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Il y a cinq ans, l'attentat raciste de Hanau

La rédaction francophone
19 février 2025

Le 19 février 2020, un extrémiste de droite abattait neuf personnes d'origine étrangère dans la petite ville de Hanau.

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Une femme voilée se recueille devant une pierre tombale lors de cérémonie de commémoration
Les proches des victimes de l'attentat de Hanau sont déçus du traitement de cet acte d'extrême droite. Jusqu'à présent, aucune procédure judiciaire n'a été engagée.Image : Boris Roessler/dpa/picture alliance

C'était il y a cinq ans. Le 19 février 2020, un Allemand extrémiste de droite abattait neuf personnes d'origine étrangère dans la petite ville de Hanau, non loin de Francfort en Allemagne. Le président Frank Walter Steinmeier a parlé ce mercredi (19.02) d'un attentat contre la société et la démocratie".

L'attentat de Hanau a été "une attaque contre le fondement le plus important de notre démocratie : la protection inconditionnelle et sans limites de la dignité humaine et contre la discrimination", écrit aujourd'hui la ministre allemande de la Culture. 

Dans la nuit du 19 février 2020, un tireur abattait neuf personnes dans deux bars à chicha de Hanau.

L'homme, la quarantaine, adepte de théories racistes et complotistes, a fini par tuer sa mère, avant de mettre fin à ses jours.

Peu de temps avant de passer à l'action, l'auteur avait regardé des vidéos sur YouTube, notamment des discours de Björn Höcke, l'un des visages les plus connus de l'AfD, le parti d'extrême droite actuellement à la deuxième place dans les sondages pour les élections législatives de dimanche.

Cinq ans plus tard, l'une des mères des victimes estime que trop peu a été fait "pour empêcher que de telles tragédies ne se reproduisent". 

Serpil Temiz Unvar a perdu son fils Ferhat Unvar, âgé de 23 ans. "À mon avis, si cet événement tragique a résonné dans la société, cette résonance est en grande partie due aux efforts déterminés des familles touchées, qui se sont battues sans relâche pour faire entendre leur voix", explique-t-elle, tout en rappelant que "les efforts individuels, aussi importants soient-ils, ne suffisent pas à provoquer une profonde transformation sociale".

Le président allemand Frank-Walter Steinmeier lors de la cérémonie de commémoration à Hanau
Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a appelé la population à lutter contre toute forme de haineImage : Tim Wegner/epd

Bientôt une Place du 19 février à Hanau

Après l'attentat, une série de projets sociaux et politiques ont été lancés dans la ville, dont beaucoup par des proches et des amis des victimes. Ils sont notamment déterminés à identifier les erreurs qui auraient pu empêcher les attaques.

D'ici 2026, un mémorial portant les noms des neuf victimes doit être érigé sur une place à Hanau, renommée en "Place du 19 février". Il doit être érigé devant la Maison de la démocratie et de la diversité, censée offrir un espace de dialogue, d'éducation et de mémoire.

Hanau n'est pas un cas isolé. Les experts de la Fondation Amadeu Antonio estiment que depuis la réunification allemande, plus de 200 personnes sont mortes dans des attaques d'extrémistes de droite

Face aux attaques à caractère raciste, Furkan Yüksel, éducateur spécialisé en histoire et en politique, estime que "l'image selon laquelle l'Allemagne a d'elle-même en tant que nation tiré les leçons de la Seconde Guerre mondiale et a réussi à laisser son passé derrière elle est un peu trompeuse".

Mirjam Zadoff, directrice du Centre de documentation de Munich sur l'histoire du national-socialisme, affirme qu'il est nécessaire de reconnaître les liens entre le passé et le présent de l'Allemagne.

"C'est tellement important de montrer les continuités parce qu'il y a des personnes qui sont tuées par la même idéologie, et qui parfois viennent de la même famille. Dans le cas de Mercedes Kierpacz, son arrière-grand-père a été tué à Auschwitz et elle est elle-même devenue l'une des victimes à Hanau". Cette mère de 35 ans appartenait - comme deux autres victimes de Hanau - à la minorité rom et sinti, dont les membres ont été persécutés et assassinés sous l'Allemagne nazie.

Le proche de l'une des victimes
Les proches des victimes continuent à se mobiliser pour tenter de prévenir d'autres dramesImage : Lisa Hänel/DW

Elargir la culture de la mémoire

Lorsque le gouvernement de centre-gauche du chancelier Olaf Scholz est arrivé au pouvoir en 2021, l'accord de coalition stipulait que la culture de la mémoire du pays devait être élargie pour inclure l'histoire du colonialisme et de la migration. Ce n'est qu'en 1999 que l'Allemagne s'est officiellement déclarée pays d'immigration. Mais dès les années 1950, de nombreux travailleurs immigrés sont arrivés en l'Allemagne de l'Ouest et dans les années 1980, des travailleurs étrangers sont arrivés en Allemagne de l'Est.

S'il existe déjà des musées sur l'émigration allemande, le premier musée du pays sur l'immigration en Allemagne n'ouvrira ses portes qu'en 2029 dans la ville de Cologne. Baptisé musée de Selma, le projet remonte à une initiative de migrants turcs à la fin des années 1980.

Et après la fusillade de 2016 à Munich, au cours de laquelle neuf personnes ont été tuées, le Centre de documentation de Munich sur l'histoire du national-socialisme a commencé à présenter des expositions sur la violence de droite en Allemagne.

La fresque murale sous un pont à Francfort sur laquelle on retrouve les visages des neux victimes de l'attentat de Hanau
Cette fresque a été vandalisée par des signes nazisImage : Peter Jülich/epd/IMAGO

Critique du débat politique sur la migration

De son côté, l'éducateur Furkan Yüksel appelle à une formation obligatoire contre la discrimination pour les enseignants en Allemagne. Il appelle à renforcer la sensibilisation au racisme structurel.

"Il faut faire prendre conscience que la violence d'extrême droite n'est pas un phénomène d'auteurs solitaires fous", affirme Furkan Yüksel, qui dénonce la rhétorique de plus en plus dure sur l'immigration et le droit d'asile à travers l'échiquier politique. Lorsqu'une réunion secrète de l'AfD avait révélé un projet de "remigration" des étrangers, des centaines de milliers de personnes étaient allées manifester. Aujourd'hui, le parti reprend officiellement ce terme dans son programme.

Trois ans seulement après l'attentat de Hanau, l'AfD est devenu la deuxième force politique lors d'élections régionales dans le Land de Hesse, où se trouve Hanau, avec plus de 18 % des voix.

L'automne dernier, à Francfort, une fresque murale de près de près de 30 mètres de long montrant les visages des victimes de Hanau a dû être restaurée après avoir été recouverte d'une croix gammée et d'insignes des SS, une des principales organisations de l'ancien régime national-socialiste.