L'Unicef alerte sur des records de maltraitance d'enfants
23 novembre 2021L'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale compteraient le plus grand nombre au monde d'enfants enrôlés dans des conflits ou victimes de viols et d'abus sexuels.
C'est ce que révèle une étude publiée par l'Unicef. Sur les cinq dernières années, plus de 21.000 enfants auraient été recrutés et utilisés, non seulement par les groupes armés mais aussi par les forces gouvernementales.
Des records pas élogieux
Cette situation serait favorisée par les conflits anciens ou nouveaux. Ainsi, en dehors de la région du Lac Tchad, les pays les plus touchés sont la RDC, la Centrafrique et le Mali.
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Pourtant, l'Unicef et ses partenaires parviennent à faire libérer chaque année des milliers de ces enfants, affirme Yann Grandin, spécialiste en protection de l'enfant pour le bureau régional Afrique de l'Ouest et du Centre de l'Unicef.
DW : Le bureau régional Unicef Afrique de l'Ouest et du Centre vient de publier une étude concernant la situation des enfants. Constat alarmant, deux records quand même pour cette région : le plus grand nombre d'enfants victimes de recrutement et d'exploitation par les groupes armés et le plus grand nombre d'enfants ayant subi des viols et des abus sexuels. Et en terme de nombre d'enfants victimes d'enlèvements, la région arrive en deuxième position au monde. Comment est-ce que l'Unicef en est arrivé à ce constat ?
Yann Grandin : Oui, écoutez, tout d'abord, ce sont des records dont on se serait bien passé. En fait, les données que vous avez évoquées sont issues d'un mécanisme qui a été mis en place il y a une quinzaine d'années par les Nations unies. Et ce mécanisme, qu'on appelle le "monitoring and reporting mécanisms" en anglais, est instauré dans des pays qui font face à des conflits, pour suivre six violations graves qui sont commises à l'encontre des enfants.
Différents types d'abus
Alors peut-être juste pour éclairer un peu les violations dont on parle, la première est le recrutement et l'utilisation des enfants par les groupes et les forces armées. Le deuxième, c'est l'enlèvement, l'enlèvement, toujours par les mêmes acteurs. Le troisième concerne les assassinats, les mutilations. Le quatrième sont les violences sexuelles. Et deux violations graves concernent d'une part, les attaques contre les écoles et les hôpitaux, donc toutes les infrastructures sociales qui sont nécessaires au bien-être des enfants et le dernier c'est le déni d'accès humanitaire.
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Donc, lorsqu'un groupe armé ou des forces de défense et de sécurité de l'Etat empêchent les acteurs humanitaires d'accéder aux zones (en conflit, ndlr).
DW : Alors si cela paraît moins surprenant pour les groupes armés, l'enrôlement d'enfants dans les conflits, vous l'avez confirmé tout à l'heure, par des forces gouvernementales, est un constat plutôt grave. Quels sont les pays concernés ?
Yann Grandin : Le recrutement des enfants par les forces de défense et de sécurité, donc les forces des gouvernements, c'est un phénomène assez généralisé qui se fait souvent à l'insu des gouvernements et des décideurs publics, mais même des autorités militaires. C'est-à-dire que vous avez des enfants qui vont mentir sur leur âge. Vous avez aussi des personnels militaires qui parfois ne sont pas formés.
Vous avez des législations qui sont différentes d'un pays à un autre. Même si le cadre global international, la Convention des droits de l'enfant, les protocoles additionnels sur les enfants dans les conflits armés précisent l'âge minimum de recrutement des personnes dans les forces armées, n'est pas toujours connu ou pas toujours mis en pratique.
Des enfants enrôlés par des forces armées
Donc, effectivement, il y a parfois des enfants dans les forces armées et la plupart des pays avec lesquels on travaille dans la région - et ça, c'est un peu le travail de l'Unicef mais je voudrais dire aussi de l'ensemble des acteurs humanitaires - c'est de rappeler, de revenir vers ces gouvernements sur leurs engagements, de les aider, de les accompagner sur l'identification des enfants dans leur forces militaires et de leur permettre de sortir ces enfants de là.
DW : L'étude comporte des chiffres également. La République démocratique du Congo représenterait encore 71% de tous les recrutements et utilisations d'enfants dans les conflits armés. Mais cela tranche quand même un peu avec le Mali et la République centrafricaine, plongés dans une certaine instabilité également, mais où le chiffre, le nombre d'enfants utilisés ou exploités est en accélération.
Yann Grandin : Oui, tout à fait. Alors vous le rappelez, on a des tendances qui sont différentes. Les données que nous partageons dans ce rapport ne sont que la partie visible de l'iceberg, puisqu'en fait, les vérifications qu'on fait, suivent des standards très élevés quand on parle de centaines d'enfants recrutés dans des groupes armés, c'est probablement plusieurs milliers.
Des enfants secourus par l'Unicef et ses partenaires
Sans parler de l'impact des conflits en général sur les enfants. Juste peut-être un dernier chiffre, aujourd'hui dans la région, on a plus de 28 millions d'enfants qui vivent dans des zones affectées par des conflits. 28 millions c'est 10% des enfants de toute la région d'Afrique de l'Ouest et du Centre.
DW : Ces chiffres restent-ils constants sur la durée ou évoluent-ils ? Parce qu'on peut s'imaginer que, peut-être, la situation des enfants change. Peut-être aussi, un enfant enrôlé a peut-être quitté le groupe pour rejoindre l'école ou ça ne change pas du tout ?
Yann Grandin : La tendance sur les violations graves et plutôt à la hausse. Si on compare le nombre de violations graves vérifiées en 2020 par rapport à 2009, on est à plus de 30% d'augmentation.
Maintenant, il va sans dire que chaque année, des enfants sont sortis des groupes armés et on est aussi en discussion avec des groupes armés pour faire sortir les enfants.
Chaque année, en moyenne, l'Unicef et ses partenaires sortent à peu près 10.000 enfants, des groupes armés et les appuient avec différents services pour faciliter leur réintégration.