1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Amadou Hott : "Les Européens vont apprendre de certaines choses que nous faisons"

18 mai 2022

Dans une coopération d'égal à égal, les Européens peuvent aussi apprendre des Africains, estime le ministre sénégalais des Finances, de la planification et de la coopération internationale.

https://p.dw.com/p/4BRIj

Le ministre sénégalais des Finances, de la planification et de la coopération internationale Amadou Hott parle dans cet entretien, de financement inclusif, autrement dit, des aides en faveur des populations les plus démunies.

La Commission économique pour l'Afrique recommande en effet aux Etats africains de prendre des mesures pour que les populations vulnérables soient soulagées des conséquences de la pandémie de coronavirus, à laquelle s'ajoute désormais la hausse des prix alimentaires. Pour cela, il faut une mobilisation des ressources de l'Etat mais le partenariat extérieur occupe aussi une place importante dans les plans de redressement économique.

A Berlin, où il a participé le 12 mai à "The Africa Roundtable", une table ronde sur la coopération entre l'Europe et l'Afrique, le ministre Amadou Hott a répondu aux questions de DW Afrique dans un entretien que vous pouvez lire ou écouter ci-dessous.

Le Sénégal et le concept de financement inclusif

Une boutique tenue par une commercante chinoise au Sénégal (Archives - Dakar, 28.06.20227)
A travers le cash transfert, l'Etat sénégalais assiste des milliers de personnes à faibles revenusImage : REBECCA BLACKWELL/AP/dapd

DW : Monsieur le Ministre Amadou Hott bonjour !

Amadou Hott : Bonjour.

DW : Comment est-ce que, du point de vue sénégalais, vous percevez ce concept de financement inclusif ?

Amadou Hott : Merci beaucoup. Comme vous le savez, la pandémie (de Covid-19, ndlr) a eu des conséquences dramatiques sur nos économies.

Ce qui est important pour le Sénégal et pour l'Afrique, à mon avis, c'est de continuer à faire de gros investissements. Pour cela, nous avons besoin de plus de mobilisation de ressources intérieures. Mais en même temps aussi, l'Etat peut mobiliser des ressources auprès de nos partenaires au développement. Mais en même temps aussi, il faut mobiliser l'investissement privé.

Pour cela, il faut faire des réformes, ce que le Sénégal est en train de faire pour que ceux qui souhaitent se financer par le secteur bancaire, par les sociétés de micro-finance puissent donc obtenir ces financements grâce aux garanties que le fonds de garantie pourra fournir. Et enfin, il faut continuer à développer tout ce qui est FinTech. C'est vrai, moi je dirais la banque à travers la téléphonie mobile.

C'est vraiment devenu un instrument ou un outil que tout le monde utilise et cela favorise l'inclusion financière aussi.

L'aide aux plus démunis

Un marché de Dakar, au Sénégal (Archives)
Grâce au financement inclusif, de nombreux Africains seront soulagés des conséquences de la pandémie estime la CEAImage : picture-alliance/Godong/P. Lissac

DW : Autant de bonnes initiatives prises par le Sénégal. Monsieur le Ministre, est-ce que vous êtes en train de dire que le Sénégalais lambda, la pauvre dame à Kaolack ou bien à Ziguinchor profite vraiment de cette décision-là ?

Amadou Hott : Absolument, parce que non seulement ces acteurs, quels qu'ils soient, profitent donc de ces instruments et de ces décisions, mais aussi l'Etat a beaucoup fait, avec beaucoup d'investissements dans l'accès à l'eau, l'accès à la santé, l'accès également aux pistes rurales par exemple, l'accès à l'éducation aux écoles, mais aussi avec du cash transfert avec les bourses de sécurité familiale que l'on paye tous les trois mois aux populations vraiment démunies.

Et il y a plus de 350.000 familles qui en bénéficient. Le Chef de l'Etat, Son Excellence Macky Sall, a lancé une opération spéciale de cash transfert de 43 milliards de francs CFA qui donne 80.000 francs CFA pour plus de 540.000 familles. Voire plus de 550.000 familles qui reçoivent chacune quatre 80.000 francs d'un coup pour atténuer également un tout petit peu les conséquences de la crise de la Covid-19, mais également de l'augmentation des prix.

DW : Mais cela est insuffisant par rapport à l'effectif de la population sénégalaise !

Amadou Hott : Oui, mais c'est quand même plus d'un tiers des populations les plus pauvres au Sénégal. L'objectif, c'est de les sortir de la pauvreté. Mais en attendant, c'est important de les soutenir.

Transfert de technologies, un voeu pieux ?

Des experts de l'Institut Pasteur travaillent sur la production de vaccin contre la fièvre jaune (Archives, Dakar, 17.06.2021)
Le Sénégal a été choisi parmi des pays pilotes pour la production de vaccin contre la Covid-19 en AfriqueImage : Ute Grabowsky/photothek/picture alliance

DW : Mais ça, c'est ce que fait le Sénégal au plan interne. Dans une rencontre comme celle-ci à Berlin, il est question maintenant de coopérer. L'Europe veut coopérer avec l'Afrique d'égal à égal. Est-ce que finalement, il n'y a pas trop de discours et trop peu d'actions ?

Amadou Hott : Certainement, il y a des actions, mais on a besoin de beaucoup plus d'actions. Je pense qu'il y a possibilité pour que les entreprises européennes, que ce soit des multinationales ou bien des PME, puissent s'installer en Afrique en partenariat avec des Africains, profiter de ce marché de la Zlecaf (Zone de libre échange continentale africaine), mais également fournir des produits et services à l'Europe, mais produits à partir de l'Afrique.

>>> Lire aussi : L'usine de production de vaccins anti-Covid menacée de fermeture en Afrique du Sud

Parce que l'Afrique a un avantage comparatif : beaucoup de matières premières partent de l'Afrique. Ça peut être plus intéressant de créer la valeur en Afrique et d'exporter après en Europe.

DW : Oui, transformer les matières premières, ça signifie créer des industries et ça fait penser à la technologie et à la fameuse question du transfert de technologies. Lorsqu'on dit que les Européens doivent venir investir en Afrique, est-ce qu'ils vont apprendre aux locaux à transformer les matières premières ?

Amadou Hott : Ce sera une relation win win.

>>> Lire aussi : L’Afrique peut aider l’Europe à abandonner le gaz russe

Il faut un transfert de technologies et de compétences. C'est très important. Mais certainement aussi, les Européens vont apprendre de certaines choses que nous faisons, nous. Par exemple, dans la mobile banking, mobile money, l'Afrique est vraiment en avance, par exemple.

Mais ce qui est important, c'est un : le transfert de technologies, mais deux : la participation des Africains dans le capital des sociétés. Il faut qu'une partie aussi des dividendes reste en Afrique.

Les droits de tirage spéciaux (DTS)

Un site minier de l'américain Anglo American en Afrique du Sud (Archives - 12.12.2013)
Les Africains espèrent pouvoir transformer les matières premières au plan localImage : PHILIP MOSTERT/epa/dpa/picture alliance

DW : Dernière question Monsieur le ministre, au sujet des droits de tirage spéciaux (DTS). Il y a eu une opération récemment, mais les Africains ont demandé aux Européens ou aux Occidentaux de leur faire profiter un peu de la part qu'ils ont eue. Qu'est-ce que cette demande est devenue ?

Amadou Hott : Cette demande, elle est en train toujours d'être étudiée. Pratiquement, je dirais, il y a plus de 45 milliards pratiquement disponibles et des pays sont engagés de manière ferme à réallouer leurs droits de tirage aux pays africains. Ça va beaucoup nous aider...

DW : Mais est-ce que cela se fera ?

Amadou Hott : Ça se fera, nous espérons. Le Fonds monétaire international (FMI) est en train de finaliser.

Il y a un nouveau fonds qui est créé, qui va rejoindre un fonds existant et les pays pourront obtenir des financements à partir de ces deux fonds, en obtenant les droits de tirage réalloués, donc convertis en financements. Maintenant, ce que nous demandons également, c'est l'émission de nouveaux droits de tirage encore pour atténuer l'impact de la crise ukrainienne.

DW : Merci beaucoup Monsieur le ministre.

Amadou Hott : Merci beaucoup. Merci.