailleurs, "le système de santé dans le pays où ils sont renvoyés n'a pas besoin d'être conforme aux mêmes normes que le système de santé allemand".

Bien que la grossesse ne soit pas spécifiquement mentionnée ici, en droit allemand, la phase à haut risque d'une grossesse normale dure de six semaines avant la naissance à huit semaines après. Ceci coïncide avec la période légale de congé de maternité, qui est protégée par l'État allemand. Ainsi, on pourrait considérer qu’une femme en début de grossesse ne prend pas de risques en partant pour la Croatie, qui est un pays proche de l'UE. D'autre part, on empêcherait une personne sur le point d'accoucher d'embarquer.

Pakistan Mutter mit Baby
Une mère pakistanaise tient son bébé dans les brasImage : picture-alliance/AA/M. Aktas

Cas précédents

Par le passé, le droit allemand a déjà dû se prononcer sur d'autres cas de migration, d'expulsion et de grossesse. Dans certains cas, c'est le père de l'enfant à naître qui a vu sa demande d'asile rejetée : l'enfant devait naître d'une mère allemande mais le père a quand même été renvoyé après la naissance de l'enfant.

En mai 2018, une femme originaire de Sierra Leone sur le point d’accoucher, qui devait être expulsée vers l'Italie, premier pays où elle était arrivée dans l'UE, a réussi à faire suspendre temporairement son expulsion en Bavière après avoir protesté bruyamment à l'aéroport. Ce report a fait qu'au moment où ils ont essayé de l'expulser une deuxième fois, elle était officiellement entrée dans la période de congé maternité reconnue en l'Allemagne, ce qui signifiait qu'ils ne pouvaient plus légalement l'expulser jusqu'à après la naissance. Son dossier a ensuite été mis en attente pendant six mois.

Österreich Auffanglager für Flüchtlinge
Expulsions en AutricheImage : picture-alliance/epa/C. Bruna

Dans le cas de la femme iranienne, les médecins de l'hôpital ont déclaré que la manière dont la femme a été emmenée de leur clinique était "extrêmement inquiétante". Le ministère de l'Intégration de Rhénanie-Palatinat a dit qu'il travaillerait avec les autorités pour trouver "une solution viable pour tous". Mais pour l’instant, il semble que les premiers mois de la grossesse ne soient pas en soi une raison d'empêcher l’expulsion.

 

Cet article écrit par Emma Wallis et traduit par Audrey Parmentier a été publié pour la première fois sur le site InfoMigrants: http://www.infomigrants.net/fr/post/13287/briser-un-tabou-grossesse-et-expulsion-en-allemagne