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HistoireAllemagne

Bad Honnef veut en finir avec Adolf Hitler // Le rêve américain des jeunes Africains (1ère partie)

Anne Le Touzé | Jean Claude Abalo
19 septembre 2024

Adolf Hitler a été citoyen d’honneur de milliers de communes pendant la période nazie. Certaines, dont Bad Honnef, n'ont jamais désavoué publiquement le dictateur après 1945. Des lycéens ont décidé d'agir ! // De plus en plus de jeunes Africains essaient d'atteindre les Etats-Unis en empruntant une route dangereuse à travers l'Amérique centrale. Reportage à New York.

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Tout a commencé par un cours d’histoire au lycée Siebengebirge de Bad Honnef. Des élèves d'une classe de dixième - l'équivalent de la seconde - se sont mis en tête d’écrire eux-mêmes l’histoire de leur ville en pressant les autorités de la commune de prendre officiellement leurs distances avec le dictateur nazi Adolf Hitler, ancien citoyen d’honneur jamais renié par la mairie de cette ville d'environ 25.000 habitants.

Agir contre l'extrême droite

Les élèves de Bad Honnef à l'origine de l'initiative
"Il n'est jamais trop tard pour corriger une erreur" - des élèves du lycée SiBi avec leur professeur d'histoire Thomas RottImage : Oliver Pieper/DW

Kathi, Lilli, Ronja, Mia et Selin représentent leurs camarades. Elles veulent, accompagnées par leur professeur, Thomas Rott, que l’administration fasse une déclaration symbolique et se distancie ainsi de l’idéologie d’extrême-droite qui recommence à faire florès en Allemagne.

"Nous vivons dans cette ville. C’est pourquoi son histoire nous intéresse. Nous nous sommes demandé si nous pouvions influencer aujourd‘hui cette histoire et faire annuler la citoyenneté d’honneur accordée à Adolf Hitler."

Les élèves ont commencé par envoyer un mail à leur maire. Puis ces premiers courriels se sont commués en demande officielle, signée par plus de 1363 personnes, soit 5% de la population de Bad Honnef, ce qui est le minimum requis pour qu’un sujet soit examiné en conseil municipal. C’est déjà une immense victoire pour les élèves qui ont démarché leurs concitoyens pour les mobiliser.

"La plupart des gens que nous avons abordés ne savaient même pas qu’Hitler était citoyen d’honneur, alors ils ont signé tout de suite la pétition. Si on nous avait dit il y a un an que notre petite  classe de lycée ferait tellement bouger les choses, on ne l’aurait pas cru. C'est sûrement lié au fait qu'on s'est mis à plusieurs pour agir. On voit que l'extrême droite est encore très présente aujourd'hui et qu'elle est très active sur les réseaux sociaux, ça montre que le sujet est actuel et qu'on ne peut pas le taire."

4.000 communes avaient fait d'Hitler leur citoyen d'honneur

Comme environ 4.000 communes d'Allemagne, Bad Honnef a fait d’Adolf Hitler un citoyen d’honneur le 5 avril 1933, un mois après la victoire électorale du NSDAP (le parti nazi) aux élections législatives.

La petite ville compte parmi les premières à avoir distingué de la sorte celui qui n’était pas encore dictateur, mais elle a fait des émules : en un an, plus de 4.000 communes ont suivi son exemple. 

Alors certes, le rang de citoyen d’honneur prend fin avec la mort de la personne concernée – en l'occurence le 30 avril 1945 pour Adolf Hitler. Mais, pour la forme, certaines communes ont fait depuis leur mea culpa.

Pas Bad Honnef. Et c’est ce que regrette le professeur Thomas Rott, comme ses élèves.

"Nous avons fait des recherches et nous avons trouvé le courrier de remerciement signé par Hitler, ainsi que le protocole d’une réunion du conseil municipal de 1983. A l’époque, un groupe écologiste avait déposé une requête pour annuler la distinction mais il n’avait pas été jusqu’au vote. C’est ce qui nous a poussé à reprendre le flambeau."

Un document d'archive inédit : la lettre de remerciement d'Adolf Hitler à Bad Honnef
La lettre de remerciement d'Adolf Hitler à la ville de Bad Honnef, le 3 mai 1933Image : Stadtarchiv Bad Honnef

La demande des élèves a été bien accueillie au sein de la municipalité. Un employé des archives de la ville, Jens Kremb, a cherché dans ses cartons différents documents et notamment cette lettre dans laquelle Adolf Hitler remercie la ville de Bad Honnef. 

Un petit miracle qu’il ait retrouvé tout cela, quand on sait que les troupes américaines ont brûlé la plupart des archives en arrivant dans la ville, en mars 1945.

Les élèves ont rencontré le maire, Otto Neuhoff, qui se réjouit de leur engagement citoyen.

"Nous sommes fiers de ces élèves, c’est une initiative formidable. Cela leur apprend tout ce qu’on peut faire quand on décide d’agir en politique. Et puis ils ont pu constater – en cette année d’élections régionales dans plusieurs Länder de l’est de l’Allemagne, qu’en démocratie, on n’est jamais victime. On peut participer, s’engager et il existe des structures pour soutenir ces actions."

Trois étapes pour prendre ses distances avec Hitler

Ces dernières années, il n’est pas rare que des municipalités d’Allemagne aient fait le choix de prendre leurs distances avec ce citoyen d’honneur devenu très encombrant qu’est Adolf Hitler. Souvent, les responsables de ces villes veulent en faire un geste symbolique, contre la résurgence de l’extrême-droite en politique comme dans la société allemande. 

Le maire de Bad Honnef, Otto Neuhoff (à gauche sur la photo)
"Un acte extrêmement important en termes de communication pour clore le chapitre" - le maire Otto Neuhoff (à gauche)Image : Jens Kremb

L’historien Thomas Schlemmer, de l’Institut d’histoire contemporaine Munich-Berlin, y voit une sorte de vague qui a commencé au sortir de la Seconde guerre mondiale, quand la ville de Kiel a décidé, dès décembre 1945, de retirer à Adolf Hitler son rang de citoyen d’honneur.

"Dans les années 1945-1946, on assiste à un changement politique radical, qui a à voir avec les alliées et avec les alliances qui se forment au sein de l’élite politique. De nombreuses rues et places sont débaptisées – à l‘époque il n’y avait quasiment aucune localité qui n’avait pas sa rue ou sa place Adolf Hitler. Ces premières réactions antinazies sont retombées ensuite, dans les années 1948-1950, plus ou moins rapidement."

A cette époque, au début des années 1950, l’Allemagne a opéré un changement dans son discours pour passer du statut de bourreau à celui de victime.

Le rapport à la période nazie a évolué selon les époques

De nombreux responsables nazis se présentent alors comme de pauvres hères, comme hypnotisés et manipulés par une petite clique de criminels, dont les plus connus sont Hitler, Göring et Goebbels. Ils affirment alors que ce seraient eux qui les auraient poussés à commettre des actes contre leur gré. Parfois même à leur insu. Et l’Allemagne met un couvercle sur ce pan douloureux de son histoire dont elle ne se préoccupe plus vraiment pendant plusieurs décennies. 

Professeur Thomas Schlemmer, historien allemand
"La politique communale nationale-socialiste s'est également imposée dans les administrations communales", explique l'historien Thomas SchlemmerImage : People-Pictures Fotostudio München

"La réponse qu’on apporte au problème dans les années 1970-1980 est purement juridique : on rappelle que la citoyenneté d’honneur a pris officiellement fin avec le suicide d’Hitler et que donc la question est réglée. Mais en janvier 1979, on commence à fouiller le passé nazi et à soulever des question, notamment grâce à la diffusion de la série américaine Holocauste, qui amène à la création d’un nouveau mouvement historique : des historiens pendant le nazisme."

91 ans après avoir décerné le titre de citoyen d’honneur à Adolf Hitler, la ville de Bad Honnef est enfin prête à revenir sur cette décision – de façon définitive. Et il est grand temps, pour l’historien Thomas Schlemmer qui ne perd pas de vue le présent :

"Qu’est-ce qui a mené, à l’époque, à la destruction de la démocratie ? Quelles leçons tirer du passé pour défendre aujourd’hui notre démocratie ? Ces actes symboliques de distanciation sont une occasion formidable de se poser vraiment ces questions, au-delà même de la citoyenneté d’honneur accordée à Adolf Hitler : celles qui portent sur l’histoire de notre propre commune entre 1930 et 1950."

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Le rêve américain des jeunes Africains (1ère partie)

Des jeunes migrants africains dans un quartier de New York
Pour de nomreux jeunes migrants subsahariens, la traversée de l'Amérique latine a été traumatisante Image : Jean-Claude Abalo/DW

Les Etats-Unis attirent depuis quelques années de plus en plus de jeunes d'Afrique subsaharienne. La plupart arrivent à pied après un voyage dangereux à travers l'Amérique latine. 

Les plus chanceux arrivent à destination, mais pour d'autres, moins fortunés, le voyage se termine tragiquement en chemin. 

Dans les rues de New York, on voit de plus en plus de ces jeunes, livrés à eux-mêmes, dépendant de la générosité de bienfaiteurs pour survivre. Notre correspondant Jean-Claude Abalo, a rencontré certains de ces jeunes, voici la première partie de son reportage.

 

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