Situation toujours tendue après la réélection de Mnangagwa
3 août 2018Après ceux des législatives, l'élection présidentielle de lundi dernier a livré ses résultats dans la nuit de jeudi à vendredi au Zimbabwe. Emmerson Mnangagwa a été réélu au premier tour avec 50,8% des voix et devance ainsi Nelson Chamisa qui comptabilise 40,3% des suffrages. Des résultats aussitôt rejetés par l'opposition qui parle d'une victoire "frauduleuse" pour cette première élection depuis le départ de l'ancien chef de l'Etat en novembre.
Le président Mnangagwa parle lui d'une élection "libre, juste et crédible". Mais sur place la situation reste tendue. Ce vendredi, cela n'avait rien de comparable à la veille où les soldats étaient déployés dans les rues, des magasins étaient fermés et de nombreux habitants étaient restés chez eux. La vie a repris notamment au cinquiéme jour de la semaine dans la capitale, Harare.
La police anti-émeute à la conférence de presse de Chamisa
Mais l'opposition continue de crier sa colère. Une colère que le pouvoir en place cherche à étouffer. Le candidat arrivé deuxième, Nelson Chamisa, devait par exemple donner une conférence de presse. Mais alors que les journalistes l'attendaient, c'est la police anti-émeute qui a débarqué dans la salle demandant à tout le monde de partir.
Le candidat du Mouvement pour le changement démocratique s'est finalement exprimé un peu plus tard. Très remonté : "Nous n'acceptons pas de faux résultats !", a-t-il lancé. "Nous n'acceptons pas cette fiction ! Nous voulons qu'un résultat correct soit annoncé. Nous allons utiliser tous les moyens nécessaires, légaux et constitutionnels, pour nous assurer de protéger le vote des citoyens. Les gens ont voté, ils ont triché, les gens ont gagné, ils subvertissent cette victoire."
Une colère sans appel à la violence coté opposition, malgré les six personnes tuées par les militaires mercredi. Le chef de l'Etat sud-africain voisin a dans le même temps félicité Emmerson Mnangagwa et appelé à reconnaitre les résultats. Signe de la reconnaissance internationale du scrutin malgré les accusations de fraude. Le président burundais a fait de même.
Pressions internationales
Ainsi, pour la chercheuse à l'Institut des études de sécurité (ISS) à Pretoria en Afrique du Sud Liesl Louw Vaudran, la situation devrait se stabiliser. "Il y aura beaucoup de pressions sur Chamisa pour suivre cette voie démocratique", estime-t-elle. "En tous cas le MBC, même dans les heures les plus sombres avec Robert Mugabe, depuis des décennies, a toujours été une opposition pacifique et démocratique. Mais nous verrons dans les prochains jours à quel point Chamisa contrôle les différentes branches car il se peut aussi que certains refusent d'accepter de suivre la voie légale."
Le gouvernement a déjà prévenu qu'il ne tolèrerait aucune contestation. Mais pour Liesl Louw Vaudran, il n'a pas d'autre choix que de tenter d'apaiser la situation. Apaiser pour ne pas froisser l'étranger qui détient une partie des clés de ses éventuels succès futurs au pouvoir. "Il va falloir convaincre aussi la communauté internationale que ces élections étaient libres et transparents. L'UE par exemple, depuis des mois, disait attendre des élections avant de lever des sanctions, d'alléger la dette, ce qui est très important pour Mnangagwa", explique-t-elle. Pour relancer l'économie il faut que la communauté internationale et les investisseurs reviennent au Zimbabwe fait encore remarque la chercheuse.
Le rôle de l'armée
Au-delà du comportement des différents partis, il faudra également surveiller celui de l'armée. Hyper puissante dans le pays, certains estiment que ses chefs pourraient déjà avoir pris seuls la décision de tirer sur l'opposition mercredi. Contrôler les soldats fera aussi partie des défis à venir pour Emmerson Mnangagwa.