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Le marché mondial du cobalt entre les mains de la RDC

Jean-Michel Bos
8 février 2018

La conférence Mining Indaba en Afrique du Sud se clôt sur un constat : la concentration de la production de cobalt entre la RDC et la Chine fait peser un risque sur l'approvisionnement mondial.

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Kobalt Metall
Image : picture-alliance / © Balance/Pho

L'abandon annoncé par la France et la Grande-Bretagne des véhicules à essence et diesel d'ici à 2040 et le virage de l'industrie automobile mondiale vers les véhicules électriques ont placé le cobalt au centre d'un débat complexe. 

En effet, ce métal entre, avec le lithium, dans la composition des batteries lithium-ion des voitures électriques comme dans celles des smartphones.

Les projections de Transparency Market Research estiment ainsi que le marché mondial des batteries au lithium-ion devrait passer d'une valeur de 24 milliards d'euros en 2015 à 61 milliards à l'horizon 2024.  

Cette progression s'expliquant essentiellement par la demande de l'industrie automobile. 

Le cabinet de conseil Morgan Stanley estime ainsi que les véhicules électriques  devraient représenter la moitié des ventes mondiales à l'horizon 2050.

66% de la production mondiale

Mais cette dépendance aux batteries au lithium-ion repose sur une faiblesse préoccupante. 

Les géants de l'industrie mondiale tels qu’Apple, Samsung, Volkswagen ou Tesla sont dépendants des livraisons d'un pays africain plongé dans un profond marasme politique : la République démocratique du Congo (RDC), qui assure à elle seule les deux tiers de la production mondiale de cobalt, estimée à 148.000 tonnes en 2015 par la British Geological Survey.

L'autre particularité du cobalt est que les pays de production diffèrent souvent de ceux où ce métal est raffiné. 

De ce point de vue, la Chine arrive largement en tête puisqu'avec plus de 48.000 tonnes par an, elle raffine à elle seule près de la moitié du cobalt disponible sur le marché mondial.

D’ailleurs la Chine est largement présente en RDC puisqu’elle raffine la plus grande partie du cobalt extrait dans ce pays.

Dès lors, il y a un véritable danger pour l'industrie automobile, ou celle des téléphones portables, à dépendre ainsi de la RDC.

Dans un article publié par le site de vulgarisation scientifique The Conversation, Ben McLellan, chercheur à l'université de Kyoto au Japon, estime que l'industrie automobile "devrait se soucier du fait que l'approvisionnement d'un de ses minéraux essentiels (...) pourrait être trop centralisé dans un seul pays."

Si la Chine demeure par ailleurs un Etat plus fiable du point de vue économique, la crise d'approvisionnement en terres rares, entre 2009 et 2012, a montré que Pékin pouvait avoir une utilisation politique de ses ressources minérales.

"Il y aura une pénurie d'approvisionnement en cobalt à l'avenir, lorsque le marché des véhicules électriques va se déployer", a prédit à Bloomberg Ivan Glassenberg, le PDG du géant minier Glencore.

Ainsi, en cinq ans, le prix de la tonne de cobalt a quasiment été multiplié par trois et la tendance reste à la hausse au London Metal Exchange, la bourse des métaux de Londres.

La RDC s'apprête d'ailleurs à réviser son code minier jugé trop favorable aux capitaux étrangers, pour que son économie profite aussi de l'envolée des cours du cobalt, notamment par l'intermédiaire de l'entreprise nationale Gecamines.

Travail d'enfants

Mais ce n'est pas le seul souci. Dans un rapport publié en novembre 2017, Amnesty International a dénoncé les conditions de travail effrayantes dans les mines de cobalt en RDC, où 20% de la production serait assurée par des exploitations artisanales.

Amnesty International a accusé des entreprises comme Volkswagen, Daimler, Microsoft et Renault de ne pas agir suffisamment - voire pas du tout - pour tracer l'origine du cobalt qu'ils intègrent dans leur production.

Un cinquième de la production de cobalt en RDC est extrait dans des mines artisanales
Un cinquième de la production de cobalt en RDC est extrait dans des mines artisanalesImage : Getty Images/AFP/F. Scoppa

Volkswagen a annoncé en janvier sa décision de s'installer au Rwanda pour y bâtir une usine d'assemblage. L'intention du constructeur automobile allemand est également de se rapprocher des gisements de cobalt en République démocratique du Congo.  

"20% de la production totale de cobalt en RDC est réalisée à la main. Les mineurs extraient le cobalt avec des outils rudimentaires et sans protection", explique Lauren Amistead d'Amnesty International. 

"Les puits qu'ils creusent sont souvent plus profonds que la norme légale de 30 mètres. Ils descendent parfois à 60 ou 70 mètres et ils n'ont aucune protection. Ces personnes travaillent dans des conditions très dangereuses et lorsque les puits s'effondrent, il y a des morts."

"Si Volkswagen veut devenir leader sur le marché de la voiture électrique alors ils doivent vraiment se positionner en tant que leader du point de vue des pratiques d'extraction. Il est de la plus haute importance que la révolution des véhicules électriques ne se fasse pas sur le dos des enfants et des adultes qui travaillent dans ces conditions en République démocratique du Congo", poursuit Lauren Amistead.

Les industriels de l'automobile et des smartphones se retrouvent donc sous une pression croissante des ONG mais aussi des investisseurs qui exigent un "traçage" du cobalt, à l'image de ce qui a été mis en place pour les minerais et les diamants extraits dans les zones de conflits. 

Le fond d'investissement Hermes, qui pèse 34 milliards d'euros, vient de sommer les industriels de songer à utiliser des techniques telle que le "blockchain", une technologie de stockage et de transmission de données qui fonctionne sans contrôle central, utilisée notamment avec la crypto-monnaie bitcoin.

Appliquée au cobalt, cette technologie, déjà utilisée pour le diamant, permettrait de tracer le cobalt depuis son extraction jusqu'à son application industrielle.

Toutefois, le cas du cobalt reste plus complexe car encore lié à une production plus artisanale. Le risque étant que du cobalt "propre" soit mélangé à la production d'autres sites qui utilisent le travail des enfants.

DW Mitarbeiterporträt Jean-Michel Bos
Jean-Michel Bos Journaliste au programme francophone de la DW.JMBos