La chute de Fallouja
15 novembre 2004Pour Die Welt, la victoire des Américains pourrait très bien ne pas durer longtemps. Le quotidien doute que la paix puisse être assurée à grands coups de technologie, surtout si celle-ci est militaire. Falloujah est une guerre asymétrique, non seulement en termes d’équipement militaire mais surtout en terme de culture et de forme de vie. Haute technologie contre patriotes bariolés, systématisme américain contre guérilla arabe, c’est ici une véritable guerre de civilisation qui se déroule en Irak. Si la supériorité technologique de l’un n’est pas à négliger, elle recèle également un grave danger : celui de croire que la guerre se gagne avec la technique. Et Die Welt de citer Clausewitz, le grand théoricien allemand de la guerre : la guerre est un moyen sérieux engagé dans un but sérieux et pour lequel les moyens militaires doivent rester inféodés à l’objectif politique. Sinon, la victoire se transforme en défaite.
Une thèse également soutenue par la Tageszeitung, de Berlin, pour qui il faut plus qu’une victoire militaire pour obtenir la paix. Selon les Américains et le gouvernement provisoire irakien, cet assaut de Falloujah était le dernier recours après l’échec des négociations. La victoire militaire des USA à elle seule ne résoudra pas le problème de la lutte armée. L’Irak a besoin de sécurité, de réformes et d’élections libres. Cela ne s’obtient pas avec des bombes, accuse le quotidien.
La Frankfurter Allgemeine Zeitung doute franchement du succès politique de telles opérations militaires. Certes, George Bush espère que le calme reviendra dans le pays une fois le scrutin de janvier terminé. Le journal lui rappelle que les mêmes espoirs avaient été caressés dans le cadre de la mise en place du régime irakien provisoire. On voit ce que cela a donné, ironise le journal.
Pour la Süddeutsche Zeitung, la tête et le cœur des Irakiens ne seront pas gagnés par des victoires militaires. Personne ne croit plus à l’argument officiel de vouloir préserver les élections libres du mois de janvier prochain. En effet, à peine les combats s’éteignent-ils dans l’ancien bastion sunnite qu’ils reprennent avec plus de violence ailleurs. Quelle que soit la constitution des troupes rebelles au nouvel ordre américain, nostalgiques de Saddam Hussein ou fanatiques religieux de toute obédience, chaque soulèvement armé est en réalité la manifestation d’une résistance nationale à l’occupation étrangère. Autant le succès militaire de cette offensive est douteux, autant son échec politique semble certain, conclut le journal.