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Tchad : "L'exécutif prend le pas sur le judiciaire"

29 mars 2018

Après le forum de réformes constitutionnelles, le journaliste et politologue tchadien Seidik Abba prend la parole pour dénoncer l'absence de consensus entre pouvoir et opposition. Il met en garde contre "l'appétit de pouvoir" d'Idriss Deby.

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Deux jours seulement après le forum organisé au Tchad par le président Idriss Deby, visant à apporter des réformes institutionnelles et administratives, des voix s’élèvent pour dénoncer la légitimité de ce forum et des réformes qui seront apportées à la future constitution.

Pour le journaliste et politologue Seidik Abba les bases de ces discussions ont été faussées et l’opposition a encore une petite marge de manœuvre pour obliger le président Deby à revoir sa copie. Il s'explique. 

Forum non inclusif

Seidik Abba : Le forum ne peut pas avoir un caractère inclusif. Parce que dans le processus de son organisation, sa tenue, on n’a pas eu un consensus entre le pouvoir et l’opposition. Et il n’y a pas eu non plus de consensus entre le pouvoir et une partie de la société civile qui a toujours été critique sous la gouvernance du président Deby. Donc dès le départ le forum avait manqué d’inclusivité. Et à la fin, quand le forum a démarré, on s’est aperçu que c’est plutôt des gens acquis aux thèses du régime qui ont été associés. La grande partie de l’opposition et une partie importante de la société civile qui a le plus de crédibilité n’ont pas été associées à la démarche et du coup on se retrouve avec le résultat que l’on sait aujourd’hui.


DW : Mais monsieur Deby se donne beaucoup plus de pouvoirs désormais à travers ce forum qui va lui donner la possibilité de pouvoir amender la constitution via les députés. Pourquoi monsieur Deby cherche encore à avoir plus de pouvoirs ? 

Seidik Abba : Le pouvoir c’est comme l’appétit. En l’exerçant, plus on a de pouvoir, plus on en veut. Surtout lorsqu’on se retrouve soi-même avec une longévité au pouvoir, on ne tolère aucun contre-pouvoir, on aimerait presque une monarchie. Du coup on se retrouve dans la posture actuelle du président Deby où aucune contestation, aucune critique n’est tolérée à l’intérieur du régime tchadien. Il n’y a qu’à voir ce passage à la quatrième république : il consacre encore une prolongation du mandat de cinq à six ans. Il prévoit également la suppression du poste de premier ministre, l’affaiblissement des autres contre-pouvoirs : le pouvoir judiciaire par exemple. La presse elle-même est menacée alors que la liberté de la presse n’est déjà pas très consacrée au Tchad. Aujourd’hui avec ce passage à la cinquième république, ça renforce le président Deby qui censé être le seul maitre à bord.

Tschad Polizist Symbolbild
Image : Getty Images/AFP/I. Sanogo

DW : Et quels sont les différents points, vous en avez cité quelques-uns déjà, qui lui donne plus de pouvoir encore ?

Seidik Abba : Il y a d’abord le point qui concerne le renforcement du pouvoir exécutif à savoir le fait qu’il n’y ait plus de premier ministre. Il n’y aura que le président et les ministres qu’il aura désigné. Et sur ce point vous savez que le président Deby détient le record de remaniements en Afrique. Presque toutes les six semaines il y a un remaniement au gouvernement. Il en était à son 36ème il n’y a pas longtemps. Donc on frôle aujourd’hui la quarantaine de remaniements pendant les années qu’il a passé au pouvoir. Il y a aussi l’affaiblissement du pouvoir judiciaire. La cour constitutionnelle va être supprimée, la haute cour de justice va être supprimée. La chambre des comptes va être supprimée. L’affaiblissement du pouvoir judiciaire va se faire au profit du pouvoir exécutif. 


DW : Quelle est la marge de manœuvre que cette opposition pourra- t-elle avoir pour contrecarrer monsieur Deby ? 
Seidik Abba : Ce qui reste aux opposants Tchadiens c’est de réussir la mobilisation. C’est de profiter de la déception sociale qu’il y’, de profiter de cette conjoncture difficile économiquement pour lancer des manifestations, avoir une adhésion populaire. Elle peine à le faire.