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Des Syriens arrivés en Allemagne retournent en Turquie

1 mai 2018

Un rapport publié par des médias allemands indique qu'un nombre croissant de réfugiés syriens quittent l'Allemagne et partent retrouver leur famille en Turquie.

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Syrer flüchten Richtung türkische Grenze
Image : picture alliance/AA/K. Kocalar

Basile, originaire de Syrie, quitte l'Allemagne, et si tout se passe comme prévu, il ne reviendra pas. Dans le reportage de la chaîne publique de télévision allemande ARD, il est accompagné par deux jeunes journalistes qui suivent son parcours, depuis le moment où il a pris la décision refaire le voyage, cette fois en sens inverse, pour repartir vers la Turquie.

Basile n’est pas le seul dans ce cas. D’après l’émission “Panorama” de l’ARD, des centaines de Syriens actuellement en Allemagne prennent le risque de repartir, ce que l’on appelle la “migration inversée”. La plupart du temps, l'absence de la famille - bloquée en Turquie - est le principal facteur.

Ce phénomène est confirmé par l’organisation allemande de défense des droits de l’homme Pro Asyl. "L'an dernier, déjà, nous avions des indications selon lesquelles les réfugiés se sentaient sous pression, ici, en Allemagne et repartaient en empruntant à nouveau des routes dangereuses", a déclaré Günter Burkhardt, PDG de Pro Asyl, à l'AFP.

"Plutôt mourir ensemble que de vivre séparément"

Pour les associations, le gel momentané des demandes de regroupement familial, décidé par l'Allemagne, peut être une des explications à cette "migration inversée".

Deutschland Flüchtlinge Thema Familiennachzug
Une famille syrienne dans la ville allemande de EisenhüttenstadtImage : picture-alliance/dpa/P. Pleul

En mars 2016, en effet, l'Allemagne a modifié les règles relatives au regroupement familial. Ces modifications concernaient surtout les migrants bénéficiant d'une protection dite subsidiaire – autrement dit ceux qui sont autorisés à rester sur le sol allemand pendant une période restreinte mais qui n'ont pas le statut de réfugié. Le gouvernement leur a prolongé le gel sur les demandes visant à faire venir des membres de la famille en Allemagne jusqu'au 31 juillet. De nombreux Syriens bénéficiant d’une protection subsidiaire se sont alors sentis délaissés et trahis. Le nouveau gouvernement de coalition a également plafonné le nombre de membres de la famille autorisés à entrer dans le pays à 1 000 par mois.

Abandonnés par le système

Pour le représentant du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) en Allemagne, Dominik Bartsch, le phénomène de "migration inversée" montre la valeur que les gens accordent à la famille. D'après Günter Burkhardt de Pro Asyl, de nombreux candidats au retour ne supportent pas de vivre séparé de leurs proches. D'autres, dit-il, ont tenté de faire venir leur famille en Allemagne illégalement.

A l’instar de Basile, beaucoup disent aussi que l’intégration en Allemagne est trop difficile. Luise Amtsberg, porte-parole pour les réfugiés du parti des Verts allemand, qui dispose d'environ 9% des sièges au Parlement, fait le lien avec la politique de regroupement familial du gouvernement de coalition. Selon elle, seuls ceux qui savent que leur famille vit en sécurité sont capables de s'intégrer avec succès en Allemagne.  

Revivre les risques

Pour les migrants qui décident de quitter l’Allemagne, refaire le voyage en sens inverse est coûteux et dangereux. Préparer son retour commence sur les réseaux sociaux : les gens trouvent des passeurs en ligne. Ils se rendent ensuite en Grèce par des voies légales, où ils prennent contact avec des trafiquants locaux qui les transportent illégalement via le fleuve Evros jusqu'en Turquie, pour une somme d'environ 200 euros. Selon les journalistes de l'ARD, un trafiquant fait passer en contrebande jusqu'à 50 personnes par jour - la plupart d'entre eux sont des Syriens venus d'Allemagne.

Préoccupations sécuritaires en Turquie

Türkei Edirne Flüchtlinge
Des réfugiés font la queue pour obtenir à manger en TurquieImage : picture-alliance/AA/B. Ozkan

Une fois qu’ils ont atteint leur but, la Turquie, les Syriens n’ont ni visa ni statut légal. Ils sont sans papiers. La Turquie abrite environ 3,5 millions de réfugiés syriens, plus que n’importe quel autre pays. Nombre d’entre eux ont des difficultés à accéder au secteur de l'emploi ou de l'éducation.

Il est peu probable que la Turquie adopte dans les prochains temps une politique d'ouverture à l’égard des Syriens sans papiers. Selon Bill van Esveld, chercheur pour Human Rights Watch, la seule manière de briser ce cercle vicieux est donc d’empêcher les réfugiés de quitter l’Europe en permettant à leurs familles de venir les rejoindre.

"Si les retards injustifiés ou le refus restrictif du regroupement familial pousse les réfugiés syriens à s’exposer de nouveau à un danger potentiel en Turquie, alors c'est une raison supplémentaire urgente pour que d'autres pays et l'UE garantissent le droit des réfugiés à l'unité familiale", déclare M. Van Esveld.

"Un pays libre"

L'année dernière, 4 000 Syriens en Allemagne n'étaient pas répertoriés - "adresse inconnue", selon l'Office fédéral des migrations et des réfugiés, le BAMF. D’après leurs dossiers, les autorités allemandes ne peuvent pas dire si certains d’entre eux se sont rendus en Grèce puis en Turquie par un itinéraire illégal. Le ministre allemand de l'Intérieur, Horst Seehofer, a déclaré à l'ARD que "l’Allemagne est un pays libre. Dieu merci, l'Europe est un espace où règne la liberté. Devrions-nous désormais établir des contrôles aux frontières pour les gens qui quittent le pays ?"

 

Cet article a été publié pour la première fois sur le site InfoMigrants le 27 avril 2018: http://www.infomigrants.net/fr/post/8789/allemagne-des-syriens-risquent-a-nouveau-le-voyage-pour-retrouver-leur-famille-en-turquie