Burkina: Iyad Ag Ghaly et le GSIM revendiquent les attaques
3 mars 2018Le Groupe pour le soutien de l'islam et des musulmans (GSIM) a revendiqué les attaques de vendredi (02.03.2018) contre l'état-major des forces armées du Burkina Faso et l'ambassade de France à Ouagadougou qui ont fait 8 morts parmi les militaires. C'est ce que le groupe a affirmé samedi dans un message parvenu à l'agence privée mauritanienne "Al Akhbar". Le groupe islamiste affirme avoir agi en représailles à une opération française au Mali. Le GSIM, dirigé par le Touareg malien Iyad Ag Ghaly, considère les attaques comme réponse à la mort de plusieurs de ses dirigeants dans un raid de l'armée française dans le nord du Mali il y a deux semaines.
"Des scènes apocalyptiques"
La journée du samedi était consacrée aux visites des sites touchés par les attaques. Le premier ministre s'est rendu à l'ambassade de France et à l'état-major général des armées. Le Premier ministre burkinabè, Paul Kaba Thiéba a décrit des "scènes apocalyptiques".
Déjà avant le révendiation par le GSIM, Siaka Coulibaly, analyste politique burkinabè, avait estimé que cette nouvelle attaque avait visé "des intérêts officiels français". "On sait par ailleurs que le groupe qui agit dans le Sahel et le Sahara a bien identifié la France comme l'un de ses ennemis soit idéologique soit stratégique."
Pour lui les assaillants ont visé l'Ambassade de France pour exprimer leur opposition à la force G5 Sahel soutenue par Paris et l'Union européenne: "La France fait partie des pays qui sont visés par ces mouvements. Et même avant l'attaque de vendredi, on sait que beaucoup de Français ont été abattus dans l'attaque du 15 janvier 2016 à Ouagadougou au Cappuccino sur l'avenue Kwame Nkrumah", souligne l'expert burkinabè.
Un symbole fort de l'Etat burkinabè égalemet touché
Les attaques de Ouagadougou interviennent aussi après le report sine die du procès du putsch manqué de septembre 2015 au Burkina Faso qui s'est ouvert mardi à Ouagadougou, avec 84 accusés, dont les généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé, cerveaux présumés du coup. "Au delà de la France, il y a aussi l'état-major et ses alentours y compris la justice militaire qui ont subi ces attaques. Et donc je crois que les intentions commencent à se préciser. Il s'agit de s'en prendre aux institutions de l'Etat burkinabé", ajoute Siaka Coulibaly qui indique cependant qu' "en attendant que les enquêtes ne puissent permettre d'établir des liens entre disons les généraux et ces groupes armés, on ne peut pas écarter complètement un lien entre le procès des généraux et les attaques".
Le tribunal militaire était-il visé ?
Selon le dernier bilan officiel, les attaques menées contre l'état-major des forces armées du Burkina Faso et l'ambassade de France ont fait 8 morts parmi les militaires et 12 blessés en état d'urgence absolue, selon un nouveau bilan d'une source sécuritaire française. Huit assaillants ont en outre été tués pendant ces attaques qui ont touché le coeur de la capitale burkinabè.
"Nous sommes surpris par la facilité avec laquelle ils ont pu s’attaquer à cette enceinte qui est vraiment au centre-ville. On n’a pas pris la mesure de la chose. On n'a pas pensé que la menace était aussi sérieuse et que le dispositif mis en place n’était pas efficace. L’attaque sur l’état-major, c’est une façon de montrer la faiblesse de notre armée ou de la narguer", a déclaré à la DW Idrissa Ouédraogo, directeur du Centre de documentation et de recherche économique à l'université de
Ouaga 2. Pour lui, tout le monde est surpris de la faille dans le système sécuritaire de l'armée. "On est surpris que cette attaque ait lieu à 10h du matin sans aucun problème et qu’on n’ait pas pu riposter, qu’on n’ait pas pu l’empêcher. C’est une façon de montrer à l’Etat qu’ils peuvent venir attaquer et ressortir sans aucun problème", dit l'expert.
Le coeur du pouvoir militaire touché
De son côté, le professeur Soma Abdoulaye estime que les réformes de l'armée doivent s'accélérer. "Nous sommes en phase de réformes sécuritaires parce qu'on a démantelé le système de sécurité qui était en place avec ses forces et ses limites. Et on est en train de constituer un nouveau système de renseignements qui n'est pas encore en place. Il est opérationnel mais il n'a pas atteint sa vitesse de croisière en matière de ressources, de stratégie et d'intelligence. Et c'est ce qui nous met dans une situation un peu délicate et de fragilité."
Selon Soma Abdoulaye c'est effrayant, "mais pour moi ce n'est pas étonnant parce que c'est le même système de sécurité et de renseignements qui doit couvrir tout le pays qui est mis en cause. Vous voyez que les assaillants n'ont même pas eu peur d'attaquer au centre-ville en pleine journée. Mais c'est ecoeurant et c'est effrayant pour les Burkinabè".
L'armée critiquée
Soma Abdoulaye pointe du doigt la lenteur de réaction des forces armées burkinabè. "Les assaillants auraient pu attaquer plus facilement la Primature - qui n'est pas loin de l'état-major. Or, l'ambassade de France qui a pu réagir rapidement et efficacement n'est qu'un détachement de la France au Burkina. Donc, par hypothèse, au Burkina Faso, l'armée burkinabè doit être plus forte que les forces françaises. L'armée burkinabè devrait donc avoir plus de réactivité."
Vendredi soir, le ministre de la Sécurité, Clément Sawadogo a déclaré que l'attentat visait "peut-être" une réunion militaire de la force multinationale antidjihadiste du G5-Sahel (Mali, Burkina, Niger, Tchad et Mauritanie), qui devait se tenir dans une salle qui a été dévastée par l'explosion d'une voiture piégée.
"Un terroriste, un djihadiste fait une action pour qu'on puisse savoir que c'est lui qui a fait cette action. Parce que son influence, sa crédibilité en tant que mouvement djihadiste est liée à la masse de ses actions. Si une attaque est revendiquée, ceci fait partie du mode de fonctionnement des groupes djihadistes pour avoir de l'impact psychologique", conclut Soma Abdoulaye.
Dans un discours ce samedi, le président burkinabè Roch Marc Chriatian Kaboré a fermement condamné les attaques.