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Etat de droit

A la veille des élections, l'Ouganda saigne

Sandrine Blanchard | Benita van Eyssen
13 janvier 2021

La campagne pour la présidentielle du 14 janvier 2021 a été brutale en Ouganda. Surtout du fait de la répression féroce de toute contestation au régime Museveni.

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Les forces de l'ordre ont réprimé les manifestations en soutien à Bobi Wine
Les forces de l'ordre ont réprimé les manifestations en soutien à Bobi WineImage : Reuters/Stringer

C'est demain [jeudi 14 janvier] que les Ougandais sont appelés à élire leur prochain président. La campagne a été marquée par de nombreuses violences de la part des autorités en place, ce qui préoccupe les défenseurs des droits de l'Homme. 

 Le président Yoweri Museveni est au pouvoir depuis 1986. Et il ne semble pas prêt à laisser sa place.

Depuis le début de la campagne électorale, le 9 novembre dernier, le travail des journalistes a été entravé et de nombreuses manifestations et meetings de l'opposition ont été empêchés, sous couvert de lutte contre la pandémie de Covid-19 ou au prétexte de tentatives de "déstabilisation du pays".

L'arrestation de Bobi Wine a provoqué des émeutes
L'arrestation de Bobi Wine a provoqué des émeutes Image : Reuters/Stringer

Quand les forces de l'ordre tirent sur des civils

Les rassemblements hostiles au régime en place ont été dispersés dans la violence, par les forces de l'ordre.

Pour les seules journées des 18 et 19 novembre, 54 civils ont été tués en marge des mouvements de protestation contre l'interpellation du principal candidat de l'opposition, le chanteur Bobi Wine.

>>> A lire aussi : Rencontre avec Bobi Wine

Ouganda: Bobi Wine défie Museveni

Témoignage de Justine Namambo, blessée par des tirs de la police le 18 novembre, alors qu'elle passait à proximité des manifestations, en rentrant du travail :

"La police est arrivée et a commencé à tirer. J'étais assise à l'arrière d'un mini-bus. Je ne pensais pas que les policiers se détourneraient des émeutiers, mais ils ont ouvert le feu aussi sur les passants qui rentraient chez eux et même sur ceux qui passaient en voiture."

Nicholas Opiyo est avocat spécialiste des droits humains. Il a été arrêté par la police et dénonce le recours, par les autorités, à l'intimidation et à la torture, et même aux tribunaux militaires pour juger des civils. Pour lui, le pays est plongé dans une "ambiance de guerre".

"Je pense que les défenseurs des droits humains sont ciblés par les autorités parce qu'ils ont une certaine légitimité. Ils disent des choses que la population peut entendre. Ils réclament que des comptes soient rendus pour que ces violences cessent."

Contre l'impunité

Amnesty International dénonce une tentative des autorités d'isoler le pays pour les élections, en coupant l'accès aux réseaux sociaux.

Franziska Ulm-Düsterhöft, chercheuse sur l'Afrique chez Amnesty International Allemagne, réclame la fin de l'impunité, ce qui commence par des enquêtes indépendantes. Et pour cela, les partenaires de l'Ouganda, comme l'Allemagne, l'Union africaine ou la Communauté des Etats d'Afrique de l'Est, doivent faire pression.

"Il faut montrer au gouvernement Museveni que les droits comme la liberté d'expression ou de réunion que le président Museveni a lui-même instauré il y a de nombreuses années sont une réalité et que sinon, il y aura des conséquences."

Justice... internationale?

Bobi Wine, lui, voudrait que la CPI ouvre une enquête sur les violations des droits de l'Homme par le régime Museveni qu'il accuse aussi d'envoyer des hommes armés sans uniforme pour réprimer les manifestations de civils.

Sur ce dernier point de justice internationale, Amnesty International précise toutefois que les violations des droits de l'Homme constituées devraient être qualifiées de crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou génocide – ce qui n'est pas le cas dans l'état actuel des choses. En 2005, la CPI a ouvert la seule procédure en cours qui concerne l'Ouganda : celle contre le chef de la LRA, Joseph Kony, à la demande de Yoweri Museveni.